C’est fait. Quelques jours après la publication de la Loi de Finances 2025 (LF) au Bulletin officiel (BO), la Direction générale des impôts (DGI) a publié sa note synthétique des principales mesures fiscales pour l’exercice budgétaire prochain. Dans la LF de 2025, l’Exécutif poursuit l’opérationnalisation de la réforme fiscale instaurée par la Loi-cadre 69-19 qui a tracé la feuille de route de la politique fiscale de l’État, conformément aux recommandations des troisièmes assises nationales de la fiscalité tenues en 2019 à Skhirate. Concrètement, après la réforme de l’impôt sur les sociétés (IS) en 2023 et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en 2024, le Budget de l’année prochaine introduit la réforme de l’impôt sur le revenu (IR) avec l’objectif d’opérer une baisse de la pression fiscale et améliorer les revenus des salariés et des retraités. En plus de la réforme de l’IR, qui constitue donc l’aménagement fiscal phare, la LF 2025 prévoit également d’autres mesures fiscales. Celles-ci portent notamment sur le renforcement des dispositifs fiscaux de lutte contre la fraude fiscale et l’intégration du secteur informel, la clarification de certaines dispositions en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des droits d’enregistrement. Le Budget prévoit également la rationalisation et la simplification des règles d’assiette et de recouvrement de la parafiscalité, en intégrant dans le CGI les dispositions régissant la taxe spéciale sur le ciment.
IR : Un réaménagement progressif des taux dès janvier
La LF 2025 a prévu des réaménagements du barème progressif des taux de l’IR dès janvier prochain. Ces derniers portent sur le relèvement de la première tranche du barème relative au revenu net exonéré de 30.000 à 40.000 dirhams, la révision des autres tranches du barème, afin de les élargir et de réduire leur taux d’imposition, se traduisant par une réduction de ces taux allant jusqu’à 50% en plus de l’abaissement du taux marginal du barème précité de 38% à 37%. En clair, à partir de janvier 2025, les tranches de revenus seront élargies, avec un seuil d'exonération rehaussé à 40.000 DH, contre 30.000 DH actuellement. De même, le taux maximum d’imposition a été revu à la baisse. Ainsi, ce taux sera plafonné à 37% contre 38% avant l’entrée en vigueur de cette réforme. De même, les sommes à déduire augmentent dans toutes les tranches. Ce qui favorisera une réduction du montant net d'impôt à payer par les contribuables. S’agissant des réajustements des tranches intermédiaires, la LF 2025 a prévu un élargissement de chaque tranche de revenu. Ce qui réduit la probabilité de passer à une tranche supérieure avec un taux plus élevé. Les sommes à déduire sont globalement augmentées, rendant la réforme avantageuse pour tous les niveaux de revenu.
Une nouvelle catégorie de revenus assujettie à l’IR créée
Par ailleurs, le Budget de 2025 prévoit la création d’une nouvelle catégorie de revenus imposables en matière d’IR. L’objectif étant d’appréhender tous les revenus et gains imposables ne se rattachant pas aux cinq catégories de revenus. Cette nouvelle catégorie renferme les revenus évalués dans le cadre de la procédure de l’examen de l’ensemble de la situation fiscale des personnes physiques dont la source n’a pas été justifiée (imposition selon le régime de droit commun d’IR à compter du 1ᵉʳ janvier 2025), les gains de jeux de hasard de source étrangère réalisés via Internet quelle que soit leur forme à travers l’institution d’une Retenue à la source (RAS) au taux libératoire de 30% opérée par les établissements de crédit & assimilés à compter du 1ᵉʳ juillet 2025. Cette catégorie comprendra également les revenus et gains divers provenant des opérations lucratives qui ne relèvent pas d’une autre catégorie de revenus. Ces derniers seront donc imposés selon le régime de droit commun d’IR à compter du 1ᵉʳ janvier prochain.
