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Le cash thésaurisé par les Marocains sur une tendance haussière surprenante (Etude BAM)

C’est une étude édifiante que vient de publier Bank Al-Maghrib sur le cash non transactionnel au Maroc. Les résultats de l’analyse signée par trois chercheurs de l’Institut d’émission font état d’une forte progression du cash thésaurisé au Maroc depuis le début des années 2000. La demande de cash non transactionnel se situait ainsi autour de 20% au début du millénaire, et fluctuerait en 2021, selon les hypothèses retenues, entre 60 et 80% de la valeur des billets de 100 et 200 DH en circulation.

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Bien que le cash continue de représenter le moyen de paiement privilégié par les Marocains pour régler les transactions courantes quotidiennes, les autres moyens de paiement électroniques sont en progression significative. C’est ce qui ressort d’un document de recherche publié par Bank Al-Maghrib (BAM) intitulé «Estimation du cash non transactionnel au Maroc». Le document, signé par Linah Shimi, Abdessamad Saidi et Seitz Franz, indique que la demande pour la plus large coupure de 200 DH a fortement progressé durant les dernières années. Le billet de 200 DH représente ainsi 75% du total de la fiduciaire en valeur au Maroc en 2022, contre seulement 47% en 2000.

Les résultats issus des différentes méthodes appliquées par le groupe de recherche s’accordent sur la tendance haussière du cash non transactionnel et sur des montants potentiellement thésaurisés très élevés. La part des billets de 100 DH et de 200 DH détenue pour des motifs non transactionnels aurait progressé fortement depuis le début du millénaire et fluctuerait, selon les hypothèses retenues par le groupe de recherche de BAM, entre 60 et 80% de leur valeur en 2021. «Ces résultats sont robustes à un large éventail d’hypothèses de référence et s’alignent avec les ordres de grandeur estimés des travaux empiriques menés dans d’autres pays», soulignent les analystes de la Banque centrale.

Bien entendu, expliquent-ils, ces chiffres estimés doivent être interprétés avec précaution étant donné les limites techniques intrinsèques de chacune des méthodes d’estimation utilisées et de leur «rationalité». Par ailleurs, les billets transitant par l’économie informelle ou par l’économie souterraine ont des caractéristiques et un cycle de vie différents de ceux transitant uniquement par les circuits formels. Ainsi, la durée de vie des billets «non formels» pourrait être plus longue que celle des billets utilisés dans le cadre de transactions courantes formelles, sans pour autant que ces billets ne soient thésaurisés.

Dans ce cas, les estimations réalisées par le groupe de recherche de BAM incluent une part de la demande de cash non thésaurisée utilisée dans des sphères non formelles. De plus, ces estimations ne sont pas corrigées de l’épargne des ménages non bancarisés qui pratiquent une «thésaurisation forcée».

Le cash thésaurisé représente des investissements potentiellement productifs évincés de l’économie

Néanmoins, l’ordre de grandeur du cash non transactionnel au Maroc interpelle, selon les analystes, puisque ces montants représenteraient en 2019 près de 13% du PIB. La crise sanitaire de la Covid-19 situerait ces montants à près de 20% du PIB en 2020 et 2021. Ce qui soulève, selon l’analyse, d’importantes questions concernant l’usage et le rôle du cash dans nos économies. Bien entendu, le cash est nécessaire puisqu’il représente le moyen de paiement le plus inclusif et le plus résilient qui existe. De plus, la dimension psychologique associée à la détention de cash en tant que «réserve de valeur» lui confère également un rôle stabilisateur en période de crise améliorant la résilience des économies confrontées à des chocs de grande ampleur (ruée vers le cash en période de crise telle que la crise de la Covid-19).

Toutefois, précisent les analystes de l’Institut d’émission, le cash thésaurisé représente également des investissements potentiellement productifs évincés de l’économie qui pourraient dynamiser le cycle réel et les perspectives de croissance. Ceci est particulièrement vrai dans un contexte de sortie de crise telle que la conjoncture post-pandémique traversée, mais également pour contribuer aux efforts nécessaires pour transiter vers des économies plus durables. «Existe-t-il un seuil au-dessus duquel l’effet net de la thésaurisation serait négatif sur l’économie ? Ce seuil dépend-il du niveau de développement d’une économie ? Quelles seraient les conséquences d’une déthésaurisation soudaine massive sur la stabilité du système de paiement, la stabilité des prix, la stabilité de la société et la conduite de la politique monétaire ?

Autant de questions qui, d’après les trois économistes, nécessitent d’appréhender davantage cette thématique à l’avenir eu égard à l’appétence mondiale pour le cash. Dans le cas du Maroc, quelques recommandations peuvent d’emblée être formulées pour améliorer la compréhension de l’usage du cash et du cycle de vie des différentes coupures. D’abord, les enquêtes sur les moyens de paiements menées par la Banque centrale pourraient être systématiquement agrémentées de questions explicites sur la détention de cash (motifs, montants concernés, durée de détention de ces sommes, etc.).

Ces informations permettront de déduire des estimations planchers du cash thésaurisé (à comparer aux estimations indirectes effectuées dans le cadre de ce travail). Ensuite, l’émission de nouvelles séries dans le futur (en particulier pour les billets de 100 DH et 200 DH, ou si l’émission d’une plus large coupure est envisagée) est l’occasion d’implémenter des techniques de suivi des billets afin d’obtenir des estimations plus précises du volume de billets utilisés dans le cadre des transactions courantes, ceux dont la vélocité est plus faible et enfin ceux thésaurisés.
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