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«Chikhates», ces préservatrices d'un riche patrimoine marocain

«Chikhates», ces préservatrices d'un riche patrimoine marocain

Leurs chants sont au cœur de toutes les fêtes marocaines. Elles sont symboles de force et de liberté. Les «Chikhates», chanteuses et danseuses populaires, portent et préservent un patrimoine des plus précieux. Ces artistes à part entière reprennent des proses mélancoliques et des mélodies joyeuses riches en histoire. Leurs chansons peuvent être des leçons de vie dénonçant l’injustice et portant les valeurs de l’indépendance. Les noms de plusieurs Chikhates au Maroc sont liés à la bravoure, la solidarité, le patriotisme, la rébellion… comme Kharboucha.

Qui est la Chikha ?
Selon Hassan Najmi, chercheur en patrimoine oral marocain, les Chikhates sont des artistes populaires qui font la Aïta. Ce nom concerne aussi les chanteuses du Moyen Atlas alors que celles de la région du Souss sont appelées des Raïssates. La définition de Chikha diffère de l’arabe classique à l’arabe dialectal, mais ce terme signifie certainement le mot leader, un sens que plusieurs Chikhates marocaines portent dignement. «Ce sont des créatrices de joie», précise Najmi, auteur de «Ghinaa Al-aïta, poésie orale et musique traditionnelle au Maroc». Et de confirmer que le métier de Chikha a une histoire liée à la Aïta depuis le douzième siècle. Cet art ancestral a commencé sous le règne des Almohades depuis l’ère du premier calife Abdelmoumen ben Ali Agoumi grâce notamment aux tribus arabes Bani Hilal et Bani Souleim».
Pour Brahim El Mezned, acteur culturel et coordinateur de l’anthologie «Chikhates et Chioukhs de l’Aïta», «la Chikha est une passionnée d’un art ancestral qui le pratique. Elle a un rôle social : donner du bonheur à nos moments importants dans la vie». «La Chikha ne venait pas seulement pour chanter. Elle avait un rôle social et éducatif. Elle transmettait de famille en famille et de région en région un savoir-faire culinaire et de mode», ajoute Hassan Najmi.

Les secrets d’une musique unique
La Aïta est un moyen de transmission de messages et d’histoires. La Cheikha trouve sa force dans cette musique qui lui permet de traiter différents sujets parfois même jusqu’à transgresser les normes sociales. Elle chante la passion, le désir, la trahison, la tristesse, mais aussi la miséricorde, l’amour de Dieu et de la religion. Selon Hassan Najmi, plusieurs dimensions sont à prendre en considération dans l’art de la Aïta. Il s’agit d’abord d’une poésie orale anonyme. Son auteur qui est généralement le compositeur est inconnu. Le rythme de la Aïta est basé principalement sur les sons de la petite «taarija». Cet art, qui a survécu grâce aux passionnés et mécènes, est lié à différents lieux de présentation notamment les grands événements familiaux, les moussems ou les fêtes privées organisées par des hommes riches et de pouvoir. Le pacha Thami El Glaoui avait trois sœurs appelées «Sardinate» qui chantaient pour lui. Elles étaient connues pour leur science du Marsaoui. «La Aïta a survécu grâce aux mécènes. Les secrets de cet art sont transmis de génération en génération. La Chikha mâalema (taba3a) forme les nouvelles durant plusieurs séances», explique Hassan Najmi. Ce chercheur rappelle que «la Chikha qui n’avait pas fait d’études avait le don d’improviser de la poésie. Son expérience musicale et poétique lui permettait d’apprendre un large répertoire de poésies de sa région avant de passer à d’autres répertoires. Ceci nécessitait plusieurs années de travail et d’expérience».

La Aïta, un art ancestral à préserver
En guise de reconnaissance, plusieurs chercheurs, livres, programmes et travaux de documentation sont consacrés à l’art de la Aïta. Parmi les références dans ce domaine, l’étude de Hassan Najmi, intitulée «Ghinaa al aïta, poésie orale et musique traditionnelle au Maroc» (essai en langue arabe, publié en deux tomes) ainsi que l’anthologie «Chikhates et Chioukhs de la Aïta», réalisée, en 2017, par l’association marocaine «Atlas Azawan», sous la direction de Brahim El Mazned (fondateur de Visa For Music). «C’est un hommage que nous avons voulu rendre à des personnes passionnées par l’art et à un patrimoine représentant une partie de notre mémoire collective», affirme El Mazned. Et d’ajouter qu’on doit respecter les Chikhates afin d’encourager les jeunes filles à pratiquer cet art et préserver ce patrimoine. Dans ce cadre, Brahim El Mezned insiste sur le rôle des médias et de l’éducation afin d’encourager les Marocains à connaître leur patrimoine et le protéger. Pour Hassan Najmi, il y a plus de 50 genres musicaux au Maroc. Les Chikhates représentent l’un d’entre eux. Ce sont des artistes féminines comme celles qui chantent la musique andalouse, sahraouie ou autre.

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Les types de Aïta

• Aïta hasbaouia (ou abdia) : elle fait référence à la Aïta de la région de Abda dans les environs de Safi.
• Aïta marsaouia : Elle est connue pour la simplicité de ses
chants et la fluidité de sa musique.
• Aïta mellalia : son nom est tiré du village de Béni Mellal et non la ville. Elle est réputée pour ses chants aigus et les quelques mots «berbères» qu’on peut retrouver dans ses textes.
• Aïta haouzia : répandue dans Ahouaz Marrakech, la région de Hmer et Kalâa des Sraghna. Elle se différencie des autres par une danse d’hommes et des voix masculines avec un jeu de «Kamanja» (violon) grinçant.
• Aïta jabliya : regroupe la Jahjouka et la Taktouka, des styles musicaux du Nord du Maroc. Son rythme est dansant et joyeux et des sonorités andalouses et méditerranéennes y sont palpables.
• Aïta chiadmia : commune aux régions des tribus de Chiadma, Abda, Haha, Hmer et El Haouz.
• Aïta gherbaouia : que l’on retrouve au nord de Rabat, vers Salé, Kénitra et Sidi Kacem. L’une des troupes les plus connues : Aabidat Rma.
• Aïta zeâria : en rapport avec la tribu des Zaers. Son icône est Zahra El Hamidi, plus connue sous le nom de Cheikha Kharbouaa.
• Aïta filalia (ou Beldi) : elle a été créée par des musiciens issus de la région d’Errachidia.

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