Considérée comme un levier stratégique du nouveau modèle de développement, la digitalisation est, aujourd’hui, un grand pari pour la réforme éducative, selon Chakib Benmoussa, ministre de l’Éducation nationale, du préscolaire et des sports. En effet, dans un monde de plus en plus interactif où le digital est présent partout, il est indispensable aujourd’hui de remettre à jour les anciennes méthodes d’enseignement. Cette transformation, qui a commencé en 2006 avec le lancement du programme «GENIE» par le ministère de l’Éducation nationale, a été accélérée ces deux dernières années suite à la crise sanitaire de la Covid-19.
«L’introduction des Technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’enseignement national à travers le programme “GENIE”, puis leur intégration progressive pour accompagner les programmes scolaires nationaux, représentent deux étapes importantes dans la mise en œuvre de la réforme du secteur de l’éducation», déclare au «Matin» Iham Laaziz, directrice du projet «GENIE» du ministère de l’Éducation nationale. «Aujourd’hui, la stratégie numérique du ministère à l’horizon 2030 vise l’émergence d’une école innovante, équipée, connectée et intégrée dans la société du savoir à travers deux objectifs stratégiques. Il s’agit de l’intégration des TIC dans le processus curriculaire depuis sa conception et de développer les compétences TIC chez les élèves. Ces objectifs sont déclinés dans le cadre de la mise en œuvre de la loi-cadre 51-17. Cela va permettre d’intégrer le numérique dans les programmes scolaires révisés et de poursuivre les équipements et connexion des établissements scolaires, la formation des enseignants, le développement des contenus et des usages par des plans d’action annuels déclinés aux niveaux central, régional, provincial et local», détaille-t-elle.
La directrice du projet «GENIE» signale, par ailleurs, que certains fondements et critères doivent être pris en compte pour mettre en œuvre la stratégie numérique, notamment le rôle fondamental de l’enseignant qui devra assurer le rôle de facilitateur d’accès à la connaissance, à travers les programmes scolaires, les médias composés de ressources numériques, les activités parascolaires…
La nouvelle feuille de route de la réforme du système éducatif 2022-2026 permet ainsi de traduire sur le terrain les grandes orientations du ministère. Elle met l’élève au cœur du système à travers des outils jugés pertinents qui offrent la possibilité d’améliorer les pratiques pédagogiques au niveau de la classe pour renforcer la qualité de l’enseignement. «Cette vision s’est accompagnée du lancement d’un projet pilote de classes numériques et aspire à une école entièrement digitalisée, avec des services en ligne dédiés aux apprenants et aux enseignants et des plateformes d’enseignement en ligne. Cette expérience sera prochainement lancée, dans une première étape, au niveau de classes modèles et sera accompagnée de formations en faveur des cadres pédagogiques sur l’utilisation du numérique, dans la perspective de la généraliser au reste des établissements scolaires, après évaluation de son impact sur les acquis des élèves», souligne la directrice du projet «GENIE». Et de préciser qu’«en parallèle, plusieurs projets de coopération et de partenariats sont en cours d’exécution au niveau du ministère dans le but de développer des méthodes novatrices d’enseignement et d’apprentissage pour jeter les bases d’une éducation épanouie à travers l’implémentation des nouvelles solutions technologiques en classe telles que le coding, la robotique, la réalité virtuelle, le e-lerning…»
Et pour contribuer à une intégration profonde des TIC dans l’enseignement, le ministère prépare des actions qui seront menées au cours de l’année scolaire 2022- 2023. Ces actions vont permettre d’offrir des formations au profit des enseignants pour renforcer leurs compétences en termes d’usage de l’environnement numérique. Il sera également question de mettre à la disposition des enseignants des outils numériques et d’accélérer l’accès à des ressources numériques développées avec les startups Edtechs. Le ministère va également poursuivre l’équipement et la connexion avec filtrage des établissements scolaires et procéder à l’équipement des salles et progressivement à leur connectivité. Il œuvrera également pour intégrer progressivement l’enseignement en ligne et veiller à sa généralisation, et à la création des laboratoires d’innovation et de production de ressources numériques et à la formation de spécialistes en la matière.
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Les actions du ministère :
Les principaux projets et actions menés par le ministère de l’Éducation nationale pour la digitalisation de l’enseignement sont comme suit :
- L’apprentissage en ligne ou e-learning est désormais un outil incontournable pour le développement des compétences. Ce mode d’enseignement, qui a connu un saut qualitatif et quantitatif exceptionnel suite à la pandémie, se renforce davantage aujourd’hui et s’installe progressivement en tant que composante importante au sein des établissements scolaires.
