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Pourquoi le gouvernement a opté pour des rallonges budgétaires au lieu d'une loi de Finances rectificative

Initialement prévu à 519,2 milliards de dirhams, le Budget général de l’État pour 2022 a été rallongé à deux reprises de respectivement 16 et 12 milliards de dirhams. Deux ouvertures de crédits supplémentaires à cinq mois d’intervalle pour couvrir les dépenses de compensation, soutenir des établissements et des entreprises publics, gérer la question de la viabilité financière de la CMR et couvrir d’éventuelles dépenses urgentes et imprévues dans un contexte d’incertitude internationale. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas alors opté pour une loi de Finances rectificative ? Voici les explications d’un expert.

Pourquoi le gouvernement a opté pour des rallonges budgétaires au lieu d'une loi de Finances rectificative

A peine trois à quatre mois après son entrée en vigueur, la loi de Finances 2022 et les hypothèses ayant présidé à son élaboration (une récolte céréalière de 80 millions de quintaux, un prix moyen du gaz butane de 450 dollars la tonne, une prévision de croissance de 3,2% et un déficit budgétaire de 5,9%) ne tenaient plus. Des voix s’étaient alors élevées pour interpeller le gouvernement sur l’adoption d’une loi de Finances rectificative, mais cette option a été à chaque fois repoussée, que ce soit par le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, la ministre de l’Économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, ou le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaâ, lors de leur passage au Parlement ou en réponse aux questions des journalistes. Des experts nous avaient expliqué à l’époque que le gouvernement n’était pas dans l’obligation de déposer un projet de loi de Finances rectificative, en dépit des changements concernant les hypothèses ayant prévalu à l’élaboration de la loi de Finances 2022. Mieux encore, le gouvernement Akhannouch avait déjà prévu une coupe allant jusqu’à 15% dans le budget d’investissement pour faire face aux dépenses imprévues, ce qui lui laissait une bonne marge de manœuvre hors LF rectificative.

Une LF rectificative aurait été la bienvenue en mai ou juin

Contacté par «Le Matin», pour comprendre pourquoi le gouvernement a décidé d’ouvrir des crédits supplémentaires au lieu de passer par une LF rectificative, l’expert-comptable et consultant en gestion financière et expert, Anas Abou El Mikias, indique que «si nous voulons parler d’une manière générale, sans aborder le cas du Maroc, les ingrédients qui militent en faveur d’une loi de Finances rectificative sont là». «Si on veut se conformer aux normes de l’orthodoxie en matière de gestion des finances publiques, toute la budgétisation initiale et les hypothèses qui ont prévalu pour soutenir la loi de Finances en vigueur sont dépassées, avec les incertitudes et les crises (flambée des prix des produits pétroliers, guerre en Ukraine...). Donc, normalement, on était censé aller vers une loi de Finances rectificative. Cette dernière aurait permis de soumettre à nouveau au débat public au Parlement les nouvelles bases pour les agrégats et la rallonge», souligne notre expert. «Maintenant, je suppose que si ce n’est pas fait, c’est parce que nous sommes déjà en octobre et vous savez que, dans le calendrier budgétaire, il y aura l’ouverture du Parlement par Sa Majesté le Roi, et immédiatement après, nous sommes censés lancer la présentation officielle du projet de loi de Finances pour 2023. Mélanger les genres (loi de Finances rectificative et nouveau PLF) n’est sans doute pas approprié en ce moment et créerait plus de confusion qu’autre chose», estime M. Abou El Mikias. Et d’ajouter : «Si cette hypothèse d’une loi de Finances rectificative était de rigueur, elle aurait dû être activée et mise en œuvre en mai ou juin. Mais aujourd’hui, c’est un peu tard par rapport au calendrier budgétaire classique».

Un rééquilibrage entre les lignes budgétaires

L’autre élément qui motive le non-recours à une LF rectificative tient au rééquilibrage entre les lignes budgétaires. «Du point de vue du gouvernement et particulièrement du ministère de l’Économie et des finances, si on ne va pas vers une loi de Finances rectificative, c’est parce qu’il y a d’autres poches qui, malgré la crise ou du fait de la crise, ont bien été alimentées. Il s’agit en effet d’une sorte de vases communicants qui se sont mis en place, et là je pense à nos exportations de phosphates qui ont battu aujourd’hui tous les records, et je pense aussi que, malgré la crise des cours du pétrole, et grâce à la taxation, l’État a pu collecter beaucoup plus de taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits pétroliers que ce qui était prévu initialement et donc, quelque part, c’est un réajustement qui s’est fait entre les lignes budgétaires. Le ministère l’Économie et des finances fait donc des rallonges budgétaires parce qu’il y a des poches qui ont été mieux alimentées que l’année dernière», explique encore M. Abou El Mikias.

L’efficacité au détriment de la transparence

À la question de savoir quels sont les avantages de recourir à une LF rectificative, l’expert-comptable affirme que «celle-ci a l’avantage de répondre aux principes d’orthodoxie liés à la gestion des finances publiques». «Dans le cas d’une LF rectificative, il y a plus de transparence, de crédibilité et d’implication des citoyens par le biais des parlementaires», dit-il, faisant remarquer que «tout cela est également bien perçu par les bailleurs de fonds qui, lorsqu’ils interviennent notamment sur des appuis budgétaires, scrutent l’état de nos finances publiques sur ces aspects de crédibilité, de transparence et d’implication des citoyens». Et de conclure que «les gouvernements ont tendance à éviter cette option qui pourrait être source de turbulences à cause du retour au Parlement pour en discuter, et peut-être que tout cela mènerait à une forme d’inefficacité, étant donné que les besoins et les enjeux sont clairs. C’est donc dans un souci d’efficacité, même au détriment de la transparence, que les gouvernements préfèrent renoncer au recours aux LF rectificatives».

Les explications de Fouzi Lekjaâ

L’ouverture de ces crédits supplémentaires au cours de l’année 2022 au profit du Budget général a été dictée par les répercussions d’un contexte mouvementé, marqué par les tensions inflationnistes. C’est ce qu’a expliqué le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaâ. Intervenant, mardi, lors d’une réunion tenue par la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants, le responsable a précisé que les 12 milliards de dirhams de rallonge budgétaire décidés lors du dernier Conseil de gouvernement seront répartis comme suit : 
• 7 milliards de DH pour soutenir certains établissements et entreprises publics dont la situation financière a été impactée par la hausse des prix des matières premières sur les marchés internationaux.
• 2 milliards de DH pour faire face à la problématique de la viabilité financière de la Caisse marocaine des retraites.
• 2 milliards de DH pour régler les promotions pour environ 85.000 fonctionnaires dans le secteur de l’éducation nationale, gelées en 2020. 
• 1 milliard de DH a été alloué pour couvrir les dépenses urgentes, compte tenu de l’incertitude du contexte mondial. 
Dans son exposé devant les parlementaires, M. Lekjaâ est revenu également sur les prévisions de clôture pour l’année 2022. Le responsable s’est montré rassurant en ce qui concerne les équilibres financiers. Il a ainsi fait état d’une hausse considérable des recettes et qui se répartit comme suit : 
• +11,5 milliards de DH de recettes fiscales.
• +12 milliards de DH de recettes douanières.
• +13 milliards de DH de financements innovants qui passe de 12 à 25 milliards de DH.
Pour le haut responsable, la hausse des ressources avoisine donc les 36,5 milliards de DH, ce qui permettra de couvrir les 28 milliards de DH de rallonge budgétaire tout en réduisant le déficit budgétaire. Ce dernier passerait de 5,9% en 2021 à 5,3% en 2022. n

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