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Rabat accueille les leaders de l’audit public pour penser l’ère de l’intelligence artificielle

Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les travaux du Symposium international sur l’audit interne à l’ère de l’intelligence artificielle ont été officiellement lancés ce vendredi à Salé, marquant le coup d’envoi d’un événement d’envergure qui célèbre à la fois le 65ᵉ anniversaire de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et l’entrée de l’audit public dans une ère nouvelle, profondément transformée par l’intelligence artificielle.

La matinée d’ouverture a été marquée par deux temps forts empreints de solennité et de reconnaissance. C'est Nadia Fettah, ministre de l'Economie et des Finances qui a donné le coup d'envoi de la journée. Dans son discours introductif, la ministre a souligné que l'intelligence artificielle (IA) constitue un levier majeur permettant à l'audit interne public de réinventer ses pratiques, ses outils et sa posture dans un secteur public en pleine numérisation et de plus en plus interconnecté. Le même constat a été également partagé par Amal El Fallah Seghrouchni, ministre chargée de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration, Anke D’Angelo, vice-Président, Auditrice Générale de la Banque mondiale et Mohamed Manchoud, Inspecteur Général des Finances. Ce dernier a de son côté noté l’émergence d’un « audit augmenté », reposant sur une synergie entre intelligence humaine et puissance algorithmique. Un constat à retenir : analyse en temps réel, détection d’anomalies, scénarios prédictifs et anticipation des risques... autant de fonctions que l’IA peut aujourd’hui enrichir.



L'autre moment fort de la matinée, le dévoilement d’un timbre commémoratif dédié aux 65 ans de l’IGF, illustrant l’ancrage historique et institutionnel de cette entité clé dans l’architecture financière du Royaume. Ensuite, un hommage appuyé a été rendu aux anciens ministres de l’Économie et des Finances, aux anciens Inspecteurs Généraux des Finances marocains, ainsi qu’à une délégation d’Inspecteurs Généraux africains, saluant ainsi les figures qui ont contribué à la structuration et à la modernisation de l’audit public sur le continent.

De nouveaux défis pour l’audit public

Mais cette transformation s’accompagne de défis majeurs. Éthique des algorithmes, protection des données, montée en compétence des auditeurs et adaptation des cadres juridiques figurent parmi les enjeux cruciaux identifiés par la ministre. La réussite de cette mutation ne dépend pas seulement des outils technologiques, a-t-elle averti, mais également de la capacité à forger des alliances solides avec les acteurs académiques, privés, institutionnels et civils. « Cette orientation stratégique, profondément ancrée dans nos priorités nationales, vise à refonder notre gouvernance publique sur des bases plus modernes, plus performantes et plus réactives », a noté Nadia Fettah, en insistant sur l’objectif central : mieux servir les citoyens et renforcer la performance de l’administration publique.

Pour sa part, M. Manchoud a confirmé que l’intelligence artificielle ne doit pas être perçue comme une simple innovation technologique, mais comme un changement de paradigme profond. « Il ne s'agit pas seulement d'outils nouveaux. Il s'agit d'une métamorphose, de nos méthodes, de nos réflexes et même de nos responsabilités », a-t-il affirmé. À ses yeux, l’IA constitue une nouvelle puissance analytique et prédictive, capable, si elle est bien maîtrisée, de transformer la gestion des risques, de renforcer la transparence et d’aiguiller l’action publique avec une précision inédite.

Mohamed Manchoud : « L’intelligence artificielle n’est pas un gadget, c’est une métamorphose »

L'audit interne augmenté par l'IA

Le processus de l’audit interne augmenté par l’intelligence artificielle se décline en six étapes clés qui illustrent l’intégration progressive de l’IA dans chaque phase de l’audit, que Mme El Fallah Seghrouchni résume comme suit :
  1. Tout commence par la préparation, durant laquelle l’IA collecte et analyse des données massives (Big Data) relatives à la structure organisationnelle, aux méthodes opérationnelles, aux systèmes comptables et financiers du client. Ces informations sont injectées dans un système intelligent.
  2. La deuxième étape est la contractualisation : l’IA estime le niveau de risque sur la base des données collectées, ce qui permet de déterminer les honoraires d’audit. Elle analyse aussi les contrats et propose un projet de contrat que le client et l’auditeur peuvent signer.
  3. Ensuite vient l’étape des contrôles internes et des facteurs de risque, où des questionnaires et récits sont injectés dans le système IA. Celui-ci exploite des techniques de reconnaissance d’image et d’analyse textuelle pour détecter les fraudes et autres risques, en agrégeant l’ensemble des données.
  4. La quatrième phase concerne les tests substantifs : l’IA assure un contrôle continu de la qualité des données, en examinant leur provenance, en testant 100 % des transactions ainsi que les soldes comptables de manière automatisée.
  5. En cinquième lieu, l’évaluation du risque de contrôle est conduite grâce à l’analyse des processus (process mining) et à l’examen automatisé des journaux d’audit (logs) pour vérifier la pertinence des contrôles existants.
  6. Enfin, le processus se conclut par la production du rapport d’audit. L’IA applique un modèle prédictif pour estimer les risques identifiés, générant un rapport qui peut être continu et noté, voire catégorisé (certifié, avec réserve, défavorable, etc.), en fonction du degré de conformité.
Ce modèle illustre une transformation radicale de la fonction d’audit, où la technologie renforce la précision, la réactivité et la transparence dans l’évaluation des risques et le pilotage des organisations.

Réunissant plus de 100 experts et hauts responsables venus du Maroc, d’Europe, d’Afrique et d’Amérique du Nord, le symposium s’articule autour de trois grandes séquences thématiques :

  • L’IA au service de la gouvernance publique : capacités d’analyse, gestion des risques et prise de décision.
  • Vers un audit intelligent et augmenté : enjeux de formation, transformation des métiers, et anticipation de l’IA auditrice.
  • Coopération internationale : pour construire un socle commun de régulation, d’éthique et de compétences.
Ce symposium s’inscrit dans une séquence mémorielle forte pour l’IGF, créée par Dahir royal en 1960, qui célèbre cette année ses 65 ans d’existence. L’institution, placée sous l’autorité directe du ministre de l’Économie et des Finances, a joué un rôle fondamental dans la consolidation des finances publiques et l’intégrité de la dépense publique. À travers cet événement, elle affirme son ambition : se projeter en force de proposition, au cœur des enjeux de gouvernance publique moderne, et faire de l’intelligence artificielle un outil de transformation responsable et inclusive de l’action publique.

Un pont entre tradition et innovation : tel est le message fort porté par ce symposium, qui place le Maroc à l’avant-garde des réflexions sur l’audit public dans un monde numérique, interconnecté, et confronté à des exigences croissantes de transparence, d'efficience et d'intégrité.
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