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Covid-19 : comment prouver le préjudice lié à la vaccination et qui répond des dommages subis ?

En cas d’effets secondaires graves liés à la vaccination anti-Covid, les contours du risque médico-légal et le processus de dédommagement restent flous. Le régime de responsabilité lié à la vaccination anti-Covid soulève de nombreuses interrogations au Maroc, notamment l’établissement d’un lien de causalité direct entre le vaccin et le préjudice et l’indemnisation. Voici quelques éclaircissements des parties prenantes de ce processus.

Covid-19 : comment prouver le préjudice lié  à la vaccination et qui répond des dommages subis ?
Les contours du risque médico-légal lié à la vaccination sont difficiles à tracer avec précision, d’autant plus que la vaccination n’est pas obligatoire.

Selon le ministère de la Santé, 99,5% des effets secondaires provoqués par la vaccination anti-Covid sont «très faciles à traiter». Le reste, soit 0,5%, représente des effets graves qui dans certains cas laissent des séquelles plus ou moins graves. Ce constat est appuyé par Saïd Moutawakil, professeur en réanimation et membre du Comité scientifique et technique contre la Covid-19, qui note que les effets indésirables sont, dans la grande majorité des cas, une douleur au point d’injection, rougeur, fièvre, asthénie, maux de tête, perte de l’appétit, douleurs musculaires ou trouble du sommeil.

Ces signes durent 48 h en moyenne et disparaissent spontanément au bout de quelques heures ou quelques jours. Toutefois, ajoute-t-il, d’autres troubles plus ou moins graves peuvent se manifester avec des vaccins comme AstraZeneca, Pfizer et Johnson and Johnson. Il s’agit notamment de cas de thrombose et de myocardite.

Il peut aussi y avoir des accidents allergiques aux vaccins plus ou moins sérieux du type de prurit, de choc anaphylactique ou un gonflement au niveau du cou avec des difficultés respiratoires, explique le professeur, avant d’assurer que tous ces troubles anaphylactiques sont pris en charge et peuvent être contrôlés selon des protocoles thérapeutiques spécifiques.

L’expert appelle cependant à rester attentif et signaler chaque effet indésirable sur la plateforme dédiée à cet effet par le ministère de la Santé ou à l’équipe vaccinale ou au médecin traitant.

Les effets secondaires existent bien. Ils sont certes rares, mais peuvent se manifester et engendrer des séquelles qui entraînent des risques potentiels susceptibles de faire l’objet de poursuites judiciaires pour prouver le préjudice et obtenir des indemnités. À ce sujet, nous avons tenté de contacter le ministère de tutelle, pour en savoir davantage sur la procédure d’indemnisation, mais sans réponse.

À qui incombe la responsabilité juridique en cas de préjudice lié à la vaccination anti-Covid

«Dans le régime de droit commun, il existe une responsabilité de chaque agent depuis la production jusqu’à l’administration du vaccin. Toutefois, dans le cadre du vaccin, toutes ces responsabilités civiles et pénales sont supportées, le cas échéant, par l’État», souligne Me Mohamed Oulkhouir.

Pour appuyer ses propos, l’expert cite le droit des obligations et des contrats (voir encadré 1), la loi n°17-04 
portant Code du médicament, la loi n°24-09 relative à la sécurité des produits et des services et la loi-cadre n° 34-09 relative au système de santé et à l’offre de soins.

Me Nesrine Roudane, présidente de la Commission juridique et fiscale de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc, donne une lecture similaire. Selon elle, «la vaccination étant un acte médical, elle peut engendrer des effets secondaires pouvant engager la responsabilité légale de plusieurs personnes en fonction du fait reproché, du préjudice causé et du rôle joué au moment de la survenance du préjudice. Ainsi, en fonction des cas, il n’est pas exclu de rechercher la responsabilité du fabricant, du distributeur, du professionnel de santé, voire de l’État».

En droit français, par exemple, Me Oulkhouir rappelle que la loi de 2004 est venue engager directement la responsabilité de l’État en ce qui concerne les vaccins obligatoires inscrits comme tels dans le Code de la santé publique. Au Maroc, l’expert indique «qu’aucune loi n’est venue appliquer clairement ce principe.

