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Lutte contre la violence basée sur le genre : Lancement d’un traité mondial avec la participation du Maroc

Pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles dans le monde, des activistes des droits des femmes venant de 128 pays, dont le Maroc, ont établi un projet de traité mondial. Ce document, élaboré en consultation avec des femmes victimes de violence, des experts médicaux, des avocats de droits de l’Homme, des décideurs politiques…, combine pour la première fois les lois, les formations des acteurs publics, l’éducation, un budget, et les données.

Lutte contre la violence basée sur le genre : Lancement d’un traité mondial avec la participation du Maroc
Ce traité mondial fournira des ressources et une formation essentielle pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles

À une semaine des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre, des militants pour les droits des femmes venant de 128 pays, dont le Maroc, lancent le traité mondial pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles.
«Après huit ans de recherches intensives et consultation avec des experts, ce traité sera déposé auprès des États membres des Nations unies, lesquels sont incités à finaliser et à ratifier cette convention internationale importante», lit-on dans un communiqué publié mardi 16 novembre, par MRA Mobilising for Rights Associates, organisation internationale au Maghreb qui fait partie du Groupe de travail mondial et du Comité d’experts de Every Woman Treaty. «Le premier projet du traité mondial pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles a été établi en consultation non seulement avec les activistes de première ligne, mais aussi avec les survivantes, les experts médicaux, les académistes, les avocats de droits de l’Homme, les chercheurs juridiques, les diplomates et les décideurs politiques. Il est considéré un “premier projet”, car ce sont en fin de compte les États membres de l’ONU qui devront le ratifier et le former dans sa version finale», souligne la même source.

D’après les militants pour les droits des femmes dans le monde, le droit international actuel n’offre pas une protection suffisante. À l’heure qu’il est, il existe des traités régionaux, tels que la Convention de Belém do Parà en Amérique latine, le Protocole de Maputo en Afrique et la Convention d’Istanbul en Europe, qui se sont tous avérés efficaces, mais ils mettent à l’écart les trois quarts de la population mondiale. «Par ailleurs, les efforts déployés pour modifier la CEDAW (la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) pour qu’elle soit interprétée en tenant compte de la violence, n’ont pas été couronnés de succès. Nous avons alors fait un travail acharné pour créer ce premier projet viable. Nous espérons que cela lancera les négociations», a déclaré Lisa Shannon, PDG de Every Woman Treaty.
Selon cette dernière, ce traité mondial fournira des ressources et une formation essentielle pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles. «Ce projet de traité mondial sera le premier à prendre l’approche holistique de la main entière. Il combine les lois, les formations des acteurs publics, l’éducation, un budget, et les données», a déclaré Saida Kouzzi, Associée fondatrice de MRA Mobilising for Rights Associates.

Concrètement, le traité va clarifier les normes pour prévenir, protéger, éliminer et condamner la violence à l’égard des femmes et des filles et fournir un cadre de reporting spécifique basé sur des métriques. Le traité mettra également en place un organe de contrôle international et exigera une formation et une responsabilisation des policiers, des juges et des professionnels de la santé. Enfin, il permettra d’augmenter les financements alloués aux services fournis aux survivantes tels que les centres d’accueil pour femmes, l’assistance téléphonique et l’aide juridique et de donner la priorité à la sensibilisation sur la prévention de la violence.
Il est également à souligner que ce projet de traité met l’accent et l’importance sur l’intersectionnalité et des femmes particulièrement à risque, à savoir les immigrants, les travailleurs migrants, les femmes et les filles vivant avec le VIH/sida, les réfugiés et les demandeurs d’asile, les veuves, les femmes apatrides et les femmes et filles qui ont subi la torture par des acteurs non étatiques ou étatiques, ainsi que les femmes âgées, les femmes autochtones et les femmes handicapées. Il donne des orientations sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles dans les contextes spécifiques y compris en ligne, dans les conflits, au sein de la famille, au travail, et le traite. 


Questions à l’associée fondatrice de MRA Mobilising for Rights Associates.

