Le Matin : Pourquoi le choix de la thématique «Ici on investit» pour ce FIAD 2024 ?
Mohamed El Kettani : Je crois que tout naturellement, après une rupture de pratiquement quatre années marquées par la crise sanitaire puis la situation géopolitique régionale et internationale, nous avons pensé à relancer ce Forum avec un thème fédérateur. Et le sujet qui s’est imposé à nous était l’investissement. En effet, en dépit des crises que le monde connaît depuis quelques années et des perturbations économiques qui en résultent, le continent africain a démontré sa résilience. L’Afrique a tout de même enregistré les taux de croissance les plus forts à l’échelle mondiale. Donc, les économies africaines demeurent des économies extrêmement résilientes. Certes, il y a des pays du continent qui ont mieux résisté que d’autres, mais globalement, l’essentiel des pays ont bien résisté. Et de ce fait, on s’est dit que l’investissement est l’axe majeur à mettre en avant. Il ne faut pas oublier que le continent africain a des besoins et des déficits énormes en termes d’infrastructures. Il y a, en parallèle, une volonté d’accélérer l’industrialisation de l’économie pour transformer les matières premières qui sont aujourd’hui exportées en brut. Notons ici que 90% des besoins en produits finis sont importés. Il fallait aussi accélérer la transformation digitale et gérer la transition énergétique. En même temps, il y a l’urgence de répondre aux besoins sociaux des populations. Face de tous ces défis, l’arrivée sur le marché de l’emploi de centaines de millions de jeunes dans les années à venir. Et le seul vecteur qui permet justement de créer de la valeur et de l’emploi est l’investissement. C’est pour toutes ces raisons que nous avons choisi le thème «Ici, on investit». Par «Ici», on entend tout le continent africain.
Pour relever ce défi de l’investissement, est-ce que ce sont les capitaux du continent qui doivent être mobilisés ou ceux venus de l’étranger ?
Il faut les deux. Il faut continuer à mobiliser les parts locales, en monnaie locale. Et pour ça, il y a un effort très important à faire pour moderniser les marchés des capitaux, les approfondir et les intégrer. En effet, quand on analyse aujourd’hui la carte des marchés des capitaux en Afrique, c’est une carte très fragmentée avec une différenciation importante entre les pays qui gèrent bien les fondamentaux macroéconomiques et la résistance de leur monnaie aux perturbations exogènes, et d’autres, malheureusement, où il y a une dérive de ces fondamentaux avec des dévaluations structurelles au fil des années. Ceci crée un clivage entre les pays performants et les pays les moins performants en la matière. Et parallèlement à cette masse de capital mobilisé en monnaie locale, il faut continuer à mobiliser des financements en devise pour des projets d’infrastructures qui sont nécessaires pour la transformation du continent africain. Et le rôle d’un groupe bancaire comme le nôtre est de travailler sur les deux compartiments. Le premier, c’est la banque de proximité, la banque qui collecte l’épargne locale, qui la transforme en crédit à moyen et long terme pour financer les investissements des PME et des grandes entreprises africaines, et en même temps jouer un rôle de catalyseur pour mobiliser l’épargne longue en devise au niveau des pays d’accueil pour participer au financement des grands projets d’infrastructures. Et parmi les solutions qui sont en train de se développer aujourd’hui au niveau du continent, pour financer les grands besoins en infrastructures, figurent les partenariats publics privés avec une bonne gouvernance institutionnelle et un cadre réglementaire transparent et solide. Notre pays est d’ailleurs cité comme exemple à ce niveau.
Mais, quand on s’appuie sur les différentes études du FMI (Fonds monétaire international) ou encore l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), on constate qu’il y a un certain nombre de pays qui ont recours à l’endettement. Est-ce que vous considérez que ce recours est une alternative ou il y a d’autres biais ?
