Les avis que nous avons pu recueillir sont pour le moins opposés, chaque scientifique y va avec son argumentaire. Pour Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, «même si une personne a fait la covid après avoir reçu deux doses de vaccin, la dose de rappel s’impose. Au Maroc, une infection ne doit, en aucun cas, se substituer à une dose de vaccin, et c'est la même stratégie vaccinale adoptée dans la majorité des pays au monde comme les États-Unis, le Royaume-Uni… D’ailleurs, rares sont les pays qui considéraient qu’une infection est en mesure de compléter le schéma vaccinal d’une personne. Dans la majorité des États, une infection ne correspond pas à une dose de vaccin». Et d’expliquer : «Quand on donne une dose de vaccin, on sait d’avance la quantité d’antigènes ainsi que le degré de l’immunité dispensés. Et du coup, on sait à quoi on s’attend. Ce qui n’est pas le cas pour une infection. Autrement dit, si certaines personnes contaminées ont reçu une grande quantité d’antigènes et ont pu développer une immunité forte, d’autres n’ont pas cette capacité». Dr Hamdi a tenu, par ailleurs, à rappeler que le rôle des vaccins n’est pas de remplacer l’immunité naturelle mais de la stimuler. «Scientifiquement parlant, l’immunité post-vaccination est plus forte et plus durable que celle qui se développe après la maladie. Lorsqu’une personne est complètement vaccinée, elle développe une solide protection par rapport à une personne atteinte de la Covid-19. Face à Omicron par exemple, les personnes anciennement infectées ont un risque 5 fois plus de se réinfecter par rapport aux personnes vaccinées», assure-t-il. On retient de son analyse qu’une couverture vaccinale complète est la meilleure arme pour se prémunir contre la maladie. «L’immunité post-vaccination est non seulement forte et durable, mais elle protège contre les formes graves et le risque de décès».
Pour Pr Jaafar Heikel, épidémiologiste, «les différentes études scientifiques particulièrement les études épidémiologiques sur le terrain ont montré que l’immunité post-infection est une immunité solide, car elle mobilise non seulement un certain nombre d’anticorps, mais également les lymphocytes B à mémoires et les lymphocytes T qui vont jouer un rôle dans l’immunité et la protection à moyen et à long termes». Ce spécialiste en maladies infectieuses suppose même que cette immunité post-infection procure une protection pendant de nombreux mois, voire quelques années, selon certains auteurs. Toutefois, l’intérêt de la vaccination n’est plus à démonter. «Oui la vaccination nous protège puisqu’elle crée des anticorps neutralisants qui vont permettre une protection de quelques mois, en moyenne 6 mois. Raison pour laquelle on a proposé de rebooster le système au bout du 4e mois, parce que les anticorps commençaient à diminuer, particulièrement à l’ère des nouveaux variants qui étaient un peu plus résistants aux vaccins qui avaient été conçus pour la souche classique et pour Alpha», précise-t-il. Aujourd’hui, ce qu’il faut retenir, selon lui, «c’est qu’une personne qui a été vaccinée et a fait une infection, c’est comme si elle avait reçu deux doses et une autre personne qui a reçu deux doses et ensuite une infection, c’est comme si elle avait reçu 3 doses ». Pour résumer ses propos : «L’immunité post-infection et l’immunité post-vaccinale sont équivalentes». Pr Heikel est allé plus loin dans son explication en disant que certains auteurs pensent même que l’immunité post-infectieuse serait supérieure.
Vaccins ou infection, c’est exactement la même stratégie en matière de protection immunitaire et en matière de durabilité de cette protection. Pour être plus clair, Pr Heikel ajoute que «quelqu’un qui a eu deux doses de vaccins et qui a fait un covid, c’est comme s’il avait reçu son “booster”». Toujours d’après notre interlocuteur, «cette personne devait avoir son pass vaccinal parce qu’elle serait protégée. C’est ce que dit la science aujourd’hui. Peut-être dans le futur, nous aurons d’autres données encore plus complètes sur le plan épidémiologique et sur le plan de santé publique».