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Escroquerie dans une clinique privée : le débat sur la réglementation des appels à la générosité publique refait surface

La tradition d'entraide et de solidarité est enracinée chez les Marocains. Dans les crises et dans les situations difficiles, les gens adhèrent massivement aux campagnes de collecte de dons. Profitant de cette disposition à aider, des escrocs ont fait de la collecte des dons leur spécialité. L’interpellation d’un célèbre médecin à Casablanca pour la constitution d’une bande criminelle visant à collecter des sommes d’argent auprès de bienfaiteurs, sous couvert de s’acquitter de frais d’hospitalisation de patients démunis, a relancé le débat autour de l’arsenal juridique encadrant l'organisation des appels à la générosité publique et la distribution d'aides à des fins caritatives.

Escroquerie dans une clinique privée : le débat sur la réglementation des appels à la générosité publique refait surface

La générosité est l’un des traits qui caractérisent les Marocains. Solidaires et très mobilisés quand il s’agit d’aider les plus démunis, ils répondent favorablement aux appels aux dons. Profitant de cette tradition enracinée chez les Marocains, des escrocs ont fait de la collecte des dons une nouvelle source d’enrichissement illicite. En ce début du mois sacré du Ramadan, un nouveau scandale est venu éclabousser les opérations d’appel aux dons. Le 3 avril, un communiqué de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a annoncé que la Brigade nationale de la police judiciaire a déféré, devant le parquet compétent près la Cour d'appel de Casablanca, 8 individus, dont une femme et le propriétaire d’une clinique privée, pour leur implication présumée dans une affaire d’escroquerie et de faux et usage de faux en lien avec des factures de soins médicaux. «L'enquête a révélé l'implication des mis en cause dans la constitution d'une bande criminelle visant à collecter des sommes d'argent auprès de bienfaiteurs sous couvert de s'acquitter des frais d'hospitalisation de patients démunis, soignés dans la clinique où exercent la majorité des suspects qui gonflaient frauduleusement les factures afin de soutirer d'importantes sommes d'argent», souligne le communiqué.

Le propriétaire de la clinique privée en question est l’un des plus célèbres médecins du Maroc et il s’est même forgé la réputation de «chirurgien des pauvres». Plusieurs victimes d’agressions lui lançaient des appels sur les réseaux sociaux pour profiter de son expérience et de sa bienfaisance. Il n’hésitait pas à répondre favorablement aux demandes tout en faisant assister les médias à ses opérations de bienfaisance largement relayées sur les réseaux sociaux. Dans cette affaire, les recherches et investigations intensives menées par les services de la Sûreté nationale ont permis l'interpellation de la principale prévenue, qui nouait contact avec les supposés patients et les prenaient en photos sous prétexte de leur venir en aide, avant de se servir de ces photos pour amasser d'importants dons, justifiés moyennant des factures falsifiées et de faux rapports et bilans médicaux, en complicité avec ses acolytes. Le scandale a éclaté alors que les Marocains ont encore en mémoire les tentatives d’escroquerie ayant accompagné le triste accident de petit Rayan, décédé suite à sa chute dans un puits dans la province de Chefchaouen en février dernier.

Faisant état d'une série de tentatives détectées sur les réseaux sociaux prétextant la collecte de dons pour la famille du petit, la province de Chefchaouen avait publié un communiqué rappelant les dispositions juridiques organisant l’opération de collecte des dons. «Tout un chacun est appelé à respecter les textes juridiques et à signaler aux autorités compétentes les pratiques contraires à la loi en la matière, lesquelles portent atteinte aux traditions authentiques du peuple marocain dans le domaine de la solidarité», avait souligné la province.

Le communiqué rappelle que les processus et procédures d'appel à la générosité publique, ainsi que les diverses initiatives visant à collecter des dons et à fournir des aides, sont régis et réglementés par les dispositions légales nationales, et ce en vue de protéger les catégories qui pourraient être affectées par ces pratiques, y compris la famille de feu Rayan, dans ce cas, conformément à l’article premier de la loi relative à l'organisation des appels à la générosité publique. Dans ce contexte, ajoute la même source, la famille de feu Rayan, consciente de tels agissements, refuse l’instrumentalisation, par certains, de ses conditions humanitaires, sous prétexte de lui fournir des aides en cette douloureuse circonstance.

Ce qu’en dit la loi !

À ce jour, c’est la loi N°004-71, datant de 1971, qui régit ces opérations. Le texte stipule clairement qu'il ne peut être organisé, effectué ni annoncé d'appel à la générosité publique sur la voie et dans les lieux publics ou chez les particuliers par quelque personne et sous quelque forme que ce soit, sans autorisation du secrétaire général du gouvernement. Le même texte précise que «par appel à la générosité publique, il faut entendre toute sollicitation adressée au public en vue d'obtenir au profit total ou partiel d'une œuvre, d'un groupement ou de tiers bénéficiaires, des fonds, des objets ou produits, par un moyen quelconque (notamment quête, collecte, souscription, vente d'insignes, fête, bal, kermesse, spectacle, audition) indépendamment des loteries qui sont régies par des textes qui leur sont propres». En 2018, le gouvernement a entrepris une action pour moderniser l’arsenal juridique régissant cette opération.

Adoptant, en Conseil de gouvernement, le projet de loi N°18.18 relatif à l'organisation des appels à la générosité publique et la distribution d'aides à des fins caritatives, l’Exécutif a fixé les modalités d’organisation de ces opérations, et ce afin de contrôler le cadre régissant les opérations de bienfaisance et combler le vide juridique relatif à la tradition d'entraide et de solidarité enracinée chez les Marocains, particulièrement en ce qui concerne le manque juridique en matière de collecte de dons et de distribution des aides et leur contribution au développement. Porte-parole du gouvernement à l’époque, Mustapha El Khalfi avait souligné que le cadre en question n'est pas au diapason des développements technologiques et accuse un manque en ce qui a trait notamment aux règles de gouvernance, de transparence et de respect de la loi. Parmi les conditions fixées par ce projet de loi, on trouve notamment l'obligation de déposer les sommes d'argent collectées à travers les dons dans des comptes bancaires, de soumettre la partie organisatrice de l'opération de collecte de dons à l'obligation de communiquer à l'administration d'un rapport détaillé autour de l'action organisée et de déclarer, à l'avance, toutes les opérations de distribution d'aides à des fins caritatives au gouverneur de la préfecture ou de la province au sein de laquelle la distribution est prévue.

Le projet interdit également les appels à la générosité publique à des fins commerciales, de propagande, publicitaires, électorales ou pour la promotion de marchandises ou de services. Le projet interdit également les appels à la générosité publique dans l'objectif de payer des amendes, des dépenses, des indemnités à propos desquelles des décisions judiciaires ont été émises, ou encore pour le paiement de crédit. Toutefois, si cette loi stipule de soumettre l'ensemble des opérations de collecte de dons auprès du public à ses dispositions, elle exclue les opérations de collecte de dons suivant les méthodes traditionnelles et coutumières. En mai 2021, Noureddine Boutayeb, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur à l’époque, avait affirmé devant le Parlement que «les opérations de générosité publique seront bientôt régies par un nouveau cadre réglementaire, visant à consolider une culture de solidarité et à assurer les nobles objectifs de ces opérations, évitant toute exploitation à des fins politiques».

 

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