Menu
Search
Vendredi 26 Avril 2024
S'abonner
close
Vendredi 26 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Nation

Barème minimum pour les architectes : la réponse des professionnels aux griefs du Conseil de la concurrence

Fixation et diffusion d’un barème de prix minimum pour les honoraires de l’architecte et répartition artificielle du marché de la commande privée entre les architectes par le biais d’un système de quota mensuel. Pour le rapporteur du Conseil de la concurrence, il s’agit de pratiques anticoncurrentielles. Des architectes contactés par «Le Matin» expliquent le «bien-fondé» de cesmesures qui remontent au début des années 2000.

Barème minimum pour les architectes : la réponse des professionnels aux griefs du Conseil de la concurrence

Fixation et diffusion d'un barème de prix minimum pour les honoraires de l'architecte et répartition artificielle du marché de la commande privée entre les architectes par le biais d'un système de quota mensuel. Voilà les deux décisions prises de longue date par l'Ordre national des architectes ayant fait l'objet d'une plainte (déposée par une association de promoteurs immobiliers, selon une source bien informée) auprès des services d'instruction du Conseil de la concurrence. Saisi de cette plainte, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a indiqué que ces pratiques sont anticoncurrentielles et a dressé à cet effet une notification des griefs à l’Ordre national des architectes, composé du Conseil national de l’Ordre des architectes et des Conseils régionaux de l’Ordre des architectes.

Dans un communiqué, le rapporteur général souligne qu’après examen approfondi de ces décisions, de leur conformité avec les dispositions de la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence et de l’impact de leur mise en œuvre sur la concurrence dans le marché des prestations de services d’architecte, les services d’instruction du Conseil de la concurrence considèrent que ces décisions sont contraires aux dispositions de l’article 6 de la loi 104-12. Celui-ci dispose : «Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions expresses ou tacites, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit (…)».

Lire aussi : Services d’architecte : le Conseil de la Concurrence dénonce « des pratiques anticoncurrentielles »

Contrer les signatures de complaisance

Contacté par «Le Matin», l’architecte et ancien membre de l’Ordre des architectes, Ahmed Amine Boucetta, souligne que ces deux décisions «ont été prises afin de maintenir la qualité des services fournis par l'architecte au regard, en particulier, de la recrudescence de la pratique de la “signature de complaisance” qui consiste à apposer la signature d'un architecte sur des plans qu'il n'a pas conçus». Il explique que «cette pratique est attentatoire à la qualité architecturale, laquelle se trouve sérieusement en déficit, en permettant la construction de bâtiments conçus au mépris de la maîtrise de l'acte de bâtir, à la fois sensible et raisonnée, qu'on a acquise au cours de nos longues années d’études et de notre expérience en la matière, ce qui a amené l'Ordre à réagir».
Le professionnel indique que le «Contrat d’architecte» (lequel comporte le cahier des clauses générales) a été adopté par le Conseil national des architectes le 14 janvier 2001, soit bien avant la mise en place du Conseil de la concurrence (2009). Ce contrat, qui fixe effectivement un barème minimum d'honoraires pour les architectes, prévoit également, dans son article 7, quatre missions obligatoires que l'architecte doit accomplir, à savoir :
• Concevoir (ou modifier) l’œuvre architecturale.
• Établir tous documents architecturaux graphiques et écrits relatifs à la conception (ou la modification) de la construction, en particulier ceux à fournir à l’administration pour l’obtention du permis de construire, conformément à la réglementation en vigueur.
• Veiller à la conformité des études techniques (réalisées par les ingénieurs spécialisés) avec la conception architecturale.
• Suivre les travaux de construction, et en contrôler la conformité avec les plans architecturaux et les indications de l’autorisation de construire, et établir une attestation déclarant la fin des travaux et la conformité aux plans autorisés en vue d’obtenir le permis d’habiter ou le certificat de conformité.
Ce barème minimum, dit M. Boucetta, est donc subordonné à l'accomplissement de ces missions obligatoires, lesquelles devront faire l'objet d'un contrôle pour vérifier si l'architecte s'en acquitte effectivement ou s'il se contente d'apposer sa signature.

Le barème minimum en vigueur pour la commande publique

Concernant le système de quota mensuel, l'architecte souligne que l'Ordre a opté pour cette solution afin de lutter contre ce fléau de la signature de complaisance puisqu'il était confronté à des déferlantes de plans architecturaux qui peuvent atteindre des centaines par mois pour un seul signataire. Et de souligner que dans un domaine comme celui de l'architecture où les normes de sécurité, de qualité et d'esthétique sont requises, il est absolument nécessaire d'avoir un barème de prix minimum des honoraires de l'architecte, comme c'est le cas pour la commande publique où ce barème est effectivement en vigueur.

Même son de cloche auprès d’un architecte et ancien membre de l'Ordre national ayant requis l’anonymat. Celui-ci souligne que les tarifs dans le secteur de l'architecture ne peuvent être livrés aux mécanismes de l'offre et de la demande, surtout si l'on sait que les clients se tournent toujours vers le moins cher et qu'il y a des architectes disposés à apposer leur signature sur les plans d'architecture. «Après tout, c'est la sécurité et la qualité des ouvrages qui sont en jeu, et donc il ne faut pas reléguer ces critères au second plan», insiste-t-il. Et de formuler le souhait que l'Ordre national des architectes parvienne à défendre la pertinence de ses décisions et que d'autres mécanismes, plus en adéquation avec la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence, puissent être adoptés pour préserver la qualité des prestations assurées par un architecte.

Il est à noter que le rapporteur général du Conseil de la concurrence a indiqué dans son communiqué que la notification des griefs ne saurait préjuger de la décision finale du Conseil. «En effet, seuls les membres du collège du Conseil de la concurrence peuvent, après une instruction menée de façon contradictoire dans le respect des droits de défense des parties concernées et après la tenue d’une séance du Conseil, statuer sur le bien-fondé des griefs en question».

 

Lisez nos e-Papers