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Lundi 20 Mai 2024
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Les banques marocaines fortement exposées aux risques climatiques

Le secteur bancaire marocain est particulièrement exposé aux risques induits par les changements climatiques. Selon une analyse de la Banque mondiale et de Bank Al-Maghrib, plus d’un tiers des portefeuilles de crédit des banques est exposé aux risques climatiques physiques, principalement en raison des prêts accordés dans les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du tourisme, ainsi qu’aux ménages vivant dans des zones vulnérables. Les détails.

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Les changements climatiques pourraient sérieusement aggraver les préjudices financiers causés par les sécheresses et les inondations au Maroc, avec des impacts notables sur les pertes des banques dans le cas des sécheresses. C’est la principale conclusion de l’étude menée par la Banque mondiale et Bank Al-Maghrib (BAM) avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD) sur l’impact des risques climatiques sur le secteur bancaire marocain. Le document dont les principaux constats ont été dévoilés lors d’un atelier organisé par BAM et l’Institution de Bretton Woods, le 9 mai à Casablanca, indique que plus d’un tiers des portefeuilles de crédit des banques est particulièrement exposé aux risques climatiques physiques, principalement en raison des prêts accordés dans les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du tourisme, ainsi qu’aux ménages vivant dans des zones vulnérables. Selon les divers scénarios de sécheresse, les impacts économiques s’échelonnent entre 4,2 milliards de dollars (sécheresse historique à récurrence de 500 ans) et 7 milliards de dollars (sécheresse à récurrence de 500 ans dans un scénario de changement climatique grave en 2050). Ce qui fait perdre 1,8 à 3,5 points de pourcentage au PIB tout en réduisant le ratio d’adéquation des fonds propres des banques de 1,3 à 2,2%.

Inondations: Jusqu'à 10,5 milliards de dollars de dommages

L’analyse met en évidence les effets d’amplification significatifs du changement climatique dans tous les scénarios. Ainsi, les inondations pourraient même causer des dommages compris entre 8 milliards de dollars (inondation pluviale à récurrence de 500 ans) et 10,5 milliards de dollars, réduisant le PIB de 1,6 à 2,2%. Toutefois, contrairement aux sécheresses qui se prolongent, les inondations sont de courte durée et n’ont qu’un faible impact sur les pertes sur prêts et le capital des banques.

>>Lire aussi : Changement climatique : voici les chantiers de Bank Al-Maghrib pour le verdissement de l’économie
Le secteur bancaire marocain pourrait également subir des risques de transition liés aux changements de politique et à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, en dépit de la faible part d’émissions du pays dans le monde (0,16%). Les émissions au Maroc augmentent, ce qui peut accroître les risques de transition pour les secteurs à forte intensité de carbone tels que la production d’électricité, les transports, l’exploitation minière, l’agriculture, l’industrie manufacturière et les services publics. De même, le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne (UE), qui impose des droits de douane sur certains produits à forte intensité de carbone, pose également des risques supplémentaires pour des industries telles que le ciment et l’aluminium, étant donné l’importance des échanges commerciaux du Maroc avec l’UE.

Des données limitées et un impact sous-estimé par les banques

Le rapport conclut que 24,3% du total des prêts et 43,6% des crédits aux entreprises non financières sont liés aux secteurs sensibles à la transition, une proportion relativement élevée par rapport à d’autres pays. Une évaluation de la vulnérabilité montre qu’une taxe carbone de 75 dollars/tonne de CO2 pourrait augmenter le risque de crédit pour 8,4% des prêts aux entreprises, ce qui équivaut à 3,1% des actifs du secteur bancaire. Selon ses auteurs, les résultats de l’analyse des risques climatiques doivent néanmoins être considérés avec prudence en raison des incertitudes liées aux estimations et des limites méthodologiques. En fait, l’impact du changement climatique sur le secteur bancaire peut être sous-estimé en raison des difficultés à modéliser les points de basculement du climat et l’interaction entre les conséquences macroéconomiques, financières et climatiques. Les données limitées et les différentes approches de modélisation pourraient compromettre la précision de l’évaluation, la rendant plutôt exploratoire et sujette à des ajustements à mesure que la compréhension des risques climatiques progresse. Le rapport souligne par ailleurs que si l’impact global du climat sur le secteur bancaire est gérable, les répercussions financières varient d’une banque à l’autre. Ce qui exigera une vigilance accrue de la part des institutions financières et de la banque centrale. Les conséquences des risques matériels et de transition présentent une grande disparité d’une institution à l’autre, affichant des valeurs extrêmement basses ou élevées selon la concentration géographique et sectorielle des prêts dans les portefeuilles. Le rapport insiste sur la nécessité pour les banques marocaines d’intégrer les risques climatiques dans leurs dispositifs de gestion des risques et de gouvernance.

Vers l’intégration des risques climatiques dans les pratiques de BAM

En attendant, BAM réagit en élaborant des orientations prudentielles plus détaillées pour les banques, notamment en ce qui concerne les tests de résistance et les rapports. Elle cherche ainsi à intégrer les risques climatiques dans ses pratiques de supervision, en s’alignant sur les normes mondiales telles que les principes de gestion des risques climatiques du Comité de Bâle et les exigences de divulgation liées au développement durable des normes IFRS. La Banque mondiale poursuivra sa collaboration avec BAM et d’autres régulateurs nationaux et partenaires internationaux tels que le Conseil de stabilité financière et le Réseau pour le verdissement du système financier, afin d’améliorer les méthodes d’évaluation et d’intégrer les risques climatiques dans les méthodes de supervision pour améliorer la résilience des secteurs financiers face aux chocs climatiques. Ce soutien s’inscrit dans le cadre de l’assistance technique globale fournie par la Banque à plus de 60 pays pour la gestion des risques financiers liés au climat et la promotion des financements climatiques.
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