Revenus fonciers : la retenue à la source instaurée
La LF 2025 a instauré la retenue à la source optionnelle au taux libératoire pour les revenus fonciers. Concrètement, il s’agit d’une RAS optionnelle de 20% libératoire pour les contribuables titulaires de revenus fonciers en plus d’une dispense de déclaration de revenu global, que ce soient des salariés ou des retraités, qui sont soumis à la RAS au taux non libératoire de 10 ou 15% avant cette Loi.
Rachat des retraites complémentaires : le traitement fiscal révisé
La LF 2025 apporte une révision du traitement fiscal réservé aux rachats de retraites complémentaires dont les cotisations n'ont pas été déduites. En effet, afin de pouvoir bénéficier de l’exonération des prestations de services de contrat de retraite complémentaire, le Budget de 2025 instaure une condition : il s’agit d’une durée de 8 ans pour conclure ce contrat. Précision importante : en cas de décès ou d’invalidité de la personne concernée, cette condition est remise en question. Si la personne souhaite bénéficier de prestations de ce contrat avant le délai fixé (8 ans), la base imposable sera la différence entre le montant du capital ou la rente certaine perçue et le montant des cotisations ou primes versées correspondant au capital ou rente. Cette mesure entre donc en vigueur à partir du 1ᵉʳ janvier 2025.
Transferts d’immeubles : le traitement fiscal clarifié
Le Budget de 2025 a clarifié le traitement fiscal applicable aux opérations de transfert d’immeubles ou des droits réels immobiliers du patrimoine privé d’une personne physique à l’actif de son entreprise, lorsque ce transfert est effectué à une valeur supérieure à leur prix d’acquisition d’origine. Toutefois, si le transfert de ce droit se fait à la valeur d’acquisition d’origine, l’opération serait alors exclue du champ d’application d’IR.
Services à distance : le client résident occasionnellement au Maroc ne payera plus la TVA
La LF 2025 a prévu l’harmonisation des dispositions relatives aux prestations de services à distance avec les bonnes pratiques internationales. Ainsi, plusieurs modifications ont ainsi été programmées. Il s’agit de la suppression du champ d’application de la TVA des prestations fournies à distance à un client résident à titre occasionnel au Maroc, puisque ce client s’acquittera de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la transaction concernée dans son pays de résidence habituelle. Autre nouveauté, la définition des critères permettant d’établir la résidence fiscale au Maroc, afin de faciliter l’identification par les sociétés non résidentes des clients visés à l’article 115 bis du CGI qui acquièrent des services à distance de manière dématérialisée, en précisant des indicateurs clairs à l’instar des autres pays. À cela, s’ajoute la modification de la périodicité du dépôt de la déclaration du chiffre d’affaires réalisé au Maroc par les prestataires de service à distance non résidents, en instituant le dépôt trimestriel, à travers la plateforme électronique, au lieu du dépôt mensuel.
Enseignement privé et formation : les biens d’équipement exonérés de la TVA
La LF 2025 a prévu une exonération de la TVA des biens d'équipement destinés à l'enseignement privé ou à la formation professionnelle acquis par les sociétés foncières ou les Organismes de placement collectif immobilier (OPCI), créés récemment (moins de 36 mois). Pour pouvoir profiter de cette mesure, ces équipements doivent être exclusivement dédiés à la réalisation des projets de construction des établissements d'enseignement. Le Budget de 2025 a procédé, par ailleurs, à une augmentation de la part minimale du produit de la TVA affecté aux budgets des collectivités territoriales de 30 à 32%.
Les levures sèches imposées de la TVA au taux de 20%
À cela, s’ajoute l’imposition des levures sèches à la TVA au taux de 20% à l’intérieur et à l’importation. Cette mesure vise à assurer une concurrence équitable entre le produit importé et le produit local qui ne bénéficie pas du droit à la déduction. La TVA ayant grevé la production stockée de levure au 31 décembre 2024 et vendue à partir du 1ᵉʳ janvier est déductible à concurrence du montant des ventes.
