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Les leviers d’une croissance économique soutenue au Maroc (Allianz)

Élargir la base taxable, investir dans la formation, apporter plus de souplesse à la politique de changes… Maxime Darmet, économiste sénior à Groupe Allianz partage, lors de son passage à l’émission «L’Info en Face» de «Groupe Le Matin», sa lecture de la situation économique du Maroc et partage ses recommandations pour un développement économique soutenu du Royaume.

Maxime Darmet, économiste sénior à Groupe Allianz
Maxime Darmet, économiste sénior à Groupe Allianz
Tensions Iran – Israël : Faut-il craindre un retour en force de l’inflation ? C’est la question centrale du dernier numéro de l’émission «L’Info en Face» de «Le Matin». Pour Maxime Darmet, économiste senior à Groupe Allianz, invité de l’émission, «ce n’est pas ce que les marchés financiers semblent prévoir». En témoignent, par exemple, les prix du baril de pétrole qui n’ont pas beaucoup évolué. «On voit mal l’inflation repartir», insiste Darmet qui n’exclut cependant pas ce risque. «Le plus gros risque à court terme, ce serait une riposte d’Israël contre l’Iran. Une escalade, si l’Iran réplique à son tour, qui accroîtrait les tensions sur les matières premières. Et les prix du pétrole et du gaz sont les premiers éléments qui en pâtiront», selon notre expert.

Cependant, nuance-t-il, le scénario où les sanctions contre l’Iran sont alourdies est loin de se réaliser. «Personne n’a intérêt à pousser les sanctions économiques plus loin», analyse notre expert. Car l’on n’aimerait pas voir le prix du pétrole flamber, d'autant que l’Iran est le septième exportateur de pétrole dans le monde. «Ce serait tout simplement sans impact à court terme et contre-productif à moyen et long terme», explique-t-il.



Les consommateurs de certains pays comme les États-Unis ne verraient pas d’un bon œil une hausse des prix du pétrole dans ce cas précis. Une inflation pourrait changer la donne par exemple pour ce pays, qui se porte d’ailleurs pour l’instant plutôt bien malgré un durcissement de la politique économique. «Une divergence incroyable entre la performance économique américaine (plus de 3% de croissance) et la piètre performance de la zone euro, notamment l’Allemagne», souligne notre invité. Cette différence, Darmet l’explique par 3 facteurs. Le premier est celui d’une politique budgétaire et fiscale de Biden très laxiste qui laisse filer le déficit (plus de 6% du PIB, avec un taux de chômage bas). «Donc, c’est une administration qui dépense trop par rapport à ce qu’elle devrait : des dépenses dans le cadre de la politique industrielle (attractivité des investisseurs, création d’emplois...) et des dépenses sociales qui continuent d’augmenter.



A contrario, en Europe, la politique budgétaire devient de plus en plus restrictive. Le deuxième facteur est celui de l’immigration qui a explosé l’année dernière aux États-Unis (plus de 2,3 millions d’entrées sur le territoire). Le troisième facteur réside dans le fait que la hausse de l’inflation aux États-Unis a profité aux entreprises (corporates) et leur capacité de rembourser leurs dettes s’est améliorée. Mais si jamais l’inflation devait repartir à la hausse en raison de ce conflit, devrait-on aussi craindre une récession généralisée ? La situation est beaucoup plus compliquée en Europe qu’aux États-Unis», répond Darmet.

L’Allemagne, explique-t-il, est dans un déclin un peu structurel dû à la montée en gamme de la Chine, qui commence à dévorer des parts dans presque tous les secteurs de pointe allemands (automobile...). Deuxième raison, conjoncturelle, les prix de l’énergie qui plombent la compétitivité de l’industrie européenne. «Et tout le monde s’inquiète à juste titre», partage-t-il. C’est pourquoi, estime notre expert, dans le scénario où l’inflation repartirait à la hausse à cause des prix de l’énergie, il est à craindre que l’on rentre probablement dans une récession, probablement modérée. «La baisse annuelle du PIB serait de l’ordre de 0,2 à 0,3%», estime notre expert. Qu’en est-il pour le Maroc : Il serait bien évidemment impacté en raison de son positionnement touristique. «Les premières dépenses qui seraient coupées sont celles liées justement au tourisme. Les recettes en devises connaîtraient ainsi une importante baisse (moins de dépenses par touriste et moins de touristes arrivant au Maroc)», craint Darmet.

Où en est l'économie du Maroc ?

Le Maroc enregistre une croissance continue de l’endettement global, notamment extérieur (plus de 790 milliards de DH). Il est dépendant des financements extérieurs y compris les transferts de la diaspora. «Pour les économies en développement, comme celle du Maroc, ce n’est pas forcément un mauvais signe. Il est normal de s’endetter et d’importer des intrants puisqu’ils ne sont pas produits localement. On peut même dire que c’est plutôt bon signe», précise Darmet. Le problème actuel du Maroc, selon l’invité de l’émission, est le faible taux de croissance malgré tout ce qui a été fait jusqu’ici. La raison, selon Darmet, le taux énorme de chômage des jeunes en raison d’une qualification trop faible. «Le gouvernement doit investir dans la formation quitte à couper dans d’autres dépenses». C’est dire qu’une relance/croissance économique saine repose essentiellement sur l’emploi de qualité. «Les gains de productivité au Maroc se situent aux alentours de 2 à 3% par an. Autre frein à une rapide croissance économique : Le contrôle des changes qui n’attire pas assez d’investisseurs étrangers. Aujourd’hui, il y a des limites au rapatriement des profits. Or, il faudrait plus de liberté pour la mobilité des capitaux. Je ne dis pas qu’il faut libéraliser, mais que plus de souplesse serait la bienvenue», préconise l’invité de l’émission. «Qu’en est-il de la flexibilité de la monnaie ? Il faut une politique monétaire cohérente», répond Darmet.

En parallèle à un assouplissement du taux de changes, qui développe l’investissement notamment dans l’industrie et, par conséquent, les exportations, une monnaie flexible est importante. À ce propos, explique notre expert, le Maroc a intérêt à accélérer sa transition verte, au vu du potentiel dont il recèle. Ce qui limiterait la dépendance aux énergies fossiles et ferait de lui un exportateur net d’énergie propre. Car le coût de l’énergie est important et rentre en ligne de jeu dans le développement de l’industrie. Et sa réduction est un accélérateur reconnu de l’investissement dans l’industrie. Mais encore une fois, reconnaît notre invité, le plus important moteur de cette transition industrielle, énergétique et digitale, dans laquelle veut se lancer le Maroc est le financement. «Le gouvernement doit trouver d’autres sources de financement», recommande Darmet. Et la solution réside, selon lui, dans la base taxable : beaucoup de contribuables ne payent pas l’impôt dû (fraude, évasion...) et l’assiette fiscale est trop étroite. En gros, l’expert pointe du doigt une base taxable restreinte, un niveau élevé de fraude et d’évasion fiscale et une pression fiscale élevée sur les contribuables qui s’acquittent de leurs taxes. «La stratégie intelligente à adopter est que chacun pays ses impôts (élargir la base taxable), mais que les impôts soient faibles», recommande Darmet qui reste sceptique quant à l’impact des baisses successives de l’IS sur l’investissement.
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