Stephanie Willman Bordat : «Ce traité unit les nations pour mettre fin, une fois pour toute, à la violence à l’égard des femmes et des filles»

Pourquoi un traité mondial contre la violence à l’égard des femmes ?
Pour plusieurs raisons. Premièrement, la violence faite aux femmes est tellement répandue qu’elle constitue une pandémie à elle toute seule, et ceci bien trop longtemps. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la violence à l’égard des femmes est «omniprésente et dévastatrice», et elle affecte 1 femme sur 3 dans le monde. Au Maroc, une enquête nationale a démontré que 57% des femmes déclarent avoir subi au moins une forme de violence basée sur le genre uniquement dans les douze mois précédant l’étude. Deuxièmement, parce que le système de droit international actuel n’offre pas une protection suffisante pour les femmes, la moitié de la population mondiale quand même, de ces violences. Les définitions actuelles des violences faites aux femmes dans les différents conventions et traités sont éparpillées, manquent de clarté et de cohésion, et diffèrent dans leur portée et leur mise en œuvre. Pourtant, la violence à l’égard des femmes et des filles est évitable, à travers, parmi d’autres stratégies, des lois et des politiques, qui fonctionnent. Dans les pays qui ont des lois nationales sur les violences domestiques, par exemple, il y a 32% moins de mortalité des femmes. Nous avons besoin d’un traité spécifique sur les violences faites aux femmes pour combler toutes ces lacunes et défaillances actuelles, pour clarifier les normes et les obligations des États pour prévenir les violences, protéger les femmes, poursuivre et punir les auteurs des violences, et fournir des réparations adéquates aux victimes. Ce traité va établir une cohérence de définitions et des stratégies pour les consolider, prendre le mieux de ce qui existe déjà, les améliorer et aller plus en profondeur et avec une plus grande portée.

Parlez-nous un peu plus de la participation du Maroc à l’élaboration du traité ?
Ce projet du traité mondial pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles a été établi en consultation non seulement avec les activistes de première ligne, mais aussi avec les survivantes, les experts médicaux, les académistes, les avocats de droits de l’Homme, les chercheurs juridiques, les diplomates et les décideurs politiques. Every Woman Treaty est un réseau de militantes des droits des femmes de base venant de 128 pays qui se sont réunies pour faire du plaidoyer en faveur d’une solution attendue depuis longtemps pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles : un traité mondial. L’équipe de MRA Mobilising for Rights Associates, en tant qu’organisation internationale travaillant à travers le Maghreb et basée à Rabat, a fait partie du Groupe de travail mondial et du Comité d’experts de Every Woman Treaty, contribuant aux travaux pour l’élaboration et la rédaction de ce projet de traité depuis plus que cinq ans. Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec nos associations partenaires locales au Maroc et en Tunisie pour faire des campagnes d’information autour de cette initiative, solliciter leurs avis dans le contenu et la stratégie de ce projet de traité, et mobiliser une grande participation dans l’appel en ligne de signatures pour réclamer un traité mondial, qui a eu lieu en 2019 et pour lequel beaucoup d’acteurs publics, d’activistes, et d’avocats au Maroc ont participé d’ailleurs. Donc il ne s’agit pas d’un pays dictant à un autre ce qu’il doit faire. Il s’agit des nations qui se rassemblent pour mettre fin, une fois pour toutes, à la violence à l’égard des femmes et des filles.

Quel impact aura la ratification de ce traité sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes au Maroc ?
Déjà il faut que le Maroc ratifie ce traité, et nous appelons les décideurs politiques à s’engager à le faire et à soutenir ce projet de traité. Avec ce traité, il y aura le message et l’engagement clair que les États ont des obligations à prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux violences faites aux femmes. Un État qui est silencieux quand il est au courant ou devrait être au courant des violences est considéré comme faisant une apologie de cette violence. Concrètement, ce projet de traité exigera la formation et la responsabilisation des policiers, des juges et des professionnels de la santé, et augmentera le financement des services aux survivants tels que les refuges, les lignes d’assistance téléphonique et l’aide juridique. Il fournira un mécanisme de contrôle et de redevabilité aux États membres, avec un cadre spécifique de suivi et d’évaluation fondé sur des métriques. Ceci implique nécessairement une revue et une relecture des lois et procédures actuelles afin d’identifier les lacunes et les défaillances et y apporter des réformes. Finalement, ce traité fournira des ressources et des outils pratiques nécessaires aux États pour mettre en place les lois et les structures nécessaires pour lutter de manière efficace contre les violences à l’égard des femmes.

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