Il faut que le recours à l’endettement des États réponde à un certain nombre de critères de soutenabilité de la dette. Parce que, comme vous le savez, les États sont aujourd’hui notés par les organismes de notation internationaux qui ont un impact important sur l’évaluation des risques pays et donc la capacité à mobiliser de plus en plus de lignes de crédits en devise et surtout la prime de risque (+ la note est bonne, + la prime de risque est faible). Mais ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que même pour les bons élèves du continent africain, le spread demeure quand même relativement élevé et n’est pas en cohérence ni en corrélation avec le risque réel du continent africain.
Pensez-vous justement que l’appréciation du risque est évaluée de la même manière selon que l’on soit un investisseur africain ou étranger ?
Il y a un décalage important à relever entre la perception du risque et la réalité ou le risque réel. Nous, nous sommes un investisseur en tant que groupe bancaire. Et, sur les 15 dernières années, nous avons acquis 15 banques dans les pays africains. Et nous sommes très contents de nos investissements. On arrive à développer nos activités sur des bases rentables. Il suffit d’exercer son métier sur des bases rationnelles et avec une bonne politique de gestion des risques. Et je pense que les investisseurs internationaux qui ont investi au continent dégagent des rentabilités très intéressantes. Il ne faut pas aussi oublier la régulation prudentielle qui devient très contraignante au niveau des fonds propres alloués pour développer les activités des entreprises. Notre banque centrale est d’ailleurs toujours avant-gardiste au niveau du continent africain et travaille aussi sur les évolutions à venir de la réglementation, et c’est ce qui fait la force du secteur bancaire marocain. Aujourd’hui, le Maroc est très respecté. Si on a le rating actuel, c’est aussi parce qu’il y a une banque centrale qui a mis en place des règles prudentielles exigeantes conformément aux normes internationales, ce qui conforte la confiance des investisseurs et des agences de notation. Et ce, au même titre que la gestion rigoureuse des fondamentaux macroéconomiques, notamment la dette publique du Maroc qui demeure soutenable, et aussi la maîtrise du déficit budgétaire.
Comment voyez-vous la décision de Bank Al-Maghrib d’abaisser le taux directeur de 25 points ?
C’est une décision que nous saluons. C’est un appel d’air pour l’investissement et le financement à venir par ce que ça permet d’impacter positivement la perception du risque et le rating des agences de notation au regard des pays qui gèrent au mieux justement la maîtrise de l’inflation. Et le Maroc, aujourd’hui, connaît une phase de décrue très sensible de l’inflation, ce qui a amené le Conseil d’administration de la Banque centrale à prendre la décision d’entamer une baisse de 25 points de base. Il se peut qu’il y ait une généralisation de cette tendance, mais pas pour les pays où l’inflation est maintenue à un niveau élevé. Cette maîtrise de l’inflation, nous la constatons également dans les pays où nous exerçons nos activités bancaires, notamment les pays de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) ou la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).
Quelle est, justement, la stratégie du groupe Attijariwafa bank dans les différents pays où il est implanté ?
Nous avons une approche par pays et par région. Chaque filiale bancaire est dotée de sa stratégie, laquelle repose sur les conditions macroéconomiques du pays, ses besoins et ses indicateurs. Parce qu’en réalité, le continent africain, c’est «des Afriques». On ne peut pas transplanter un modèle et l’appliquer de manière aveugle sur l’ensemble des pays. Il faut qu’on s’adapte à la réalité socio-économique et culturelle de chaque pays. Et c’est pour cela que nous dotons nos filiales de stratégies qui sont élaborées avec les équipes locales pour approcher son marché, tenant compte des grandes orientations de la maison mère. Nous essayons aussi de développer les synergies entre les différentes filiales parce qu’il faut que nous soyons aussi un catalyseur de l’intégration africaine et c’est l’un des thèmes majeurs abordés lors de ce Forum.
L’autre sujet clé discuté au FIAD est celui de la ZLECAf, le bras armé du développement multidimensionnel du continent. Est-ce que le but était de pousser un peu plus le curseur d’avancement de cette Zone ? Ça discute, ça échange, mais on a l’impression qu’on stagne un petit peu ?
