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Yasser Monkachi alerte : On ne peut déployer l’IA sans une approche cybersécuritaire en amont

Yasser Monkachi, expert en communication et transformation numérique, partage sa vision sur l’avenir du digital, en mettant l’accent sur l’impact de l’intelligence artificielle. Il estime que l’IA sera un levier de disruption majeur, transformant en profondeur les métiers et les pratiques professionnelles. Toutefois, il alerte sur les défis éthiques, notamment en matière d’authenticité des contenus générés. Pour faire face à ces évolutions, il préconise une approche stratégique agile et résiliente, tout en insistant sur les enjeux de cybersécurité, la protection des données et l’accompagnement des équipes dans cette transition technologique.

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Le Matin : Quelles évolutions majeures dans le domaine numérique prévoyez-vous pour les 5 à 10 prochaines années, et quelles actions les entreprises devraient-elles entreprendre pour s’adapter à ces transformations ?

Yasser Monkachi :
Les tendances sont devenues des indicateurs de choix et des signaux à ne pas négliger. Or, il ne faut pas trop se fier aux modes technologiques afin d’épouser une sobriété à toute épreuve si l’on veut résister et perdurer face à une disruption technique sans précédent. Tout le monde parle aujourd’hui de l’Intelligence artificielle, notamment sa partie la plus spectaculaire et la plus populaire dite générative. Une composante qui donne du fil à retordre aux professionnels de tout bord. Elle aura certainement son mot à dire durant les années à venir en automatisant beaucoup de tâches, en écrasant plusieurs pratiques et en éliminant moult métiers sur son chemin. Les entreprises peuvent anticiper ce tsunami digital en développant une culture agile orientée vers l’apprentissage continu. La connaissance est le seul moyen de faire face à cette disruption où lorsqu’on arrive enfin à comprendre, il est déjà trop tard !

Comment identifier et évaluer les risques associés à l’intelligence artificielle, et quelles mesures les entreprises peuvent-elles prendre pour les atténuer dans le cadre de leur stratégie numérique ?

L’intelligence artificielle (IA) représente des avantages saillants, mais aussi de grands risques, notamment d’ordre éthique. En effet, elle peut aider les entreprises à atteindre plus d’efficacité et d’efficience quant au traitement de leurs tâches répétitives, autrement dit ce que l’humain ne veut pas ou ne peut pas faire. Mais parmi ses risques cachés se trouve la question de l’authenticité. Cela dit, nous risquons de nous retrouver avec des contenus «génériques» par le truchement des mêmes bases de données, ce qui limitera la marge de créativité et l’originalité. En amont de leurs stratégies numériques, chaque organisation devrait se poser des questions essentielles quant à l’usage éthique et adapté de l’IA dans ses processus en plaçant la question de l’authenticité au sommet de leurs valeurs et en mettant les moyens adéquats, pas forcément le dernier cri technologique, au service de leur performance. Chaque organisation est unique et devrait ainsi développer ses propres moyens de défense, sa sécurité informatique et sa propre résilience pour perdurer face à des changements successifs, souvent imprévisibles.



Quels sont les secteurs les plus en retard dans l’adoption de l’IA au Maroc et pourquoi ? Comment peuvent-ils rattraper leur retard ?

Je serais tenté de déclarer à brûle-pourpoint le e-commerce ou le e-Banking, mais ne disposant pas d’études dans ce sens, je préfère rester prudent à ce propos. Il faut aussi souligner que le retard est une notion très relative. Le développement personnel nous apprend que l’on n’est en concurrence avec personne si ce n’est soi-même ! Comme dit plus haut, chaque secteur et chaque acteur devraient se poser les bonnes questions quant à l’adoption de l’IA, à commencer par son utilité, son utilisabilité, sa faisabilité et ses risques éthiques. Sénèque disait qu’il n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va. Il n’y a donc pas de technologie efficace pour qui ne sait pas ce qu’il veut. L’IA devrait ainsi aider les entreprises non pas à savoir ce qu’elles veulent et où souhaitent-elles aller, ces questions primordiales devraient impérativement provenir de l’intelligence humaine dans ses dimensions individuelle et collective, mais à booster leur performance au quotidien. Le retard pourrait alors se transformer de manière agile en montée en puissance et en compétence.

