Les startups peuvent-elles porter l’écosystème de l’innovation au Maroc ? Oui, disent les acteurs économiques, mais il faut que les grandes entreprises arrivent à leur faire confiance, à les accompagner et à les aider à se positionner sur le marché.
«Le développement de l’innovation ne peut aboutir sans un écosystème complet et adapté, rassemblant un ensemble d’acteurs (organisations, entreprises, startups, universités, investisseurs), qui interagissent et s’associent pour l’émergence de projets innovants». Le constat est celui du cabinet de conseil Accuracy qui a mené une étude sur le sujet. Il indique qu’à l’heure où l’innovation devient plus que jamais le moteur de toutes les économies, les startups sont placées en première ligne en raison de leur structure simple et agile qui leur permet de s’aventurer dans les secteurs les plus prometteurs. Le même constat est partagé par Salma Benaddou, fondatrice de la Banque d’affaires Bakertilly Burj Finance et du Fonds de capital-risque Kalys Ventures, invitée de «L’Info en Face». Toutefois, l’experte note que cet écosystème de l’innovation a besoin d’une adhésion et une mobilisation de tous les acteurs. «L’écosystème de l’innovation peut fonctionner si les deux univers apprennent à travailler ensemble. Les grandes entreprises, les PME et les startups. Aujourd’hui, innover, c’est rêver, c’est vouloir disrupter un marché, c’est inventer un produit... c’est une énergie libre qui permet d’innover. Cette énergie-là est présente chez les startuppers : ils rêvent, ils créent de la valeur, ils veulent disrupter... Et quand ils sont adossés à de grandes entreprises et qu’ils arrivent à travailler ensemble, eh bien oui, ça peut fonctionner», souligne l’invitée.
Technopark, Réseau Entreprendre Maroc, Le Boudoir des Entrepreneurs... autant d’incubateurs qui offrent des services aux startups en phase de démarrage, comme des espaces de travail, du mentorat, des formations et des ressources techniques. Il existe aussi des accélérateurs destinés aux startups plus matures qui offrent des programmes intensifs pour accélérer leur croissance. Parmi les accélérateurs les plus connus, on trouve Hseven, StartUp Maroc Booster, et Impact Lab.
Entretien avec la fondatrice de la Banque d’affaires Bakertilly Burj Finance et du Fonds de capital-risque Kalys Ventures
Le Matin : Est-ce qu’on peut attendre d’un modèle économique ancien d’innover ?
Salma Benaddou : Oui, on peut attendre de nos entreprises qu’elles innovent, mais ça sera un processus long et parfois désorienté. Il existe des exemples qui profitent de l’innovation pour améliorer leurs résultats comme HPS. C’est d’ailleurs une startup à la base, mais qui a pu se développer. Quelque 12% du chiffre d’affaires de cette entreprise sont investis en Recherche & Développement. Donc, ce sont de gros budgets. Mais là, on est en train de parler de certaines exceptions. Si on veut complètement disrupter notre économie et la rendre innovante, je pense que le fer de lance, à mon avis, ce sont les startups.
Ne pensez-vous pas que, compte tenu des conditions d’accès au financement, ça sera aux grandes entreprises d’être la locomotive d’un modèle économique innovant ?
Je pense que l’écosystème de l’innovation peut fonctionner si les deux univers apprennent à travailler ensemble. Les grandes entreprises, les PME et les startups. Aujourd’hui, innover, c’est rêver, c’est vouloir disrupter un marché, c’est inventer un produit... c’est une énergie libre qui permet d’innover. Cette énergie-là est présente chez les startuppers : ils rêvent, ils créent de la valeur, ils veulent disrupter... Et quand ils sont adossés à de grandes entreprises et qu’ils arrivent à travailler ensemble, eh bien oui, ça peut fonctionner.
Pourquoi n’y arrive-t-on pas encore ?