C’est normal ! Constituer une Zone de libre-échange continentale qui concerne l’ensemble des pays africains n’est pas une œuvre facile. L’essentiel, c’est que le point de départ a été donné et qu’il existe une volonté politique et un engagement des gouvernements pour aller dans ce sens. Il y a eu aussi la nomination du secrétariat général qui était présent avec nous, accompagné d’une délégation de 22 collaborateurs seniors. Et ils sont venus parce qu’en interagissant avec eux, il y a plusieurs mois de cela, on a expliqué que pour les acteurs économiques du secteur privé, cette zone demeure un concept abstrait. Il faut dire aussi en toute transparence qu’il y avait une peur. Qui s’est installée chez les opérateurs économiques. Dans n’importe quel pays, lorsque vous parlez d’une zone de libre-échange et d’une ouverture, il y a un démantèlement tarifaire, les gens commencent à se poser des questions. Il a fallu donc amorcer cette approche didactique, pragmatique, pour apporter la vraie information autour de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui a une stratégie qui repose sur un certain nombre de secteurs d’activité identifiés. Il s’agit de l’agro-business, les industries manufacturières, les industries pharmaceutiques, transports et logistiques et infrastructures. Elle est dotée d’un fonds d’investissement de 1,2 milliard de dollars et devrait atteindre les 10 milliards.
Objectif : Prendre des participations aux côtés du secteur privé pour accélérer l’industrialisation, notamment la transformation des matières premières africaines. Nous avons d’ailleurs signé une convention avec la ZLECAf pour la faire connaître auprès de notre clientèle entreprise dans les différents pays africains, pour qu’on puisse animer des séminaires d’information, qu’on puisse aussi accompagner les entreprises dans leur transformation, de telle sorte à ce qu’elles se préparent au mieux à l’ouverture des frontières aux marchandises inter-pays africains.
Pourquoi l’Afrique a continué aujourd’hui, en 2024, à avoir autant de mal à attirer les capitaux internationaux? Pourquoi n’arrive-t-on pas à développer le commerce intra-régional qui est de 13% ni les flux financiers internationaux ?
Comme cela a été évoqué lors des discussions, parfois il est plus facile d’importer un produit d’Europe que de l’importer d’un pays à 1.000 ou 1.500 km en Afrique pour des raisons de logistique, de route, de transport routier ou de transport aérien. Donc, tant qu’on n’a pas investi dans les infrastructures de transport et de logistique, on ne peut pas développer le commerce intra-africain. Ça va demander du temps, mais ce sont des projets rentables. Mais est-ce que l’Afrique a encore du temps ? L’Afrique n’a plus le temps. Et il faut qu’on accélère la cadence et à une grande vitesse.
Après 4 ans d’arrêt, est-ce que vous avez senti un état d’esprit différent de nos partenaires africains ?
En toute sincérité, cette septième édition placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a été un grand succès. Elle se différencie des autres éditions par l’importance des participants. Malheureusement, on était contraints de suspendre les inscriptions et de plafonner à 2.200 participants. Si on avait un palais de congrès à Casablanca qui puisse accueillir 5.000 ou 6.000 participants nous les aurions invités tous, africains et internationaux. C’est pour dire que l’Afrique aujourd’hui attire les pays et les acteurs du secteur privé, ils veulent dialoguer entre eux et échanger entre eux parce que c’est le continent de tous les espoirs pour l’avenir. C’est ici où il y aura une explosion démographique: un habitant sur quatre dans le monde sera africain en 2050 donc on ne peut pas ignorer un tel marché. Nous avons à cette heure-ci, réalisé 5.700 rendez-vous B2B entre opérateurs économiques africains qui ne se connaissaient pas et entre opérateurs économiques africains et le reste du monde. Et certainement, on dépassera les 6.200 rendez-vous B2B. Nous avons aussi des deals qui se concrétisent, et ça c’est l’objectif premier de ce forum. Le FIAD devient donc une plateforme pragmatique et pratique et un instrument pour développer le commerce intra-africain et au-delà du commerce, à co-investir dans des projets qui auront un retour intéressant pour le Maroc, mais aussi pour les autres pays africains.
