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Les opportunités pour le Maroc du retrait des banques françaises d'Afrique (Fitch)

Le retrait des banques françaises d'Afrique offre de nouvelles perspectives de croissance pour les banques panafricaines bien établies, telles que celles du Maroc. Cette transition, bien que présentant des défis à court terme, ouvre également la voie à une concurrence accrue entre les groupes marocains, sud-africains et nigérians et d’autres banques locales ambitieuses comme Vista Group et Coris Bank. Ces derniers sont en passe d'acquérir une taille suffisante pour rivaliser avec les principaux acteurs financiers africains, estime Fitch Ratings.

Selon Fitch, la croissance du crédit devra s'accélérer en Afrique avec la sortie des banques françaises qui ont un appétit prudent pour le risque sur le continent.
Selon Fitch, la croissance du crédit devra s'accélérer en Afrique avec la sortie des banques françaises qui ont un appétit prudent pour le risque sur le continent.
Suite à l’accord signé par le groupe Société Générale pour la cession de sa filiale marocaine au groupe Saham, Fitch Ratings a publié deux analyses sectorielles. La première porte sur les perspectives de notation de Société Générale Maroc. La seconde concerne l’impact des sorties des banques françaises d'Afrique sur les banques locales, particulièrement panafricaines, dont les groupes marocains. Selon l’agence de notation, les banques françaises en phase de retrait d'Afrique offrent de nouvelles perspectives aux groupes bancaires panafricains émergents. Cette transition, bien que présentant des défis à court terme, ouvre la voie à une concurrence stimulante et bénéfique pour les secteurs bancaires locaux. «Les sorties des banques françaises d'Afrique, qui touchent à leur fin, offrent aux groupes bancaires panafricains émergents un espace significatif pour croître, que ce soit de manière organique ou par le biais de fusions et acquisitions. Cela devrait stimuler la concurrence et bénéficier aux secteurs bancaires locaux malgré quelques défis à court terme», souligne Fitch Ratings.

Pour l'agence internationale de notation, la vente de la Société Générale marocaine de banques (SGMB) et de ses filiales au groupe marocain Saham, le 12 avril, fait suite à plusieurs cessions d'actifs en Afrique par les banques françaises ces dernières années. Au cours des six derniers mois, la SG a également convenu de vendre d'autres filiales africaines plus petites et a lancé un examen stratégique en vue de céder sa participation de 52,34% dans l'Union internationale de banques, basée en Tunisie. La présence africaine de BNP Paribas, BPCE et du Crédit Agricole a également diminué au cours des 10 dernières années et est maintenant très limitée. Fitch prévoit d'autres cessions au cours des 12 à 24 prochains mois, surtout si les valorisations sont attrayantes pour les banques vendeuses.

La sortie des actionnaires étrangers n'est pas toujours bien perçue

Cependant, est-il précisé, «les filiales cédées sont confrontées à plusieurs défis, car l'appétit pour le risque de leurs maisons mères est plus faible que celui de leurs concurrents locaux. De plus, la sortie des actionnaires étrangers – très bien notés – est souvent négative du point de vue du crédit pour les filiales (cédées)». Cela signifie que lorsque des actionnaires étrangers de grande qualité financière se retirent d'une filiale, cela peut avoir un impact négatif sur la perception de la solvabilité ou de la stabilité de cette filiale. En d'autres termes, la réputation ou la notation élevée de ces actionnaires étrangers agissait comme un soutien financier ou une garantie pour la filiale, et leur départ peut être interprété comme un signe de risque accru, ce qui peut affecter négativement la cote de crédit ou la confiance des investisseurs dans la filiale cédée.
Voilà pourquoi Fitch vient de placer les notations nationales de la SGMB sous surveillance avec perspective négative. «Ce qui signifie qu'à l'achèvement de la vente, nous ne tiendrons plus compte d'un soutien éventuel de la part de la SG, ce qui pourrait entraîner une dégradation», estiment les experts de Fitch Ratings. À leurs yeux, une note inférieure, ou la sortie d'un actionnaire étranger, pourrait rendre l'accès au système financier mondial et aux banques correspondantes plus difficile, perturbant potentiellement les transferts transfrontaliers, les paiements et les activités de financement du commerce. Dans de nombreux marchés d'Afrique subsaharienne où la liquidité des devises est faible, cela pourrait également rendre l'accès aux devises fortes plus difficile sans les lignes de liquidité en devises étrangères que fournissent généralement les banques mères françaises pour soutenir les activités de financement du commerce. «Cependant, ce ne sont que des obstacles à court terme et les banques ont généralement un bon accès au financement des institutions de financement du développement», précisent les experts de Fitch.

Appétit prudent des banques françaises pour le risque

Ainsi, l’agence de notation prévoit d'importantes opportunités pour les banques locales et régionales en Afrique malgré les défis. Certains groupes bancaires ayant des ambitions panafricaines devraient finalement acquérir une taille suffisante pour rivaliser avec des institutions établies depuis longtemps. C’est le cas par exemple de Vista Group qui a accepté d'acquérir plusieurs filiales (dont certaines appartenant à la SG) en Afrique subsaharienne en 2023, portant sa présence africaine à 16 pays.

La Banque Coris, présente dans 11 pays africains, a également finalisé l'acquisition de la filiale tchadienne de la SG en janvier et attend l'approbation réglementaire pour acquérir la filiale mauritanienne du même groupe. «Vista et Coris émergent comme des concurrents crédibles pour les groupes bancaires panafricains bien établis en Afrique du Sud, au Nigeria et au Maroc», estime Fitch. La bonne nouvelle pour le marché local est que la concurrence accrue entre les groupes bancaires panafricains devrait stimuler la croissance du crédit.

À ce sujet, Fitch explique que les filiales africaines appartenant à des banques françaises sont souvent incapables de cibler certains segments de l'économie en raison d'un appétit prudent pour le risque de leur maison mère, et elles suivent des politiques de classification et de provision des prêts plus strictes que les banques détenues localement. Cela peut freiner la croissance et la rentabilité. Une gestion plus stricte des capitaux, avec des «buffers» plus élevés par rapport aux exigences réglementaires minimales locales, a également limité les prêts des filiales. «Nous nous attendons à ce que la croissance du crédit s'accélère avec la sortie des banques françaises, principalement dans des segments à moindre risque, ce qui contribuera à préserver les indicateurs de qualité des actifs», est-il indiqué.

Concernant les groupes français, le retrait du secteur bancaire de détail et commercial en Afrique est légèrement bénéfique pour leur crédit. Elles se recentrent sur des marchés de banque de détail plus matures en Europe et sur des activités telles que l'assurance, la location, et la banque d'entreprise et d'investissement, où elles peuvent réaliser des synergies plus importantes. Une présence réduite en Afrique s'inscrit également dans leur approche prudente de la gestion des risques, conforme aux normes de supervision bancaire européenne. Les incertitudes économiques croissantes et les tensions géopolitiques exacerbées dans certains pays africains influencent également leur réévaluation stratégique.
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