Il faut, toutefois, remarquer et c’est une subtilité très importante, qui est que le vaccin contre la Covid-19 n’est pas obligatoire stricto sensu. Le vaccin fait l’objet d’une obligation indirecte par le biais des multiples restrictions, mais le fait seul de ne pas être vacciné n’est pas répréhensible. Il reste à voir quelle interprétation de cette obligation indirecte sera faite par les juges du fond, mais pour l’instant, une responsabilité directe de l’État semble exclue». Pour conclure sur ce point, le juriste insiste sur le fait que la responsabilité de l’État n’est qu’indirecte.

Comment prouver le préjudice et le lien de causalité

Si en cas de préjudice, la responsabilité du producteur et du personnel médical est supportée par l’État, puisque la vaccination est un acte public offert gratuitement dans des centres publiques, encore faut-il que la responsabilité puisse être engagée. Comme expliqué par notre source, dans ce cas de figure, le droit commun reprend sa place.

Établir le préjudice (blessures, problèmes de santé, séquelles graves) implique l’existence de la faute du professionnel, du défaut du produit et d’un lien de causalité direct entre le défaut/la faute et le préjudice.

• Pour ce qui est de la faute médicale, cela pose peu de soucis, explique Me Oulkhouir. La faute et le préjudice peuvent être établis simplement et le lien de causalité peut être relevé par le juge du fond, grâce à la technique du faisceau d’indices (absence d’antécédents médicaux, bonne santé de la victime, circonstances…).

• Pour ce qui est de la substance du vaccin, on voit vite les obstacles. Certes, une expertise peut être demandée, mais vu le nombre limité des études réalisées sur tous les vaccins, il serait difficile, dans l’immédiat, de pouvoir incriminer le produit.
«Cette option n’est toutefois pas à négliger dans l’éventualité de séquelles et de préjudices à grande échelle qui concernent des milliers de personnes dans le monde entier. Mais c’est peu probable pour une personne isolée qui voudrait se prévaloir d’un préjudice causé par le vaccin en lui-même», indique le juriste.

Sans nier la complexité de ce sujet, Me Roudane confirme que le régime de responsabilité lié à la vaccination soulève des difficultés pratiques liées à la preuve du défaut du vaccin, à l’existence du préjudice et au lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Ces éléments peuvent ainsi donner lieu à des interprétations jurisprudentielles disparates : «Dans ce genre de situations, la preuve du dommage peut être aisée à apporter, mais celle de la faute et du lien de causalité peut poser de nombreuses difficultés et son appréciation relève de l’appréciation souveraine des magistrats, au vu du faisceau d’indices et souvent des expertises médicales».

Toutefois, ajoute-t-elle, le principe veut que ce soit au demandeur d’apporter la preuve de la faute. Toujours selon l’avocate au barreau de Casablanca, «les contours du risque médico-légal lié à la vaccination sont difficiles à tracer avec précision, d’autant plus que la vaccination n’est pas obligatoire».


Ce que dit le Dahir formant Code des obligations et des contrats

Article 77 : «Tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou moral oblige son auteur à réparer ledit dommage, lorsqu’il est établi que ce fait en est la cause directe. Toute stipulation contraire est sans effet.»
Article 79 : «L’État et les municipalités sont responsables des dommages causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents.»

Qu’en est-il du dédommagement ?

Soucieux des effets secondaires et complications qui peuvent apparaître à moyen et long termes suite à la vaccination contre la Covid-19, le Réseau marocain pour la défense du droit à la santé et du droit à la vie estime que l’État doit assumer l’entière responsabilité des dommages collatéraux causés par cet acte médical. Ceci à travers la mise en place, et en urgence, d’un décret pour prendre en charge les coûts de traitement des personnes présentant des symptômes et des complications secondaires dues à la vaccination contre la Covid-19 et l’établissement d’un système de réparation des dommages causés par l’injection.

Contacté par «Le Matin», Ali Lotfi, président du Réseau, appelle «le gouvernement marocain à indemniser les personnes touchées par des complications secondaires graves ou le décès résultant du processus de vaccination, conformément au programme de l’Organisation mondiale de la santé, qui a appelé tous les pays à mettre en place un système transparent d’indemnisation des dommages liés au vaccin Covid-19 et d’indemnisation des victimes sans avoir recours aux tribunaux».

Le responsable propose d’installer un programme de compensation financé par les sommes prélevées sur chaque dose de vaccin prise en charge par le programme Covax GAVI. Et d’ajouter que la question de l’indemnisation représente l’un des plus grands défis de la gestion des risques sanitaires et juridiques dans le monde.

 

 

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