Parce que l’écosystème des startups au Maroc est très récent, très jeune et pas encore mature. Il y a tout juste 5 ou 6 ans qu’il a été initié par «Tamwilcom». On peut dire que le kick off de cet écosystème, même s’il y avait des initiatives avant comme «Maroc Numeric Fund», a été initié par «Tamwilcom» avec le lancement de l’appel d’offres pour sélectionner des sociétés de gestion de Fonds de capital-risque et commencer à financer des accélérateurs et des incubateurs pour créer ce pipeline de jeunes startups que les Fonds de venture capital allaient financer par la suite. On doit le reconnaître, cinq ans, ce n’est rien comparé par exemple à l’écosystème de l’industrie automobile ou aéronautique, il a fallu au moins 15 ans pour le construire et avec beaucoup d’argent public.
Est-ce que cet écosystème peut être mieux développé si on associe le financement public à celui privé ?
Oui ! Mais là, on est en train de parler de créer un écosystème, je ne vois pas comment ça peut se faire autrement que par de l’argent public !
Pourquoi, selon vous, les grandes entreprises, dont certaines sont même développées à l’international, ne tendent-elles pas assez la main à la startup ?
Aujourd’hui, quand on discute avec des chefs d’entreprises pour élucider ce blocage, on ne comprend pas la vraie raison de cette réticence envers les jeunes entreprises. Ils ont peur de leur confier un marché et puis qu’elle n’existe plus dans les mois qui viennent. Donc, il y a une appréhension et nous avons besoin de créer un climat de confiance et changer le mindset. Pourtant, il est primordial pour les entreprises aujourd’hui de gagner en compétitivité et de créer de la valeur ajoutée. Et une des solutions pour y arriver, c’est d’avoir recours à de l’innovation. On est parfaitement aligné là-dessus.
Quel est le rôle du système bancaire dans la création et la promotion de cet écosystème d’innovation ?
Dans la phase d’amorçage de cet écosystème, le système bancaire, à mon avis, ne peut jouer le jeu. Un système bancaire a besoin, en tout cas quand on contracte un financement, d’avoir de la visibilité sur les cash flows générés qui vont venir rembourser cette dette. Quand on est dans un projet qui est porté par une startup et qui est intense en termes d’investissement, par définition et par essence, les revenus sont incertains. On n’a pas l’historique qui permet de donner du confort à une banque pour financer ce projet. Donc, le système bancaire n’est pas une option notamment dans la phase d’amorçage. Il peut par contre prendre le relais une fois l’écosystème installé, mais pas l’initier.
C’est le capital-risque qui peut jouer ce rôle-là ?
Il y a quand même eu beaucoup d’argent mis sur le marché, justement, à travers l’initiative de «Tamwilcom». Il y a l’argent qui a été investi et puis il y a les sociétés de gestion qui ont dû aller chercher d’autres financements pour boucler les tours de table des Fonds. Ce sont des financements intermédiaires entre le public et le privé, notamment les banques, les assurances, certains corporate, des institutionnels, etc., qui ont participé à ce tour de table.
Et tout ça, est-ce que ça permet de constituer un écosystème de financement innovant ?
En tout cas, ce financement a permis de mettre les bases d’un écosystème d’innovation. Cela fait cinq ans maintenant que tout se met en place et qu’on a appris le métier et compris comment ça fonctionnait. On a également acquis certains réflexes. On a probablement fait des erreurs et on en fera encore plein d’autres, mais on est dans une courbe d’apprentissage. C’est donc un écosystème qui est amené à se consolider notamment après le lancement du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement va-t-il prendre le relais ?
Oui, dans le sens où il y a un appel d’offres qui a été lancé il y a quelques semaines pour capitaliser de nouveaux Fonds de venture capital qui vont venir prendre le relais des premiers Fonds. C’est des centaines de millions de dirhams qui vont être injectés dans cet écosystème-là.
Est-ce que ce Fonds sera une «banque bis» qui va permettre de favoriser l’accès au financement en matière d’innovation ?
