Le Maroc s’est inscrit dans une stratégie de transformation digitale depuis plusieurs années et le secteur de la santé n’y échappe pas. On parle, en effet, de plus en plus de santé numérique ces derniers temps. Une première application de télémédecine «Voiladoc» a été autorisée la semaine dernière par la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). Il est désormais possible aux patients qui le souhaitent de téléconsulter un médecin immédiatement, de réserver un appel pour plus tard, ou prendre un rendez-vous en présentiel chez le médecin de son choix.
Le Centre antipoison et pharmacovigilance du Maroc (CAPM) a également développé une interface de déclaration en ligne des effets indésirables des médicaments qui est opérationnelle depuis mardi dernier. Cette interface permettra non seulement d’enregistrer ces données, mais aussi de les valider et les transmettre à la base de données internationale. Il s’agit des premiers pas du pays vers une digitalisation générale des systèmes de santé.
D’après les experts, il s’agit d’une étape primordiale pour atteindre l’objectif de la santé numérique. «La digitalisation des systèmes de santé est une branche importante de la santé numérique. Le Maroc avance doucement, mais sûrement vers une digitalisation de ses systèmes de santé.
Lors de notre dernière réunion avec le ministre de la Santé, celui-ci nous a informés qu’une grande partie des logiciels pour la digitalisation des données au niveau des hôpitaux est prête. Mais cela n’est pas uniquement une question de moyens. Il faut aussi travailler sur les mentalités qui ont besoin de changer. Elles doivent s’adapter à cette transformation et avoir plus de transparence», déclare Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en systèmes et politiques de santé. Ce dernier rappelle également que la digitalisation des systèmes de santé consiste à numériser les dossiers médicaux personnels, les partager et les échanger avec les différents acteurs de la santé, d’où son utilité et son importance.
«Cela permettra principalement de faciliter la veille médicale et d’améliorer la qualité des soins, notamment en cas d’urgences où les données des patients seront facilement et rapidement consultables sur l’historique des plateformes digitales. Cela facilitera aussi l’échange et l’entraide entre professionnels de la santé pour offrir au patient une meilleure prise en charge», explique le médecin. Et d’ajouter qu’«un système de santé digitalisé permettra de gérer les stocks de médicaments, les équipements et les ressources humaines de façon plus efficiente et rationnalisée. Ces actions auront un impact très positif sur le financement des soins. Elles permettent de gagner en ressources humaines, en équipements, en médicaments… la digitalisation nous évitera de perdre du temps inutilement que ce soit pour le diagnostic, la prescription du traitement, le suivi des patients...»
En plus de la vie privée, le secret médicalPour réussir une bonne transformation digitale des systèmes de santé, Dr Hamdi assure qu’il faudra tout d’abord instaurer des lois pour la protection des données personnelles. «Ce volet est très important en matière de digitalisation et encore plus quand il s’agit de la santé, car en plus de la vie privée, il y a le secret médical. Les professionnels de santé ont besoin d’être sûrs que la saisie de leurs données est sécurisée. En plus des lois, il faut déployer des infrastructures et des autorités pour veiller», estime-t-il.L’expert affirme, en outre, que la transformation digitale des systèmes de santé est essentielle pour réformer le système de santé national, mais aussi pour la généralisation de l’assurance maladie.
«Le Maroc s’est engagé depuis quelques années dans la digitalisation de ses systèmes de santé conformément aux directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a fixé 2030 comme date butoir pour la généralisation de la santé numérique dans le monde. Cela jouera un rôle important dans la généralisation de l’assurance maladie. En effet, le traitement des dossiers en ligne permettra de maîtriser les dépenses et même d’améliorer la qualité des soins. Il s’agit d’un moyen innovant pour le financement de ce grand chantier national. C’est une grande nécessité pour accélérer la généralisation de la couverture médicale et atteindre nos objectifs d’une manière plus aisée», assure Dr Hamdi.
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Vers une médecine 4PLes experts prédisent que la médecine d’avenir sera une médecine qui sera basée sur les 4 P : médecine préventive, prédictive, personnalisée et participative. «Ce type de médecine permettra une prise en charge globale et ciblée qui fait participer le patient à son traitement. Pour arriver à faire cette transition vers la médecine d’avenir, la digitalisation est une condition inéluctable. On ne peut y arriver sans avoir une banque de données avec des parcours de santé personnels et de famille qui permettront aux professionnels de santé de tirer les conclusions nécessaires», souligne Dr Hamdi.