TVA : Les viandes fraîches, congelées et assaisonnées exonérées
Autre mesure en matière de la TVA, l’exonération de la viande fraîche ou congelée assaisonnée de la TVA sans droit à déduction. Le Budget de 2025 a prévu, en effet, l’élargissement de l’exonération de la viande fraîche ou congelée de la TVA sans droit à déduction, en incluant la viande assaisonnée. Cette mesure sera appliquée à compter du 1ᵉʳ janvier 2025. Dans le but d’assurer un approvisionnement normal du marché national à des prix convenables, la LF 2025 a, en outre, introduit une mesure temporaire, au titre de l'année 2025, portant sur l’exonération des opérations d’importation de certains animaux vivants et produits agricoles de la TVA, dans la limite des contingents fixés. Concrètement, cette disposition concernera les opérations d’importation des animaux vivants des espèces bovine, ovine, caprine et camélidé, les velles reproductrices et les génisses, les viandes des animaux des espèces bovine, ovine et caprine fraîches ou réfrigérés ou congelées, le riz cargo importé par les industriels du secteur et les huiles d'olive de qualité vierge et extra vierge.
Les sociétés en participation et les GIE intègrent le champ de l’IS
Les sociétés en participation comprenant plus de 5 associés personnes physiques ainsi que celles comprenant au moins une personne morale, en plus des et des groupements d’intérêt économique (GIE) seront assujettis à l’IS. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la rationalisation des régimes d’imposition. Dans le cas des GIE, la LF 2025 précise que leur imposition est établie au nom des personnes morales et physiques qui en sont membres, à concurrence de leur quote-part dans le résultat net de ces groupements.
Actifs immobilisés : le délai pour bénéficier de l’abattement de 70% prorogé jusqu’en 2030
La LF 2025 a procédé à une prorogation du délai prévu pour bénéficier de l’abattement de 70% appliqué sur la plus-value nette réalisée dans le cas de la cession des éléments de l’actif immobilisé. En effet, afin d’encourager les sociétés à réinvestir le montant global des produits de cession des éléments d’actif immobilisé, le Budget de 2025 a prorogé le délai d’application de cette mesure jusqu’à 2030, en prévoyant la suppression de l’exclusion concernant les terrains et les constructions.
Produits d’actions et parts sociales : La RAS appliquée
La LF 2025 a opéré une révision des modalités d’application de l’impôt retenu à la source sur les produits d’actions, parts sociales et revenus assimilés. En effet, dans le cadre de la simplification, le Budget de 2025 a modifié les dispositions de l’article 247-XXXVII-C du CGI. Ce réaménagement prévoit ainsi l’application de la retenue à la source aux produits des actions, parts sociales et revenus assimilés selon une nouvelle configuration. Il s’agit de 12,50% pour les montants distribués à compter du 1ᵉʳ janvier 2025, 11,25% pour les montants distribués à compter du 1ᵉʳ janvier 2026 et 10% pour les montants distribués à compter du 1ᵉʳ janvier 2027.
Restructuration des groupes de sociétés : Le régime d’incitation fiscale révisé
Le Budget de 2025 apporte une révision du régime d’incitation fiscale appliqué aux opérations de restructuration des groupes de sociétés. Les nouvelles mesures portent ainsi sur la modification du seuil de détention, par la société mère de manière continue directement ou indirectement, du capital social des sociétés du groupe, en fixant ce seuil à deux tiers (2/3) au lieu de 80%. Il s’agit également de l’institution de la possibilité d’évaluation des immobilisations transférées entre les membres du groupe de sociétés à leur valeur nette comptable et la clarification de la notion de «transfert des immobilisations», en précisant que ce transfert s’entend de l’apport en contrepartie de l’octroi de titres. De même, la LF 2025 a consacré la règle du sursis de paiement d’IS sur la plus-value nette réalisée, au lieu du différé d’intégration de cette plus-value nette dans le résultat fiscal, à l’instar de ce qui est prévu dans les autres régimes incitatifs de restructuration des entreprises.
La notification électronique a désormais les mêmes effets juridiques
Pour éviter les divergences d’interprétation, la LF 2025 a clarifié les dispositions de l’article 219-II du CGI, en précisant qu’outre les formes de notification habituelles, la notification peut être effectuée par procédé électronique, conformément à la législation et la réglementation en vigueur et que cette notification produit les mêmes effets juridiques que la notification habituelle.