Ce n’est pas une «banque bis», c’est un Fonds de fonds. C’est-à-dire ces Fonds vont être injectés dans plusieurs Fonds de capital-risque. Et ensuite, chaque Fonds, avec sa thèse d’investissement, sa stratégie d’investissement, va aller irriguer le marché et financer les différentes startups. Dans ce deuxième appel d’offres qui a été lancé, c’est essentiellement destiné à l’innovation et aux startups. Il faut donc compter à peu près un an pour voir les premiers Fonds se mettre en place, mais entre-temps, l’écosystème avance. Ce sont donc d’importants budgets qui viendront irriguer cet écosystème. Pour le Fonds Mohammed VI, on parle maintenant de 15 milliards de dirhams, auxquels il faut ajouter tous les Fonds qui vont être collectés par les différentes équipes de gestion, c’est beaucoup d’argent. Je pense que dans l’histoire, en tout cas du capital investissement, il n’y aura jamais eu autant d’argent à injecter dans les entreprises sur les cinq prochaines années. Ce Fonds est donc aujourd’hui définitivement un bras armé pour recapitaliser le tissu économique.
Qu’en est-il du risque lié à l’investissement dans l’innovation ?
Je pense que pour pouvoir répondre à cette question, il faut se dire qu’il ne s’agit pas que de financement. Il y a tout un écosystème qui est mis en place pour baliser justement ces risques. Plus haut, on a parlé de la nécessité de faire collaborer les corporate et les startups. Ça, c’est un élément qu’on doit prendre en compte et qui réduirait significativement les risques. Quand on fait travailler une startup avec une entreprise pour coconstruire un produit, ça marche. La startup va développer un prototype que l’entreprise est prête à payer. Donc, on réduit par essence le risque. Il faut donc nécessairement collaborer et créer de vraies convergences entre les grandes entreprises et les startups.
Quels sont les leviers ou instruments à utiliser pour favoriser le rapprochement entre corporate et startup ?
Il faut déjà qu’il y ait dans la conscience collective, ce besoin de se rapprocher de cet écosystème-là et des startups pour travailler ensemble. Il faut avoir cette prise de conscience pour s’unir et innover ensemble. Du côté de l’entrepreneur, il faut savoir présenter, convaincre pour vendre son projet.
Est-ce que vous pensez que le Maroc est en retard par rapport aux autres pays du continent en matière d’innovation ?
Je pense que nous avons aujourd’hui tous les ingrédients pour rattraper ce retard. Il faut profiter aussi de la technologie et des compétences marocaines pour y aller. Il y a l’exemple de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) aujourd’hui. C’est juste incroyable l’infrastructure qui a été mise en place, les laboratoires de recherche, les ingénieurs, des partenariats avec le monde et des ambitions fortes. Pour constater les impacts à grande échelle, il faut être patient. On est de toute façon dans des horizons longs, mais je pense qu’on commence déjà à voir quelques réalisations. Il y a des startups incroyables qui ont initié des idées innovantes et qui sont déjà sur le terrain. Ceci dit, on ne les voit pas assez, car on n’a pas de rôle modèle, de success-story ou de licorne comme HPS, par exemple.
«Le développement de l’innovation ne peut aboutir sans un écosystème complet et adapté, rassemblant un ensemble d’acteurs (organisations, entreprises, startups, universités, investisseurs), qui interagissent et s’associent pour l’émergence de projets innovants». Le constat est celui du cabinet de conseil Accuracy qui a mené une étude sur le sujet. Il indique qu’à l’heure où l’innovation devient plus que jamais le moteur de toutes les économies, les startups sont placées en première ligne en raison de leur structure simple et agile qui leur permet de s’aventurer dans les secteurs les plus prometteurs. Le même constat est partagé par Salma Benaddou, fondatrice de la Banque d’affaires Bakertilly Burj Finance et du Fonds de capital-risque Kalys Ventures, invitée de «L’Info en Face». Toutefois, l’experte note que cet écosystème de l’innovation a besoin d’une adhésion et une mobilisation de tous les acteurs. «L’écosystème de l’innovation peut fonctionner si les deux univers apprennent à travailler ensemble. Les grandes entreprises, les PME et les startups. Aujourd’hui, innover, c’est rêver, c’est vouloir disrupter un marché, c’est inventer un produit... c’est une énergie libre qui permet d’innover. Cette énergie-là est présente chez les startuppers : ils rêvent, ils créent de la valeur, ils veulent disrupter... Et quand ils sont adossés à de grandes entreprises et qu’ils arrivent à travailler ensemble, eh bien oui, ça peut fonctionner», souligne l’invitée.
