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Ahmed Farid Merini décortique le processus de tissage et de broderie à travers «Fatema Mernissi, le fil invisible du féminisme»

«Fatema Mernissi, le fil invisible du féminisme» d’Ahmed Farid Merini est l’essai qui vient de paraître aux éditions Marsam, où l’auteur raconte sa relation et ses discussions avec l’écrivaine et sociologue Fatéma Mernissi, autour du monde des brodeuses et tisseuses.

Ahmed Farid Merini décortique le processus de tissage et de broderie à travers «Fatema Mernissi, le fil invisible du féminisme»
Ouvrage d'Ahmed Farid Merini

Avec une approche psychanalytique, Ahmed Farid Merini revisite l’univers de Mernissi à travers la broderie et le tissage qui, selon elle, étaient un véritable moyen pour les femmes de s’exprimer et de se libérer du monde qui les entoure. Lui-même fils de brodeuse, Farid Merini aborde le sujet en connaissance de cause et en psychanalyste qui a voulu donner plus de lumière aux propos de F. Mernissi. Celle-ci a tenu à connaître davantage l’auteur, sachant qu’il était fils de brodeuse. «Elle voulait, depuis notre première rencontre en 2005, s’assurer que j’appartenais à l’univers de la broderie et de sa transmission… Le travail et le dialogue que j’ai pu mener avec elle m’ont permis d’appréhender la complexité de sa pensée, ainsi que celle de sa personne grâce à une amitié tissée avec le temps», raconte le psychanalyste Merini qui affirme que cette tâche n’était pas des plus simples. «Car la démarche de Fatema est inédite et s’inscrit dans ses positions différentes, à la fois sociologue, féministe et écrivaine. Ce qui engendre une simultanéité de sa pensée et de son action qui bouscule les normes classiques du discours académique», poursuit l’auteur. D’où son intérêt pour la broderie et le tissage, qui semblent des pratiques répétitives, à première vue ancrées dans la société traditionnelle, mais sont abordées par Fatema comme le moyen d’expression d’une rébellion des femmes et d’une quête de libération des «hudud» (limites ou frontières) imposés par la société patriarcale. Ainsi, en 2005, elle a proposé à l’auteur de participer à une réflexion sur le tapis de Taznakht. «Mon intérêt s’est d’emblée porté sur la transmission mère-fille d’une féminité dont le secret est enfoui dans les pictogrammes inscrits sur la surface du tapis et que nous ne savons pas déchiffrer.

Le tapis comporte un texte perdu, mais il subsiste néanmoins des traces signifiantes, transmises à la jeune génération pour l’édification des identités féminines», précise Farid Merini qui essaye, dans cet ouvrage, de donner plus d’éclairage sur la démarche de Fatema Mernissi, qui consiste à savoir si le désir de rébellion présent chez les brodeuses existe aussi chez les jeunes tisseuses de Taznakht. «La broderie et le tissage m’amèneront ensuite à aborder la résonnance et l’importance de cette équation dans l’actualité du monde d’aujourd’hui à travers le fil virtuel ou la toile». Respectant, de ce fait, l’esprit d’ouverture de Fatema Mernissi, l’auteur s’est mis à décortiquer le processus de tissage et de broderie, ce qui se cache derrière et comment s’opère ce passage et cette transmission de l’ancienne à la jeune génération. «C’est en larguant les amarres et en naviguant dans son monde que j’ai brodé à ma façon, avec les fils qu’elle me tendait, afin de rejoindre le lieu dans lequel elle m’invitait. La complexité de ce lieu est qu’il se tisse comme un patchwork dont les pièces sont reliées par un fil invisible. Ce fil emprunte une voie nouvelle qui sort des “hudud” d’un discours séculaire pour rendre la voix d’une femme audible et sa sublimation déchiffrable». C’est, ainsi, que se sont succédé les chapitres de cet essai, estimant restituer les dialogues et les réflexions entreprises entre la sociologue et le psychanalyste pendant dix années de rencontres, où on découvre d’autres codes de Fatema Mernissi.


Biographie

Native de Fès en 1940, Fatema Mernissi a fait ses études à Rabat, puis à la Sorbonne et aux États-Unis où elle a obtenu, en 1973, son doctorat en sciences humaines. À partir des années 1980, elle a commencé à enseigner à l’Université Mohammed V à Rabat, tout en poursuivant ses recherches et ses écrits en tant que sociologue. Ce qui lui a valu de recevoir le Prix des Asturies en littérature, en 2003, puis le prix Erasmus aux Pays-Bas pour le thème «Religion et modernité», en 2004. Son engagement pour les droits des femmes a fait d’elle une icône dans le monde arabe et musulman. Ses ouvrages ont été traduits dans plusieurs langues. Fatema Mernissi est décédée en 2015 à Rabat.

 

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