Mohamed El Kettani : Je crois que tout naturellement, après une rupture de pratiquement quatre années marquées par la crise sanitaire puis la situation géopolitique régionale et internationale, nous avons pensé à relancer ce Forum avec un thème fédérateur. Et le sujet qui s’est imposé à nous était l’investissement. En effet, en dépit des crises que le monde connaît depuis quelques années et des perturbations économiques qui en résultent, le continent africain a démontré sa résilience. L’Afrique a tout de même enregistré les taux de croissance les plus forts à l’échelle mondiale. Donc, les économies africaines demeurent des économies extrêmement résilientes. Certes, il y a des pays du continent qui ont mieux résisté que d’autres, mais globalement, l’essentiel des pays ont bien résisté. Et de ce fait, on s’est dit que l’investissement est l’axe majeur à mettre en avant. Il ne faut pas oublier que le continent africain a des besoins et des déficits énormes en termes d’infrastructures. Il y a, en parallèle, une volonté d’accélérer l’industrialisation de l’économie pour transformer les matières premières qui sont aujourd’hui exportées en brut. Notons ici que 90% des besoins en produits finis sont importés. Il fallait aussi accélérer la transformation digitale et gérer la transition énergétique. En même temps, il y a l’urgence de répondre aux besoins sociaux des populations. Face de tous ces défis, l’arrivée sur le marché de l’emploi de centaines de millions de jeunes dans les années à venir. Et le seul vecteur qui permet justement de créer de la valeur et de l’emploi est l’investissement. C’est pour toutes ces raisons que nous avons choisi le thème «Ici, on investit». Par «Ici», on entend tout le continent africain.
Pour relever ce défi de l’investissement, est-ce que ce sont les capitaux du continent qui doivent être mobilisés ou ceux venus de l’étranger ?
Il faut les deux. Il faut continuer à mobiliser les parts locales, en monnaie locale. Et pour ça, il y a un effort très important à faire pour moderniser les marchés des capitaux, les approfondir et les intégrer. En effet, quand on analyse aujourd’hui la carte des marchés des capitaux en Afrique, c’est une carte très fragmentée avec une différenciation importante entre les pays qui gèrent bien les fondamentaux macroéconomiques et la résistance de leur monnaie aux perturbations exogènes, et d’autres, malheureusement, où il y a une dérive de ces fondamentaux avec des dévaluations structurelles au fil des années. Ceci crée un clivage entre les pays performants et les pays les moins performants en la matière. Et parallèlement à cette masse de capital mobilisé en monnaie locale, il faut continuer à mobiliser des financements en devise pour des projets d’infrastructures qui sont nécessaires pour la transformation du continent africain. Et le rôle d’un groupe bancaire comme le nôtre est de travailler sur les deux compartiments. Le premier, c’est la banque de proximité, la banque qui collecte l’épargne locale, qui la transforme en crédit à moyen et long terme pour financer les investissements des PME et des grandes entreprises africaines, et en même temps jouer un rôle de catalyseur pour mobiliser l’épargne longue en devise au niveau des pays d’accueil pour participer au financement des grands projets d’infrastructures. Et parmi les solutions qui sont en train de se développer aujourd’hui au niveau du continent, pour financer les grands besoins en infrastructures, figurent les partenariats publics privés avec une bonne gouvernance institutionnelle et un cadre réglementaire transparent et solide. Notre pays est d’ailleurs cité comme exemple à ce niveau.
Mais, quand on s’appuie sur les différentes études du FMI (Fonds monétaire international) ou encore l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), on constate qu’il y a un certain nombre de pays qui ont recours à l’endettement. Est-ce que vous considérez que ce recours est une alternative ou il y a d’autres biais ?
