Des dépôts en forte hausse mais un écart persistant avec les financements
Sur le plan des dépôts, le secteur participatif continue de croître à un rythme soutenu. L'encours des dépôts auprès des banques et fenêtres participatives a atteint 13,3 milliards de dirhams (MMDH) à fin juin 2024, enregistrant une hausse de 31% par rapport à la même période en 2023, où ils s'établissaient à 10,1 MMDH.Cependant, un écart notable subsiste entre ces dépôts et les financements accordés. À fin juin 2024, l'encours des financements participatifs, principalement via le produit Mourabaha, s'élève à 23 MMDH, en hausse de 20,5% par rapport aux 19 MMDH enregistrés un an auparavant. Ce décalage de près de 10 MMDH suggère que de nombreux clients se tournent vers les banques participatives pour obtenir des financements, mais préfèrent conserver leurs liquidités ailleurs.
«Le défi majeur pour les banques participatives a été de développer un produit complet intégrant financement et assurance», explique Saïd Amaghdir, ex-président de l'Association Marocaine des Professionnels de la Finance Participative (AMPF). Pendant la période de Covid, elles ont dû gérer des situations difficiles, notamment les décès de clients sans assurance. «Aujourd'hui, l'objectif est de recruter et fidéliser de nouveaux clients pour devenir une banque complète, offrant une gamme élargie de produits financiers », ajoute l'expert.
Ces banques doivent réussir à attirer et fidéliser une base de clients plus large afin d’augmenter leurs ressources gratuites, via l'ouverture de comptes. L'enjeu consiste à diversifier et enrichir leur offre de produits financiers, d'épargne et de placement, mais aussi de développer des services internationaux et de salle de marché.
Pour le moment, la Mourabaha immobilière continue de générer l'essentiel de l'activité. À fin juin 2024, son encours tteint 18 MMDH, en augmentation de 13,21% par rapport à la même période en 2023, où il s'établissait à 15,9 MMDH. Ce produit représente désormais 7,35% du total des crédits à l'habitat au Maroc, un marché qui pèse globalement 245 MMDH.
Le résultat financier du secteur passe dans le vert à fin juin 2024
À fin juin 2024, le Produit Net Bancaire (PNB) consolidé des banques et fenêtres participatives a atteint 466,16 MDH, en hausse de 20,55% par rapport aux 386,7 MDH enregistrés un an auparavant. Le résultat net global des cinq banques et trois fenêtres participatives analysées est de 29,49 MDH, contre un déficit de 8,3 MDH à la même période l'année précédente. Cette amélioration est principalement portée par les performances des fenêtres participatives, qui se sont montrées rentables avant même les banques participatives. Elles ont contribué à hauteur de 37,2 MDH au résultat global du secteur à fin juin 2024, contre 30,8 MDH un an plus tôt.
Les banques participatives à l'avant-garde de la croissance rentable
En se focalisant sur les performances individuelles des banques participatives, quatre sur cinq se distinguent par leur passage dans le vert. Al Akhdar Bank a réalisé un bénéfice net de 5,6 MDH à fin juin 2024, contre 0,9 MDH un an plus tôt. Son Produit Net bancaire (PNB) a progressé de 14%, confirmant sa trajectoire de croissance. Umnia Bank, quant à elle, a enregistré un bénéfice de 3,8 MDH, alors qu'elle affichait un déficit de 13 MDH à la même période en 2023. Son PNB a également connu une hausse significative de 23,3%, passant de 103 MDH à 127 MDH.Bank Al-Yousr a également basculé dans le vert, avec un bénéfice net de 2,8 MDH contre un déficit de 5 MDH à fin juin 2023. Cette banque a enregistré une forte croissance de son PNB, qui a augmenté de 44,64%, passant de 56 MDH à 81 MDH. De son côté, Bank Assafa a vu son PNB augmenter de 7%, atteignant 93 MDH, tandis que son bénéfice net a retrouvé l'équilibre, avec un léger excédent de 90.000 dirhams après avoir enregistré un déficit de 10 MDH un an auparavant.
En consolidé, les banques participatives seules affichent un déficit de 7,71 MDH, principalement impacté par Bank Al Karam, qui reste l’exception à cette tendance positive. Le déficit de Bank Al Karam s'est aggravé, passant de 12 MDH à 20 MDH à fin juin 2024.
« Les banques participatives au Maroc bénéficient aujourd'hui d'une rentabilité accrue, soutenue par l'expérience acquise, la rationalisation de leurs coûts initiaux et une diversification stratégique de leurs financements. », estime Said Amaghdir.
Les banques ont bénéficié de l'expérience accumulée depuis leur lancement en 2017, ce qui leur a permis de mieux comprendre les attentes des clients et d'affiner leurs offres en fonction des spécificités régionales. Ensuite, un facteur déterminant a été l'amortissement progressif des coûts structurels lourds, tels que les systèmes d'information, l'acquisition de sièges sociaux et l'ouverture d'agences, ce qui a permis aux banques de récolter les fruits de ces investissements initiaux.
Par ailleurs, l'amélioration des dépôts à vue et des dépôts d'investissement a renforcé les capacités financières des banques, leur permettant de diversifier leurs activités de financement. L'introduction de l’assurance Takaful a complété l'écosystème des banques participatives, notamment avec la couverture des risques liés aux décès emprunteurs, ce qui a contribué à solidifier leur position et à favoriser leur croissance.
Les perspectives d’avenir pour les banques participatives au Maroc s’annoncent particulièrement prometteuses, avec un intérêt croissant pour la création de valeur dans ce secteur. Younes Araqi Houssaini, Directeur chez Effis Group, explique : « Nous voyons émerger des initiatives autour de la digitalisation des parcours clients, des plateformes de gestion de patrimoine conformes à la charia, ainsi que des solutions de financement participatif en ligne. » À plus long terme, des opportunités significatives se dessinent également dans des domaines comme la finance verte. « Nous avons récemment accompagné une banque dans l’étude de faisabilité d’un fonds vert participatif, destiné à financer des projets environnementaux conformes à la charia, » poursuit-il. Les banques participatives, en offrant des produits financiers éthiques alignés sur les objectifs de développement durable, peuvent devenir des acteurs clés.