Menu
Search
Jeudi 18 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 18 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Société

Drogue chez les jeunes : les écoles alertent, les parents s’inquiètent et les dealers se réinventent

Dans une lettre adressée aux parents, le proviseur du Lycée Lyautey de Casablanca alertait il y a quelques jours sur des «cas d'intoxication liée à des substances psychotropes gravement toxiques aux abords immédiats de nos établissements sous forme de cigarettes électroniques ou capsules». Cette mise en garde vient attirer l’attention sur un phénomène qui commence à prendre des proportions inquiétantes, celui de la consommation de drogue en milieu scolaire. Des spécialistes contactés par «Le Matin» expliquent pourquoi et comment y faire face.

Drogue chez les jeunes : les écoles alertent, les parents s’inquiètent et les dealers se réinventent

Le phénomène commence à prendre de l’ampleur, au point d’alarmer les responsables éducatifs. La consommation de drogue en milieu scolaire a tendance à progresser et intéresse un public de plus en plus jeune. La lettre adressée il y a quelques jours par le proviseur du Lycée Lyautey de Casablanca, invitant les parents à sensibiliser leurs enfants et à les mettre en garde contre les méfaits de ces substances toxiques, montre qu’il y a péril en la demeure. «Des cas d'intoxication liée à des substances psychotropes gravement toxiques aux abords immédiats de nos établissements sous forme de cigarettes électroniques ou capsules», s’alarme le proviseur. Donc s’il y a une chose qui devrait inquiéter les patents, c’est bien de voir leurs enfants sombrer dans la dépendance. D’autant que les nouvelles drogues peuvent avoir des effets néfastes et parfois irréversibles sur leur développement mental.

C’est ce qui explique d’ailleurs le comportement de certains parents qui cherchent, coûte que coûte, à contrôler le quotidien de leurs enfants : ils se rendent assez souvent à l’établissement scolaire, se renseignent sur les amis de leurs enfants et n’hésitent pas à les observer de loin s’ils sentent n’importe quel changement. Mais il faut reconnaitre que si ces techniques ont donné leurs fruits pour les générations précédentes, elles sont moins efficaces aujourd’hui pour deux grandes raisons. D’une part, les jeunes sont devenus plus exigeants et réclament leur droit à la liberté et, d’autre part, les dealers ont radicalement modifié leurs méthodes de vente des drogues en optant pour des techniques qui pourraient échapper au contrôle parental.

C’est ce qui a poussé certains établissements, comme le Lycée Lyautey, à envoyer des lettres aux parents les alertant de la gravité de la situation, d'autant plus que les drogues sont de plus en plus vendues aux abords immédiats des établissements. «Les dealers évitent de les vendre au sein des établissements par peur du contrôle du corps administratif qui est devenu exigeant», confie une source au «Matin». Et d’ajouter que ces drogues sont vendues, soit par des étudiants qui s’approvisionnent auprès de leurs sources, soit par des personnes qui n’attirent pas l’attention. «Un homme à barbe blanche et ayant des traits quelque peu innocents dans son regard pourrait bel et bien être le dealer. Et ni l’établissement, ni les parents ne pourraient le reconnaître», souligne note source. Elle précise, en revanche, que les jeunes le reconnaissent et lui attribuent le qualificatif de Papa Noël. Incroyable mais vrai ! D’après notre source, les dealers optent de plus en plus pour des cigarettes électriques et des capsules métalliques grises qu’on trouve aux abords des établissements.

Interpellé à ce sujet, Dr Mohamed Hachem Tyal, psychiatre et psychanalyste, confirme que le phénomène prend de l’ampleur et qu’il faut le combattre autant que faire se peut, sans rentrer beaucoup dans le détail. «Les jeunes s’approvisionnent au niveau de l’entourage immédiat de l’école. C’est une réalité qu’on ne peut pas négliger et à laquelle il faut s’attaquer sérieusement», note-t-il. Et de rappeler que les jeunes ont une vulnérabilité particulière liée justement à leur âge. Une précision d’importance : «La drogue, quelle que soit sa nature, reste dangereuse pour les jeunes», tient à souligner Dr Tyal, allusion faite à ceux qui estiment que certaines drogues sont moins dangereuses que d’autres. «Il faut arrêter de penser que l’usage du tétrahydrocannabinol est une drogue qui n’est pas dangereuse parce qu’elle est à base d’une plante. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que le pavot, dont on extrait l'héroïne, c’est aussi une plante», explique-t-il. Et d’ajouter que le tétrahydrocannabinol est extrêmement dangereux, puisqu’il attaque les capacités cognitives, voire l’intelligence de l’individu. Il convient de souligner, à ce titre, que parmi les drogues les plus vendues aux abords des établissements scolaires figure ce qu'on appelle le protoxyde d'azote. Utilisé habituellement en anesthésie, chirurgie et odontologie comme adjuvant, ce gaz incolore est vendu aux jeunes dans des capsules métalliques grises. Les effets qu’il provoque sont très rapides : sensation d’euphorie, hilarité, fou rire incontrôlable ou encore état onirique. Quelques mois après le début de consommation, des effets comme les troubles de la marche ont été observés chez des jeunes dans plusieurs pays.

Il faut agir à plusieurs niveaux…

Si les techniques de vente des dealers ont évolué, cela devrait aussi être le cas pour les moyens de contrôle. Les autorités relevant de la Direction générale de Sûreté nationale (DGSN) fournissent des efforts dans ce sens. Pour Dr Tyal, ces efforts doivent être menés en concertation avec les parents et les établissements scolaires. Il insiste aussi sur l’importance de la sensibilisation et de l’instauration d’une cellule d’écoute des jeunes pour leur permettre de s’exprimer. Un point de vue partagé aussi par Dr Houria Rhoulam, psychiatre, pédopsychiatre et spécialiste en neurosciences. Elle estime qu’il faut agir à plusieurs niveaux : «Dans les écoles, il faut passer par la sensibilisation via l’information sur les risques et les conséquences, mettre à disposition des cellules d’écoute pour détecter tout éventuel changement ou prédisposition et offrir une aide si nécessaire», recommande-t-elle. Les parents, ajoute l’experte, doivent faire en sorte que le milieu familial soit aussi équilibré que possible, informer et sensibiliser, bien encadrer les enfants dans un climat de confiance et surtout surveiller la fréquentation. «Si l’enfant est déjà un consommateur, il faut l’aider à un bon sevrage en baissant la consommation jusqu’à l’arrêter, en opérant un changement dans le rythme de vie et l’introduction de nouvelles habitudes et surtout en l’aidant à développer ses passions et à instaurer une bonne hygiène de vie», conseille-t-elle aux parents. Pour Dr Rhoulam, l’avis d’un spécialiste pour un accompagnement ou une prise en charge spécialisée est toujours envisageable en cas d’échec des techniques précédentes. Par ailleurs, il convient de souligner que la guerre contre ce phénomène est très difficile à mener par les parents et que l’instauration d’une relation de confiance avec l’enfant dès son jeune âge reste une arme cruciale pouvant tout changer.

Lisez nos e-Papers