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Bannir les incertitudes

La pandémie entame sa troisième année et devient structurelle, alors que les approches pour l’affronter sont toujours conjoncturelles. Dès lors, il convient d’intégrer ce paramètre déterminant dans toute décision future afin d’éviter le pire.

Bannir les incertitudes

Par Kamal El Alami, Directeur Général Adjoint Groupe Le Matin

Bien avant la crise sanitaire, notre planète souffrait déjà de maux profonds comme la pollution, le tarissement des ressources, les guerres commerciales et les conflits armés. La pandémie n’a été donc qu’un facteur accélérateur d’un nouvel ordre mondial, déjà en marche, où se redessinent les plans géopolitiques, économiques et industriels. Cette rivalité est nourrie par l’émergence de nouvelles économies fortement industrialisées, par la rareté des ressources naturelles clés ainsi que de fortes avancées technologiques qui replacent la matière grise et la matière première au sommet de la pyramide des convoitises. Les bonnes alliances deviennent alors un facteur essentiel pour sauvegarder ses atouts dans l’échiquier mondial.

Cependant, la persistance de la crise sanitaire combinée aux choix introvertis des grands acteurs mondiaux, impactent de manière significative les économies pauvres et émergentes. De même, à un niveau micro, elles affectent durement le mode et le niveau de vie des familles et la viabilité des entreprises.

En effet, plusieurs activités à faible marge et faible intérêt par rapport à la pandémie souffrent d’un déséquilibre chronique d’exploitation et peinent à survivre. Certaines professions libres ainsi que les salariés du privé se retrouvent dans des schémas difficiles de baisse de régime ou de chômage technique. Les conséquences sont alors, la perte d’emploi, la réduction d’heures de travail ou, au mieux, la stagnation des revenus dans un contexte de forte inflation qui ne dit pas son nom.

Ensuite, les matières premières se font rares et plus chères. La loi de l’offre et de la demande entraine les prix dans une spirale haussière infernale qui défie toute logique. Souvent, les matières ou produits intermédiaires sont fournis aux plus offrants dans le monde mais après satisfaction des besoins locaux protégés par quotas et taxes d’export. Les industries et citoyens des pays pauvres ou en voie de développement sont donc les plus impactés et restent sans recours face aux faiseurs du marché.

Troisièmement, la série des variants du virus pandémique alimente la psychose et impose le maintien des mesures sanitaires avec toutes les décisions restrictives de la libre circulation. Le voyage à l’étranger, quand c’est autorisé, est devenu une aventure risquée à l’issue improbable. Ces différents facteurs poussent les gens à revoir leurs priorités et leur mode de vie de manière profonde et durable, puisque l’exception est devenue la règle et l’avenir totalement incertain.

Sur un autre volet, les états sont sollicités pour anticiper et résoudre ces répercussions avec une baguette magique et sous les projecteurs critiques des citoyens et des différents acteurs sociaux. Cependant, les actions d’antan ne sont plus adaptées et les budgets exceptionnels de contremesures ne sont plus disponibles. Dans ce contexte de crise qui perdure, l’endettement des Etats s’aggrave, le déficit de la balance commerciale se creuse, la recette fiscale se tarit et les moyens de relance s’amenuisent.

En réalité, la pandémie entame sa troisième année et devient structurelle, alors que les approches pour l’affronter sont toujours conjoncturelles. Dès lors, il convient d’intégrer ce paramètre déterminant dans toute décision future afin d’éviter le pire. Nombre d’activités sont déjà condamnées et ne pourront malheureusement plus se relever car au bout de deux ans de pertes et de pseudo-ouvertures il est difficile de survivre.

Or, le nouveau modèle de développement a besoin de la contribution de tous les secteurs afin de réaliser le succès attendu. Le tourisme, sous toutes ses formes légales et ses implications, devrait reprendre de manière sereine et pérenne. La RAM qui représente aussi les ailes de l’Afrique est notre vecteur du business continental et international. Elle devrait réinvestir le ciel pour relancer l’économie, raviver les échanges commerciaux et culturels et surtout réunir de nouveau les familles marocaines séparées en temps de deuil ou de joie. Les mondes de la crypto-monnaie et du méta-verse offrent une opportunité sans précédent et concernent déjà les revenus complémentaires de presque un million de marocains, alors qu’ils ne sont ni autorisés, ni encadrés, ni intégrés au développement du PIB. Le Maroc moderne a besoin d’une politique digitale agile, très audacieuse et à fort budget à l’aune des grandes transformations numériques mondiales. Le Maroc a besoin de ses centres commerciaux avec des boutiques ouvertes et non des affiches PLV pour égayer les tristes fermetures. Il a aussi intérêt à posséder une flotte de navires de charge pour ses magnifiques infrastructures portuaires et la liste est longue.

Certes le spectre de la pandémie est toujours présent, mais il est loin le temps où ce virus n’avait ni nom, ni traitement, ni vaccin. L’écosystème santé et les pouvoirs publics ont réussi à démystifier le virus et juguler ses ravages. Il est aussi vrai que la gestion de cette troisième vague est plus audacieuse et diffère de ce qui précède. Cependant, il est temps d’oser vivre normalement sans peur ni restrictions, ni statistiques. L’économie et la société marocaines ont besoin de bannir les incertitudes causées par le virus et ses variants afin de se concentrer sur les véritables enjeux et défis du Maroc moderne, à savoir, accélérer la mise en œuvre du nouveau modèle de développement tout en saisissant les opportunités qu’offre la crise. Le salut est plus dans la réalisation d’un taux de croissance élevé en combinant tous les efforts que dans des coups d’éclat isolés, broyés par une conjoncture négative.

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