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Cigarette électronique : un effet de mode à haut risque pour les adolescents

Les jeunes qui expérimentent habituellement la cigarette électronique sont plus susceptibles de se mettre au tabac , avertissent les experts contactés par «Le Matin». Face à une tendance accrue chez les jeunes, et notamment les lycées, à utiliser la e-cigarette, médecins, parents, société civile appellent à multiplier les actions de communication et de sensibilisation sur les effets néfastes de ce phénomène. La mise en place d'une stratégie concertée et transversale pour limiter les dangers inhérents au vapotage est fortement recommandée.

Cigarette électronique : un effet de mode à haut risque pour les adolescents
Les effets de l’e-cigarette sur le développement, notamment le développement cérébral des moins de 25 ans sont réelles et néfastes. Ph. DR

De plus en plus de parents s'inquiètent de voir la tendance de la e-cigarette s'installer dans les lycées et universités. L’utilisation de l'e-cigarette et d'autres produits semblables, qui ont conquis l’univers des adolescents, inquiètent sérieusement les acteurs concernés, étant donné que leurs répercussions sur la vie estudiantine et surtout la santé de cette jeune population encore en développement sont sérieuses. À commencer par l'Organistion mondiale de la santé (OMS) qui déconseille formellement l’usage de la cigarette électronique pour ses effets indésirables et nocifs liés au développement cérébral de cette tranche d’âge. Une position qu'a confortée Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, qui rappelle que les conséquences de l’e-cigarette sur le développement, notamment le celui cérébral des moins de 25 ans, sont réelles et sérieuses. «Si chez les adultes, les effets de la cigarette électronique sont néfastes d’une manière proportionnelle, chez les enfants en cours de croissance, cette pratique aurait un effet exponentiel sur leur santé», explique-t-il.

L'impact de la cigarette électronique sur les systèmes respiratoires et cardiovasculaires a également été soulevé par notre interlocuteur. «La e-cigarette peut contenir de la nicotine ou d’autres produits nocifs pour la santé qui peuvent altérer les systèmes respiratoire ou cardiovasculaire des vapoteurs», alerte-t-il, estimant que cette manière de fumer est en mesure d’encourager les enfants et/ou adolescents de devenir des fumeurs classiques ou réguliers.

Pourtant, les vidéos, sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook, Tik Tok...), faisant la promotion de ces produits et tous ses accessoires se répandent comme une traînée de poudre. «Plus faciles à manier», «Nos produits sont à la portée de tous les consommateurs», «Profitez d'une sélection de cigarettes électroniques et des e-liquides pas chers», «Les bonnes affaires de la cigarette électronique sont là !», les fabricants ne lésinent pas sur les moyens pour séduire la jeune clientèle et proposent un large choix d’offres adaptées à chaque bourse. «À la différence des cigarettes classiques, le prix de la cigarette vapoteuse est abordable et varie selon les préférences de tout un chacun. Bien entendu, le prix change, également, en fonction de la marque. En moyenne, il faut débourser à peu près 190 DH pour vapoter», témoigne un commerçant.

Pourquoi cet engouement pour la vape chez les ados ?
Contacté par «Le Matin», Hajar Chafik, coach personnel certifiée, énumère quelques motifs qui expliquent la recrudescence de ce phénomène en milieu des jeunes. «L'engouement pour la cigarette électronique chez les ados trouve ses fondements dans les caractéristiques intrinsèques de celles-ci, étant à base d'accessoires de vapotage facilement maniables et très attrayants pour les consommateurs mêlés à un dispositif opérationnel permettant de fumer en mode “high-tech” comparativement à d'autres modes existants, notamment la cigarette classique». Ajoutons à cela, leur prix d'achat très abordable, pratiquement un paquet de cigarettes classique est deux fois plus cher qu’une cartouche de nicotine.

Par ailleurs, avertit la consultante éducative pour adolescents : «la prééminence de la perception chez les jeunes que le vapotage est nettement moins nuisible pour leur santé par rapport au mode classique laisse la porte grande ouverte à toutes sortes de comparaisons stupides et pousse tout le monde à pédaler comme des fous dans la direction de la dépendance, voire l'addiction». Ce qui laisse à penser, bien évidemment, que l'usage de la cigarette électronique pourrait facilement mettre les ados sur le chemin de la dépendance.

«En effet, la disponibilité à outrance de ce type de cigarettes conjuguée à l'emploi aussi bien facile que discret par rapport à la cigarette classique constitue à mon sens des paramètres encourageant les jeunes à s'acharner pour y accéder sans contraintes majeures dans un monde où se mêlent des goûts multiformes et des désirs éphémères. Cependant, la recherche des ados à pérenniser ses désirs éclairs les pousse inéluctablement à augmenter davantage la fréquence de consommation de ses cigarettes avec pour corollaire l'installation dans une zone d'équilibre instable où le risque de la dépendance, voire d'addiction est le plus élevé», met en garde Mme Chafiq.