De l’accompagnement encore et toujours
L’écosystème de soutien aux startups est en pleine expansion et offre une multitude de ressources pour aider les entrepreneurs à lancer et à développer leurs projets. Cependant, malgré ces progrès, des défis subsistent, notamment en matière d’accès au financement, de réglementation et de mise en réseau à l’échelle internationale. La collaboration entre les différents acteurs et le renforcement des infrastructures d’accompagnement sont essentiels pour propulser les startups marocaines vers une croissance durable et inclusive.Technopark, Réseau Entreprendre Maroc, Le Boudoir des Entrepreneurs... autant d’incubateurs qui offrent des services aux startups en phase de démarrage, comme des espaces de travail, du mentorat, des formations et des ressources techniques. Il existe aussi des accélérateurs destinés aux startups plus matures qui offrent des programmes intensifs pour accélérer leur croissance. Parmi les accélérateurs les plus connus, on trouve Hseven, StartUp Maroc Booster, et Impact Lab.
Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, un booster
Le gouvernement, le Fonds Mohammed VI et la Caisse de Dépôt et de Gestion ont uni leurs efforts pour le soutien des startups et leur développement. Ils ont ainsi concocté une offre startups visant à structurer et mettre en œuvre une offre globale d’accompagnement et de financement dédiés. L’idée est de structurer des véhicules d’investissement conjoints afin de soutenir les startups dans leurs levées de fonds et les appuyer dans leur développement. «L’écosystème de l’innovation est amené à se consolider notamment après le lancement du Fonds Mohammed VI pour l’investissement», indique l’experte. Et d’explique que d’importants budgets viendront irriguer cet écosystème. «Pour le Fonds Mohammed VI, on parle maintenant de 15 milliards de dirhams, auxquels il faut ajouter tous les Fonds qui vont être collectés par les différentes équipes de gestion, c’est beaucoup d’argent. Je pense que dans l’histoire, en tout cas du capital investissement, il n’y aura jamais eu autant d’argent à injecter dans les entreprises sur les cinq prochaines années. Ce Fonds est donc aujourd’hui définitivement un bras armé pour recapitaliser le tissu économique», note Salma Benaddou.Entretien avec la fondatrice de la Banque d’affaires Bakertilly Burj Finance et du Fonds de capital-risque Kalys Ventures
Salma Benaddou : «L’écosystème de l’innovation ne peut fonctionner que si les deux univers, grandes entreprises et startups, apprennent à travailler ensemble»
Le Matin : Est-ce qu’on peut attendre d’un modèle économique ancien d’innover ?
Salma Benaddou : Oui, on peut attendre de nos entreprises qu’elles innovent, mais ça sera un processus long et parfois désorienté. Il existe des exemples qui profitent de l’innovation pour améliorer leurs résultats comme HPS. C’est d’ailleurs une startup à la base, mais qui a pu se développer. Quelque 12% du chiffre d’affaires de cette entreprise sont investis en Recherche & Développement. Donc, ce sont de gros budgets. Mais là, on est en train de parler de certaines exceptions. Si on veut complètement disrupter notre économie et la rendre innovante, je pense que le fer de lance, à mon avis, ce sont les startups.
Ne pensez-vous pas que, compte tenu des conditions d’accès au financement, ça sera aux grandes entreprises d’être la locomotive d’un modèle économique innovant ?
