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Avis d’expert: Non, la contravention de non-port de masque n’est pas inscrite au casier judiciaire !

Avis d’expert: Non, la contravention de non-port de masque n’est pas inscrite au casier judiciaire !
Selon Me Lakhdar, le casier judiciaire ne peut contenir des contraventions aux termes de l'article 658 du code de procédure pénale. Ph. AFP

Contrairement à ce qui a été véhiculé ces derniers jours, la contravention pour non-port du masque ne sera pas inscrite au casier judiciaire. C’est en tout cas ce qu’affirme Me Mohamed Lakhdar, avocat au Barreau de Casablanca, qui avance, arguments à l’appui, que l'amende transactionnelle de non-port du masque est une amende contraventionnelle et non délictuelle. De ce fait, a-t-il assuré, il n’y a aucun risque de se retrouver avec un casier judiciaire entaché et de se voir de ce fait interdire l’accès aux concours publics, comme cela a été annoncé en gros caractères.

«L’infraction de non-port de masque de protection s'inscrit dans le cadre des contraventions et nullement des délits aux termes des articles 18 et 111 du code pénal, et les dispositions du casier judiciaire abordent exclusivement les peines privatives de liberté prononcées pour crime ou délit et nullement les contraventions, les amendes ou les condamnations à l’emprisonnement avec sursis aux termes des articles 658 et 667 du code de procédure pénale», a signalé Maître Lakhdar. «D’où le mal-fondé de ce que la majorité des lecteurs et des sites de presse électronique ont avancé et il convient de ne pas en tenir compte», a-t-il conclu.

Voici le «plaidoyer» complet de Me Mohamed Lakhdar pour défendre le bien-fondé de ses déclarations :

 «Alors que j'effectuais mes recherches quotidiennes de routine sur le navigateur Google, mon attention a été attirée par une information qui s’est répandue dans la plupart des sites de presse électronique, affirmant que l’infraction de non-port de masque de protection empêcherait le citoyen marocain d’accéder à la fonction publique. Il y a même ceux qui sont allés jusqu’à dire que le fait de s’acquitter de l’amende ne dispense guère de sa consignation au casier judiciaire. Ainsi, et sans entrer dans les détails, le fond et les circonstances desdits faits, il m’a fallu soulever de nombreuses questions au sujet de ce postulat et de ses motifs.

En ma qualité d'homme de droit, je suis tenu de mettre les choses en perspective et montrer aux gens ce qu'ils peuvent ignorer, étant donné que nul n’est sensé ignorer la loi (une phrase qui m’a toujours déplu), d’autant plus que professionnellement parlant, il est de mon devoir de lever toute équivoque entachant ce postulat et créant une sorte de suspicion et de crainte parmi l’ensemble des citoyens.

Aussi, en se référant au texte du code pénal, nous constatons que les infractions sont qualifiées de crime, de délit correctionnel, de délit de police ou de contravention, et les peines criminelles sont la mort, la réclusion perpétuelle, la réclusion à temps pour une durée de cinq à trente ans, la résidence forcée et la dégradation civique.

Ledit texte stipule également que l'infraction que la loi punit d'une peine d'emprisonnement dont elle fixe le maximum à plus de deux ans est un délit correctionnel, tandis que l'infraction qu’elle punit d'une peine d'emprisonnement dont elle fixe le maximum à deux ans ou moins de deux ans, ou d'une amende de plus de 200 dirhams, est un délit de police. Pour ce qui est du reste des infractions, elles sont considérées comme des contraventions dont les peines sont prévues à l'article 18 du même code.

Dans la même optique, l’article 111 du code pénal stipule que les infractions sont qualifiées de crime, de délit correctionnel, de délit de police ou de contravention. De ce fait, l'infraction que la loi punit d'une des peines prévues à l'article 16 est un crime, celle que la loi punit d'une peine d'emprisonnement dont elle fixe le maximum à plus de deux ans est un délit correctionnel, celle que la loi punit d'une peine d'emprisonnement dont elle fixe le maximum à deux ans ou moins de deux ans, ou d'une amende de plus de 200 dirhams est un délit de police, et celle que la loi punit d'une des peines prévues à l'article 18 est une contravention.

Et en se référant aux dispositions de l’article 18 du code pénal, nous constatons qu'il stipule que les peines contraventionnelles principales sont :

  1. La détention de moins d'un mois
  2. L'amende de 30 dirhams à 1.200 dirhams

Nous pouvons conclure de ce qui précède que les partisans du postulat suivant lequel l’amende du délit diffère de l’amende de la contravention tel qu’il ressort des dispositions de l'article 688 du code de procédure pénale, lequel aborde les crimes et les délits interdisant l’accès à la fonction publique et nullement l’amende des contraventions, ont tout confondu et n’ont pas pu faire la différence entre le délit et la contravention. En fait, ils auraient dû se référer à l'article 18 du code pénal confirmant expressément que les crimes non-mentionnés à l'article 111 sont considérés comme des contraventions. En d’autres termes, une détention de moins d'un mois ou une amende de 30 dirhams à 1200 dirhams ne sont que de simples contraventions et ne peuvent en aucun cas être considérées comme des délits.

Par ailleurs, et en se fondant sur les dispositions du décret n°2.20.503 complétant le décret n°2.20.292 relatif à l'Etat d'urgence sanitaire, lesquelles stipulent que les contraventions qui y sont mentionnées peuvent faire l’objet d’un règlement à travers le paiement d'une amende transactionnelle forfaitaire de 300 DH, ainsi que sur le décret n°2.20.292 qui prévoit dans son article 4 une peine d’emprisonnement d’un à 3 mois et une amende variant entre 300 et 1300 dirhams, ou l’une des deux peines, il s’avère que nous sommes devant des contraventions et nullement des délits aux termes des articles 18 et 111 du code pénal.

Il va sans dire que le casier judiciaire ne peut contenir des contraventions aux termes de l'article 658 du code de procédure pénale auquel vous pouvez vous référer à cet égard, ce qui est confirmé par les dispositions de l'article 667 du même code qui stipule que «le bulletin n°3 est le relevé des condamnations à des peines privatives de liberté prononcées par une des juridictions du royaume pour crime ou délit. Il implique expressément que tel est son objet. N'y sont inscrites que les condamnations de la nature ci-dessus précisée et non effacées par la réhabilitation et pour lesquelles le juge n'a pas ordonné qu'il serait sursis à l'exécution de la peine à moins, dans ce dernier cas, qu'une nouvelle condamnation n'ait privé l'intéressé du bénéfice de cette mesure».

En conséquence, l’infraction de non-port de masque de protection s'inscrit dans le cadre des contraventions et nullement des délits aux termes des articles 18 et 111 du code pénal, et les dispositions du casier judiciaire abordent exclusivement les peines privatives de liberté prononcées pour crime ou délit et nullement les contraventions, les amendes ou les condamnations à l’emprisonnement avec sursis aux termes des articles 658 et 667 du code de procédure pénale.

D’où le mal-fondé de ce que la majorité des lecteurs et des sites de presse électronique ont avancé et il convient de ne pas en tenir compte.

Ainsi, en cas de contravention de ce genre, il n'existe aucun motif légal empêchant tout citoyen marocain d'accéder à la fonction publique ; sachant que notre mission ici se résume à la précision du cadre juridique, sans oublier d’insister sur la nécessité de porter les masques de protection et de respecter les règles de santé.

Que Dieu protège notre pays, notre Roi et les pays du monde entier du mal des épidémies et des maladies.»

Me Mohamed Lakhdar, avocat au Barreau de Casablanca.

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