Il faut que le recours à l’endettement des États réponde à un certain nombre de critères de soutenabilité de la dette. Parce que, comme vous le savez, les États sont aujourd’hui notés par les organismes de notation internationaux qui ont un impact important sur l’évaluation des risques pays et donc la capacité à mobiliser de plus en plus de lignes de crédits en devise et surtout la prime de risque (+ la note est bonne, + la prime de risque est faible). Mais ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que même pour les bons élèves du continent africain, le spread demeure quand même relativement élevé et n’est pas en cohérence ni en corrélation avec le risque réel du continent africain.
Pensez-vous justement que l’appréciation du risque est évaluée de la même manière selon que l’on soit un investisseur africain ou étranger ?
Il y a un décalage important à relever entre la perception du risque et la réalité ou le risque réel. Nous, nous sommes un investisseur en tant que groupe bancaire. Et, sur les 15 dernières années, nous avons acquis 15 banques dans les pays africains. Et nous sommes très contents de nos investissements. On arrive à développer nos activités sur des bases rentables. Il suffit d’exercer son métier sur des bases rationnelles et avec une bonne politique de gestion des risques. Et je pense que les investisseurs internationaux qui ont investi au continent dégagent des rentabilités très intéressantes. Il ne faut pas aussi oublier la régulation prudentielle qui devient très contraignante au niveau des fonds propres alloués pour développer les activités des entreprises. Notre banque centrale est d’ailleurs toujours avant-gardiste au niveau du continent africain et travaille aussi sur les évolutions à venir de la réglementation, et c’est ce qui fait la force du secteur bancaire marocain. Aujourd’hui, le Maroc est très respecté. Si on a le rating actuel, c’est aussi parce qu’il y a une banque centrale qui a mis en place des règles prudentielles exigeantes conformément aux normes internationales, ce qui conforte la confiance des investisseurs et des agences de notation. Et ce, au même titre que la gestion rigoureuse des fondamentaux macroéconomiques, notamment la dette publique du Maroc qui demeure soutenable, et aussi la maîtrise du déficit budgétaire.
Comment voyez-vous la décision de Bank Al-Maghrib d’abaisser le taux directeur de 25 points ?
C’est une décision que nous saluons. C’est un appel d’air pour l’investissement et le financement à venir par ce que ça permet d’impacter positivement la perception du risque et le rating des agences de notation au regard des pays qui gèrent au mieux justement la maîtrise de l’inflation. Et le Maroc, aujourd’hui, connaît une phase de décrue très sensible de l’inflation, ce qui a amené le Conseil d’administration de la Banque centrale à prendre la décision d’entamer une baisse de 25 points de base. Il se peut qu’il y ait une généralisation de cette tendance, mais pas pour les pays où l’inflation est maintenue à un niveau élevé. Cette maîtrise de l’inflation, nous la constatons également dans les pays où nous exerçons nos activités bancaires, notamment les pays de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) ou la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).
Quelle est, justement, la stratégie du groupe Attijariwafa bank dans les différents pays où il est implanté ?
Nous avons une approche par pays et par région. Chaque filiale bancaire est dotée de sa stratégie, laquelle repose sur les conditions macroéconomiques du pays, ses besoins et ses indicateurs. Parce qu’en réalité, le continent africain, c’est «des Afriques». On ne peut pas transplanter un modèle et l’appliquer de manière aveugle sur l’ensemble des pays. Il faut qu’on s’adapte à la réalité socio-économique et culturelle de chaque pays. Et c’est pour cela que nous dotons nos filiales de stratégies qui sont élaborées avec les équipes locales pour approcher son marché, tenant compte des grandes orientations de la maison mère. Nous essayons aussi de développer les synergies entre les différentes filiales parce qu’il faut que nous soyons aussi un catalyseur de l’intégration africaine et c’est l’un des thèmes majeurs abordés lors de ce Forum.
L’autre sujet clé discuté au FIAD est celui de la ZLECAf, le bras armé du développement multidimensionnel du continent. Est-ce que le but était de pousser un peu plus le curseur d’avancement de cette Zone ? Ça discute, ça échange, mais on a l’impression qu’on stagne un petit peu ?