Je pense que l’écosystème de l’innovation peut fonctionner si les deux univers apprennent à travailler ensemble. Les grandes entreprises, les PME et les startups. Aujourd’hui, innover, c’est rêver, c’est vouloir disrupter un marché, c’est inventer un produit... c’est une énergie libre qui permet d’innover. Cette énergie-là est présente chez les startuppers : ils rêvent, ils créent de la valeur, ils veulent disrupter... Et quand ils sont adossés à de grandes entreprises et qu’ils arrivent à travailler ensemble, eh bien oui, ça peut fonctionner.
Pourquoi n’y arrive-t-on pas encore ?
Parce que l’écosystème des startups au Maroc est très récent, très jeune et pas encore mature. Il y a tout juste 5 ou 6 ans qu’il a été initié par «Tamwilcom». On peut dire que le kick off de cet écosystème, même s’il y avait des initiatives avant comme «Maroc Numeric Fund», a été initié par «Tamwilcom» avec le lancement de l’appel d’offres pour sélectionner des sociétés de gestion de Fonds de capital-risque et commencer à financer des accélérateurs et des incubateurs pour créer ce pipeline de jeunes startups que les Fonds de venture capital allaient financer par la suite. On doit le reconnaître, cinq ans, ce n’est rien comparé par exemple à l’écosystème de l’industrie automobile ou aéronautique, il a fallu au moins 15 ans pour le construire et avec beaucoup d’argent public.
Est-ce que cet écosystème peut être mieux développé si on associe le financement public à celui privé ?
Oui ! Mais là, on est en train de parler de créer un écosystème, je ne vois pas comment ça peut se faire autrement que par de l’argent public !
Pourquoi, selon vous, les grandes entreprises, dont certaines sont même développées à l’international, ne tendent-elles pas assez la main à la startup ?
Aujourd’hui, quand on discute avec des chefs d’entreprises pour élucider ce blocage, on ne comprend pas la vraie raison de cette réticence envers les jeunes entreprises. Ils ont peur de leur confier un marché et puis qu’elle n’existe plus dans les mois qui viennent. Donc, il y a une appréhension et nous avons besoin de créer un climat de confiance et changer le mindset. Pourtant, il est primordial pour les entreprises aujourd’hui de gagner en compétitivité et de créer de la valeur ajoutée. Et une des solutions pour y arriver, c’est d’avoir recours à de l’innovation. On est parfaitement aligné là-dessus.
Quel est le rôle du système bancaire dans la création et la promotion de cet écosystème d’innovation ?
Dans la phase d’amorçage de cet écosystème, le système bancaire, à mon avis, ne peut jouer le jeu. Un système bancaire a besoin, en tout cas quand on contracte un financement, d’avoir de la visibilité sur les cash flows générés qui vont venir rembourser cette dette. Quand on est dans un projet qui est porté par une startup et qui est intense en termes d’investissement, par définition et par essence, les revenus sont incertains. On n’a pas l’historique qui permet de donner du confort à une banque pour financer ce projet. Donc, le système bancaire n’est pas une option notamment dans la phase d’amorçage. Il peut par contre prendre le relais une fois l’écosystème installé, mais pas l’initier.
C’est le capital-risque qui peut jouer ce rôle-là ?
Il y a quand même eu beaucoup d’argent mis sur le marché, justement, à travers l’initiative de «Tamwilcom». Il y a l’argent qui a été investi et puis il y a les sociétés de gestion qui ont dû aller chercher d’autres financements pour boucler les tours de table des Fonds. Ce sont des financements intermédiaires entre le public et le privé, notamment les banques, les assurances, certains corporate, des institutionnels, etc., qui ont participé à ce tour de table.
Et tout ça, est-ce que ça permet de constituer un écosystème de financement innovant ?
