Malgré les différents efforts fournis pour assurer une meilleure prise en charge de l’infertilité au Maroc, une grande majorité des couples marocains perçoivent toujours cette pathologie ainsi que l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) comme un sujet tabou. C’est ce qui ressort d’une récente étude de perception réalisée par le Think Tank Radius, à travers son laboratoire Global Santé, en partenariat avec l’Association Marocaines des Aspirants à la Maternité et à la Paternité (MAPA).
Intitulée «Les pouvoirs publics et les professionnels de la santé face à l’infertilité», cette étude participative et qualitative a été réalisé sur la base d’entretiens entretiens individuels avec l’ensemble des parties prenantes concernées par le sujet (médecins, CHU, agences de régulation, ministère, association de patients, etc.). L’objectif de cette étude était de recueillir l’avis des parties prenantes sur la prise en charge de l’infertilité au Maroc, et de collecter leurs principales recommandations pour améliorer la prise en charge de cette maladie, sur le plan médical, sanitaire, social et économique.
«Nous souhaitions mettre en lumière un sujet qui touche de nombreuses familles marocaines, souvent en souffrance, non pas seulement pour des raisons médicales mais aussi sociales et psychologiques. Le sujet préoccupe aussi bien les autorités que les praticiens. Avoir leurs avis et leurs recommandations est une manière de mettre ce sujet tabou un peu sous les projecteurs», précise Hatim Benjelloun, Fondateur du Think Tank Radius.
De son côté Aziza Ghallam, Présidente de la MAPA a rappelé que cette étude s’inscrit dans le cadre de l’effort de lever le voile sur la détresse vécue par les couples infertiles et la mise en exergue des aspirations des professionnels de la santé, en lien avec l’exercice de l’AMP au Maroc. «Il s’agit d’une nouvelle tentative de rappeler, sensibiliser, encourager, inviter et inciter les pouvoirs publics à revoir leur contribution», a-t-elle affirmé.
Selon cette étude, l’infertilité se heurte souvent aux valeurs religieuses et culturelles marocaines. «Pour cela, les professionnels de la santé suggèrent d’inscrire l'infertilité parmi les priorités médicales, en associant systématiquement le Ministère des affaires islamiques et celui de la Solidarité, du Développement social, de l'Egalité et de la Famille pour éclairer, sensibiliser et guider les couples dans le cadre de l'AMP», souligne-t-on dans l’étude. «Touchant près de 15 % de la population marocaine, de nombreux préjugés et travers de perception chargent l’imaginaire collectif autour de cette maladie. Parmi les idées préconçues et faits réels, on trouve toujours que les femmes sont considérées à tort comme seules responsables en cas d’infertilité dans le couple, alors que les femmes et les hommes sont impliqués à parts égales dans les problèmes d’infertilité et la virilité et la fertilité sont deux notions différentes à ne pas confondre», affirme l’étude, soulignant que le recours à la médecine traditionnelle ne fait que retarder le diagnostic et la prise en charge. Aussi, l’étude rappelle l’importance des conséquences économiques et sociales de l’infertilité. «L’accès à l’AMP demeure très coûteux (entre 25.000 DH et 45.000 DH). Considérée par certains comme un problème de santé publique et par d’autres, comme une maladie qu’il est nécessaire de traiter, les troubles de la fertilité demeurent une pathologie dont les impacts sont multiples. Afin de surmonter les différentes problématiques rencontrées par les patients et les professionnels de la santé, les autorités gagneraient à démocratiser l’accès aux soins relatifs à l’infertilité et à l’AMP à tous les couples marocains, sur l’ensemble des régions du Royaume », ajoute la même source.
Il est à rappeler qu’au mois de novembre 2020, le gouvernement a annoncé l’intégration de certains traitements de l’infertilité à la liste des médicaments remboursables. Cette décision vient apporter une lueur d’espoir aux couples marocains souffrant de troubles de la fertilité et désireux d’avoir des enfants.