Avec la montée en puissance de l’IA, est-ce que les entreprises seraient capables de garantir la sécurité et la confidentialité des données ?

La sécurité des systèmes d’information et la confidentialité des données, notamment sensibles et à caractère personnel, sont des briques névralgiques de la transformation digitale. L’IA s’est depuis deux ans imposée en intégrant la quasi-totalité des processus de transformation et en devenant un buzzword technologique incontournable. Tout déploiement de l’IA devrait ainsi inclure en amont une démarche cybersécuritaire stratégique en anticipant les risques d’intrusion, de vol et d’usurpation des données. À noter que malgré tous les efforts des DSI, le risque 0 n’existe pas et les cybercriminels peuvent profiter de vulnérabilités parfois émergentes pour attaquer les bases de données et mettre la main sur un capital immatériel d’une valeur inestimable. Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras, bien au contraire, des protocoles et des technologies sans cesse améliorés augmentent la résilience cybernétique des entreprises et ces dernières n’ont de choix que de s’y inscrire corps et âme pour rester dans la course.

Comment mesurer l’impact social et économique des stratégies numériques basées sur l’IA à l’échelle d’une organisation ?

Comme on ne peut mesurer que ce qui est mesurable, il est important pour les entreprises de mettre en place en amont des indicateurs de performance. L’exercice étant de rendre mesurable l’impact social et économique de leurs stratégies numériques basées sur l’IA. Encore une fois, se poser les bonnes questions est salvateur pour donner du sens à une technologie décidément envahissante. Cela suppose aussi que l’entreprise soit dotée de responsabilité sociale et environnementale et de prévoir dans sa stratégie des montées en conscience et en compétence ainsi qu’un renforcement de capacités de l’ensemble de ses collaborateurs afin qu’ils s’inscrivent dans l’agilité, la résilience et la performance durable.

L’IA peut-elle réellement créer des avantages compétitifs durables pour les entreprises ? Si oui, quelles sont les stratégies clés à adopter pour maintenir cet avantage à long terme ?

Au-delà du tech washing et de la mode technologique, l’IA peut, si maîtrisée et «apprivoisée», constituer un avantage compétitif pour les entreprises. Elle peut, quand elle est agrégée à l’intelligence individuelle et collective, aider à optimiser la performance, la créativité et la collaboration. Or, si le socle humain n’est pas préparé à utiliser et dompter l’IA, le résultat peut s’avérer négatif, voire catastrophique. L’IA crée ainsi des disparités et des menaces, sans oublier la disruption du marché de l’emploi. L’IA peut par contre créer des avantages compétitifs en augmentant les capacités créatives et innovatrices de l’entreprise. Elle peut aussi soulager la force de travail en exécutant, à l’image des chatbots et des robots humanoïdes, des tâches répétitives et orienter l’humain vers plus d’efficience et de productivité.

Est-ce que le rythme d’évolution de la technologie notamment l’IA aurait un impact sur les ambitions de la stratégie «Maroc digital 2030» ?

Le rythme effréné de l’évolution de l’IA ne peut ne pas influer sur l’évolution de la stratégie «Maroc digital 2030». Cette dernière qui se veut agile et inclusive devrait naturellement avancer en fonction des évolutions de l’IA et intégrer les dernières innovations technologiques au fur et à mesure de sa progression. Pour ce faire, une veille technologique de premier plan est nécessaire afin de détecter les tendances et anticiper les disruptions et les risques potentiels. Nous venons de le vivre avec Deepseek, où le choc a brusquement bouleversé tous les acteurs du marché, même les plus grands. Dans un monde en permacrise, si tout anticiper n’est pas possible, se doter d’intelligence économique est nécessaire pour exister, perdurer et pourquoi pas prospérer et se développer durablement selon ses moyens, ses objectifs et ses valeurs. Le futur de l’IA sera humain ou ne sera pas...
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