- Inclusion des laboratoires régionaux et provinciaux de ressources numériques dans l’organigramme des AREF (Académie régionale de l’éducation et de la formation) et des Directions provinciales afin de donner un cadre aux ressources mobilisées dans la production et la validation des ressources numériques, le déploiement des plans de formation, le suivi des équipements et connexion des établissements scolaires et afin de mettre en œuvre les plans de développement des usages du numérique des enseignants et des élèves.
- La chaîne éditoriale «Scenari Prof» pour le développement des ressources numériques à vocation enseignement et formation. Ce projet vise, entre autres, la digitalisation des pratiques pédagogiques préparées quotidiennement par les enseignants de l’enseignement scolaire pour la mise en œuvre de leurs leçons avec les élèves. Un système d’accès à cette chaîne via le compte «Massar» des enseignants a été développé, il est en essai maintenant pour faciliter l’accessibilité digitale à cet environnement pédagogique. En parallèle, un module de formation sera développé d’ici la fin de l’année avec des séquences filmées dans le but de constituer un dispositif complet pour sa mise en œuvre au niveau régional et provincial.
- Le renforcement des compétences numériques des enseignants en mettant à leurs dispositions une plateforme en ligne jawaztice.ma qui consiste à proposer aux enseignants des formations en ligne pour intégrer le numérique dans l’acte d’apprentissage, en vue de doter les élèves des compétences numériques et afin de leur permettre la maîtrise les compétences du 21e siècle de l’Unesco.
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Questions à Rabii Berady, expert en montage des écosystèmes en entrepreneuriat et en digitalisation«La digitalisation de l’enseignement représente un sujet très sensible que le Maroc doit impérativement réussir»
La pandémie de la Covid-19 a permis d'accélérer la digitalisation dans divers domaines, notamment en éducation. Quel impact cela a-t-il eu sur notre système éducatif ?Le confinement sanitaire général, imposé au Maroc en mars 2020, a favorisé l’expérimentation accélérée de plusieurs modèles et pratiques d’apprentissage. En effet, les impacts de cette crise pandémique ont été très ressentis. L’enseignement a radicalement changé, avec l’essor sans précédent d’une éducation en ligne, où l’apprentissage à distance à travers des plateformes numériques est devenu la seule alternative disponible dans un moment d’incertitude.Ce passage brusque à l’enseignement en ligne, sans préparation préalable technique et pédagogique, a bouleversé le système éducatif habituel dans nos établissements, et qui a été mis au défi de s’adapter très rapidement à ce nouveau contexte pour faire face à l’urgence.Le Maroc a réussi à bâtir, compte tenu des circonstances, plusieurs plateformes numériques. Le ministère de l’Éducation, de son côté, a aussi réussi cette performance afin de maintenir la continuité pédagogique (support papier, radio, télévision....).Mais pour réussir un changement radical, il faut procéder étape par étape, et ce processus de changement prend du temps, mais malheureusement nous n’avons, à l’instar d’autre pays, pas eu l’occasion d’en voir les lacunes et l’impact sur le système éducatif.Les solutions numériques nécessitent des contenus pertinents, des modèles pédagogiques adaptés, de bonnes pratiques d’enseignement et un cadre d’apprentissage propice ainsi que la formation des enseignants dans ce domaine.Quelle valeur ajoutée de la digitalisation de l’éducation ?Malgré quelques contraintes, l’enseignement à distance dispose d’un fort potentiel de développement pour notre pays et pour nos générations futures. Il représente un atout pour l’internationalisation des établissements d’enseignement et une vitrine de la qualité de nos cadres au niveau national et international. L’enseignement à distance, en tant que tel, pourrait être vu comme un levier et un instrument de promotion de notre système éducatif à l’étranger. D'ailleurs, le Maroc considère aujourd’hui que la digitalisation de l’enseignement représente un sujet très sensible qu’il faudrait réussir impérativementEst-ce que vous pensez que les apprenants marocains pourront s’adapter facilement à la digitalisation de l’enseignement ?Arrêtons de croire que les apprenants marocains ne seraient pas capables de suivre le changement. Au contraire, ils ont une grande capacité de s’adapter à différentes circonstances et conditions, en particulier la transformation digitale de l’enseignement. Certes, il est très important de mettre en place un modèle bien étudié et testé avant de l’adopter, mais nos étudiants restent très réceptifs à l’innovation et sauront sans aucun doute s’y adapter.