C’est normal ! Constituer une Zone de libre-échange continentale qui concerne l’ensemble des pays africains n’est pas une œuvre facile. L’essentiel, c’est que le point de départ a été donné et qu’il existe une volonté politique et un engagement des gouvernements pour aller dans ce sens. Il y a eu aussi la nomination du secrétariat général qui était présent avec nous, accompagné d’une délégation de 22 collaborateurs seniors. Et ils sont venus parce qu’en interagissant avec eux, il y a plusieurs mois de cela, on a expliqué que pour les acteurs économiques du secteur privé, cette zone demeure un concept abstrait. Il faut dire aussi en toute transparence qu’il y avait une peur. Qui s’est installée chez les opérateurs économiques. Dans n’importe quel pays, lorsque vous parlez d’une zone de libre-échange et d’une ouverture, il y a un démantèlement tarifaire, les gens commencent à se poser des questions. Il a fallu donc amorcer cette approche didactique, pragmatique, pour apporter la vraie information autour de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui a une stratégie qui repose sur un certain nombre de secteurs d’activité identifiés. Il s’agit de l’agro-business, les industries manufacturières, les industries pharmaceutiques, transports et logistiques et infrastructures. Elle est dotée d’un fonds d’investissement de 1,2 milliard de dollars et devrait atteindre les 10 milliards.
Objectif : Prendre des participations aux côtés du secteur privé pour accélérer l’industrialisation, notamment la transformation des matières premières africaines. Nous avons d’ailleurs signé une convention avec la ZLECAf pour la faire connaître auprès de notre clientèle entreprise dans les différents pays africains, pour qu’on puisse animer des séminaires d’information, qu’on puisse aussi accompagner les entreprises dans leur transformation, de telle sorte à ce qu’elles se préparent au mieux à l’ouverture des frontières aux marchandises inter-pays africains.
Pourquoi l’Afrique a continué aujourd’hui, en 2024, à avoir autant de mal à attirer les capitaux internationaux? Pourquoi n’arrive-t-on pas à développer le commerce intra-régional qui est de 13% ni les flux financiers internationaux ?
Comme cela a été évoqué lors des discussions, parfois il est plus facile d’importer un produit d’Europe que de l’importer d’un pays à 1.000 ou 1.500 km en Afrique pour des raisons de logistique, de route, de transport routier ou de transport aérien. Donc, tant qu’on n’a pas investi dans les infrastructures de transport et de logistique, on ne peut pas développer le commerce intra-africain. Ça va demander du temps, mais ce sont des projets rentables. Mais est-ce que l’Afrique a encore du temps ? L’Afrique n’a plus le temps. Et il faut qu’on accélère la cadence et à une grande vitesse.
Après 4 ans d’arrêt, est-ce que vous avez senti un état d’esprit différent de nos partenaires africains ?
En toute sincérité, cette septième édition placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a été un grand succès. Elle se différencie des autres éditions par l’importance des participants. Malheureusement, on était contraints de suspendre les inscriptions et de plafonner à 2.200 participants. Si on avait un palais de congrès à Casablanca qui puisse accueillir 5.000 ou 6.000 participants nous les aurions invités tous, africains et internationaux. C’est pour dire que l’Afrique aujourd’hui attire les pays et les acteurs du secteur privé, ils veulent dialoguer entre eux et échanger entre eux parce que c’est le continent de tous les espoirs pour l’avenir. C’est ici où il y aura une explosion démographique: un habitant sur quatre dans le monde sera africain en 2050 donc on ne peut pas ignorer un tel marché. Nous avons à cette heure-ci, réalisé 5.700 rendez-vous B2B entre opérateurs économiques africains qui ne se connaissaient pas et entre opérateurs économiques africains et le reste du monde. Et certainement, on dépassera les 6.200 rendez-vous B2B. Nous avons aussi des deals qui se concrétisent, et ça c’est l’objectif premier de ce forum. Le FIAD devient donc une plateforme pragmatique et pratique et un instrument pour développer le commerce intra-africain et au-delà du commerce, à co-investir dans des projets qui auront un retour intéressant pour le Maroc, mais aussi pour les autres pays africains.