En tout cas, ce financement a permis de mettre les bases d’un écosystème d’innovation. Cela fait cinq ans maintenant que tout se met en place et qu’on a appris le métier et compris comment ça fonctionnait. On a également acquis certains réflexes. On a probablement fait des erreurs et on en fera encore plein d’autres, mais on est dans une courbe d’apprentissage. C’est donc un écosystème qui est amené à se consolider notamment après le lancement du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement va-t-il prendre le relais ?
Oui, dans le sens où il y a un appel d’offres qui a été lancé il y a quelques semaines pour capitaliser de nouveaux Fonds de venture capital qui vont venir prendre le relais des premiers Fonds. C’est des centaines de millions de dirhams qui vont être injectés dans cet écosystème-là.
Est-ce que ce Fonds sera une «banque bis» qui va permettre de favoriser l’accès au financement en matière d’innovation ?
Ce n’est pas une «banque bis», c’est un Fonds de fonds. C’est-à-dire ces Fonds vont être injectés dans plusieurs Fonds de capital-risque. Et ensuite, chaque Fonds, avec sa thèse d’investissement, sa stratégie d’investissement, va aller irriguer le marché et financer les différentes startups. Dans ce deuxième appel d’offres qui a été lancé, c’est essentiellement destiné à l’innovation et aux startups. Il faut donc compter à peu près un an pour voir les premiers Fonds se mettre en place, mais entre-temps, l’écosystème avance. Ce sont donc d’importants budgets qui viendront irriguer cet écosystème. Pour le Fonds Mohammed VI, on parle maintenant de 15 milliards de dirhams, auxquels il faut ajouter tous les Fonds qui vont être collectés par les différentes équipes de gestion, c’est beaucoup d’argent. Je pense que dans l’histoire, en tout cas du capital investissement, il n’y aura jamais eu autant d’argent à injecter dans les entreprises sur les cinq prochaines années. Ce Fonds est donc aujourd’hui définitivement un bras armé pour recapitaliser le tissu économique.
Qu’en est-il du risque lié à l’investissement dans l’innovation ?
Je pense que pour pouvoir répondre à cette question, il faut se dire qu’il ne s’agit pas que de financement. Il y a tout un écosystème qui est mis en place pour baliser justement ces risques. Plus haut, on a parlé de la nécessité de faire collaborer les corporate et les startups. Ça, c’est un élément qu’on doit prendre en compte et qui réduirait significativement les risques. Quand on fait travailler une startup avec une entreprise pour coconstruire un produit, ça marche. La startup va développer un prototype que l’entreprise est prête à payer. Donc, on réduit par essence le risque. Il faut donc nécessairement collaborer et créer de vraies convergences entre les grandes entreprises et les startups.
Quels sont les leviers ou instruments à utiliser pour favoriser le rapprochement entre corporate et startup ?
Il faut déjà qu’il y ait dans la conscience collective, ce besoin de se rapprocher de cet écosystème-là et des startups pour travailler ensemble. Il faut avoir cette prise de conscience pour s’unir et innover ensemble. Du côté de l’entrepreneur, il faut savoir présenter, convaincre pour vendre son projet.
Est-ce que vous pensez que le Maroc est en retard par rapport aux autres pays du continent en matière d’innovation ?
Je pense que nous avons aujourd’hui tous les ingrédients pour rattraper ce retard. Il faut profiter aussi de la technologie et des compétences marocaines pour y aller. Il y a l’exemple de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) aujourd’hui. C’est juste incroyable l’infrastructure qui a été mise en place, les laboratoires de recherche, les ingénieurs, des partenariats avec le monde et des ambitions fortes. Pour constater les impacts à grande échelle, il faut être patient. On est de toute façon dans des horizons longs, mais je pense qu’on commence déjà à voir quelques réalisations. Il y a des startups incroyables qui ont initié des idées innovantes et qui sont déjà sur le terrain. Ceci dit, on ne les voit pas assez, car on n’a pas de rôle modèle, de success-story ou de licorne comme HPS, par exemple.