L’experte en accompagnement personnel revient, par ailleurs, sur les éléments majeurs qui expliquent l'addiction à ce type de cigarettes chez l'adolescent. «La consommation de cette cigarette a pour effet immédiat de modifier les perceptions, l'humeur et le comportement. Ces effets varient selon les quantités, la fréquence et la durée de consommation. En d’autres termes, l'addiction à la cigarette électronique répond à des attentes et des recherches de satisfaction tels que la découverte de la notion du plaisir, l'entrée dans les cadres sociaux par exemple, l’imitation et le renforcement d'identité et le soulagement de tensions et de souffrances interne pour bien et mieux-être», précise-t-elle.

Concrètement quelle méthode d'accompagnement ?
Pour protéger les ados en situation de dépendance, il existe différentes mesures d’accompagnement à condition de savoir évaluer le niveau de dépendance atteint. «En tant que coach, mon action serait plus efficace dans le stade embryonnaire de développement de la dépendance puisque dans cette phase les personnes concernées auront besoin d'un encadrement de proximité et de renforcement et se conformeront facilement au conseil émie pour les aider à se défaire de cette pratique. Par ailleurs, la phase de la grande dépendance imposerait une prise en charge par un psychologue voire un psychiatre pour les cas extrêmes. C'est pourquoi mieux vaut prévenir que guérir !»
Toujours selon notre interlocutrice, la meilleure façon pour limiter les dangers inhérents au vapotage serait de mettre en place une stratégie concertée et transversale impliquant tous les intervenants et acteurs de la scène publique en plaçant la famille au centre de toutes les initiatives.

«En effet, les pouvoirs publics doivent tout d'abord promulguer des lois limitant l'accès des adolescents à ce type de cigarettes et surtout initier des campagnes de sensibilisation et de communication visant à vulgariser leurs effets néfastes sur la santé individuelle et collective des consommateurs en impliquant davantage les réseaux associatifs et les médias». Enfin, recommande l’experte, il est impératif de renforcer la résilience des adolescents face à cette pratique. «Promouvoir au sein des familles une culture de partage d'information de discussion sur n'importe quel sujet y compris la consommation des cigarettes électroniques ; sensibiliser les enfants depuis leur plus bas âge sur les dangers encourus lorsqu'on s'approche de cette pratique ; se renseigner et se mettre à jour par rapport au sujet des addictions et de la dépendance», préconise Mme Chafik.

Joint par «Le Matin», El Hassan El Baghdadi, président de l’Association nationale de Lutte contre le tabagisme et drogue domiciliée à Meknès, pointe pour sa part «les objectifs déclarés» ainsi que «les arguments présentés» en faveur de la e-cigarette. «Les discours véhiculés par les producteurs de ce nouveau produit (e-cigarette), prétendant à permettre aux fumeurs d’abandonner progressivement la dépendance au tabac, sont plutôt qualifiés de poissons d’avril qu’une aide à un réel sevrage tabagique», explique-t-il.

Pour lui, l’initiation au tabagisme est associée à différents facteurs notamment la curiosité. «Tout produit nouveau fait toujours susciter la curiosité du consommateur marocain notamment chez les jeunes et fait l’objet de tentative d’expérimentation du nouveau venu. C’est une nouvelle gamme qui aura certes ses victimes et pèsera malheureusement lourd sur nos efforts de lutte contre le tabagisme».
En tant que président d’une association civile et citoyenne, El Baghdadi plaide pour la multiplication des campagnes de sensibilisation, et ce «dans la perspective d’augmenter le seuil de prise de conscience chez tous les citoyens et notamment nos jeunes, par ces astuces de ventes d’un produit pour lequel tout le monde est au courant de ses ravages à court, à moyen et à long terme».

Et de souligner que les écoliers sont au cœur des préoccupations de l’association qui ne ménage aucun effort pour apporter sa pierre à l'édifice en multipliant les campagnes de sensibilisation, notamment auprès des jeunes quel que soient leur lieu d'habitation et leur catégorie sociale. La meilleure solution pour remédier à cette problématique, selon El Baghdadi, serait : «le renforcement de l’approche participative à travers la multiplication des partenariats entre les différents intervenants et acteurs de la scène publique ; la promotion d’une prise de conscience effective et en particulier chez les enfants, leurs parents et les pouvoirs publics pour sensibiliser contre les méfaits et les conséquences néfastes causés par la consommation de tabac et des drogues s’impose». Une vision prônée par l’association et qui n’est pas conditionnée par la seule journée du 31 mai. Elle fait l’objet d’une dynamique instaurée par l’association à partir d’une stratégie globale visant un travail continu au fil des journées de l’année. «J’appelle l’ensemble des Marocains à adhérer aux efforts de notre association qui leur appartient aussi», conclut le militant associatif.

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