Le Maroc dispose d’un environnement propice à l’émergence de la santé numérique. C’est ce qui ressort du livre blanc «La e-santé au Maroc : Réalités, enjeux et leviers de développement» présenté vendredi dernier à Rabat. Ce travail initié par l’Université Mohammed V (UM5) de Rabat, en partenariat avec le cabinet Buildfluence, spécialiste en intelligence stratégie et influence, a pour objectif de fournir l’information actualisée et pertinente sur la réalité de la e-santé, d’identifier les atouts et faiblesses du système national de santé et de saisir les opportunités et enjeux de l’intégration des solutions disponibles. «Le développement de la santé numérique représente, manifestement, le moyen le plus sûr de placer la médecine à la portée de tous, équitablement, sans aucune distinction.
Le livre blanc sur la e-santé au Maroc, tel qu’il a été élaboré, est d’un intérêt capital pour notre pays. Tout d’abord, il permet d’exposer à grands traits les spécificités et les opportunités de l’écosystème de santé numérique, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle régionale et internationale», a souligné le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Ait Taleb. «Le livre blanc permet de cerner les attentes des principales parties prenantes ainsi que les enjeux et les défis liés au développement de la e-santé.
Grâce aux recommandations issues des différentes enquêtes réalisées, il devient possible de tracer, d'ores et déjà, autour des technologies les plus récentes de l’information et de la communication, les contours d’un schéma de services à forte valeur ajoutée, un schéma innovant, réactif et durable», a-t-il ajouté. Le ministre a indiqué, par ailleurs, que la lutte contre la pandémie Covid-19 a permis de créer plusieurs solutions numériques, publiques et privées en peu de temps.
«Certaines solutions avaient pour objectif de contrôler la propagation de la Covid-19 (Wiqaytna), d’autres de garantir l’accès du citoyen à une information sanitaire sûre (Sehati), d’autres encore de faciliter la prise de rendez-vous pour la vaccination (liqahcorona.ma) ou de mettre à la disposition des patients des plateformes de téléconsultation (Tbib24)», a-t-il rappelé.De son côté, Abdellatif Miraoui, ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation, a affirmé que le fait de conjuguer santé et numérique constitue une solution idoine pour le développement du secteur de la santé. «Cela ne peut être atteint qu’à travers la mise en œuvre d’une stratégie nationale e-santé s’articulant autour des priorités telles que le développement de la médecine connectée permettant la mise au point de nouvelles applications de suivi à distance ou d’interprétation des données médicales pour assister les médecins dans leurs diagnostics», a-t-il souligné. «Il faut aussi encourager la co-innovation entre professionnels de santé, citoyens et acteurs économiques par le lancement d’appels à projets dédiés à l’e-santé et simplifier les démarches administratives des patients et outiller la démocratie sanitaire à l’aide d’une plateforme numérique facilitant la consultation et la participation des usagers, sans oublier de renforcer la sécurité des systèmes d’information en santé grâce à un plan d’action dédié», a poursuivi Miraoui.
En marge de la cérémonie, les participants ont procédé à la signature d’une convention de partenariat pour le développement du centre d’innovation en e-santé de l'UM5, avec pour objectifs de renforcer les liens entre l’Université et les professionnels de la santé et de contribuer au dialogue interdisciplinaire entre les différents acteurs du domaine.Questions au DG de Buildfluence
Azeddine Yassine : «Le Maroc est sur la bonne voie de mise en œuvre de solutions e-Health, mais a besoin d’une stratégie pragmatique»Le Matin : Quelles sont les principales conclusions que l'on peut tirer de livre blanc ?
Buildfluence était une force de proposition tout au long de l’élaboration du livre blanc de la e-santé au Maroc en mettant en place une méthodologie en mode projet d’intelligence stratégique. Le but est d’arriver au-delà des recommandations à une déduction principale permettant de décliner une Roadmap pragmatique.La déduction paradoxale est que le Maroc possède des capacités pour exceller dans les technologies de la santé en particulier, mais malheureusement il ne bénéficie pas d’un classement à l’image de ces performances. Cette idée est démontrée grâce aux études et analyses émanant d’institutions de notoriété internationale.«Le département des Affaires sociales et économiques» affilié aux Nations unies (UN-EGDI) publie une étude biennale sur le développement digital réalisée dans 193 pays, fournit une évaluation comparative des États membres de l'ONU et offre un aperçu du positionnement du Maroc d'un point de vue régional et mondial.On constate que l’indice du Capital humain marocain en matière du digital, en général, est au-dessus de la moyenne régionale et proche de la moyenne mondiale. Cette étude, connue sous le nom de l’indice UN-EGDI, montre que le capital humain pourrait être source de l’innovation au Maroc en matière du digital. Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) indique dans son rapport Global Innovation Index (WIPO-GII) que le Maroc obtient de meilleurs résultats dans la production de la connaissance et de la technologie. La même organisation note que le Maroc affiche une performance en matière d’innovation par rapport au PIB bien supérieure aux attentes pour son niveau de développement.Enfin, le référencement des startups marocaines de la Healthtech permet d'améliorer le classement du Maroc et de l'ériger en véritable Digital Nation à l’échelle régionale, continentale et internationale. Par conséquent, cela permettra un rayonnement honorable du Maroc à l’échelle internationale en matière d’innovation.Alors est-ce que vous croyez que le Maroc est sur la bonne voie pour la généralisation de la e-santé au Maroc ?
En effet, on est sur la bonne voie de mise en œuvre de solutions e-Health. D’ailleurs, certains axes de la santé digitale sont intégrés dans la stratégie du «Plan SanteÌÂ 2025», tels que la promotion de la télémédecine, le développement de la e-santé et l’implantation du dossier médical partagé (DMP), le e-learning en médecine de famille, Datacenter, etc.
La Société marocaine de la télémédecine créée en 2018 a pour vocation la contribution au développement de la pratique de la télémédecine, à travers son déploiement en faveur des populations des zones défavorisées et enclavées. Sa phase d’extension devrait atteindre 123 communes prioritaires à l’horizon 2025. Il y a aussi d’autres initiatives encourageantes qui ont été réalisées au sein des établissements de santé tels que le CHU de Fès et des cliniques privées.En revanche, on a besoin d’une stratégie pragmatique de généralisation de e-santé. Le premier élément auquel on pense quand on parle de santé digitale est le système d’interopérabilité entre tous les acteurs de l’écosystème de la santé : Médecins, experts, patients, mutuelle, assurance, etc. Chose qui fait défaut à notre système de santé aujourd’hui.Y-a-t-il d’autres obstacles qui nous empêchent de généraliser la santé numérique ?
La réussite de certains pays dans la création d’une dynamique d’entrepreneuriat active et l’attractivité des investissements étrangers a commencé par la réforme du cadre juridico-fiscale. Le Maroc, qui a tous les critères factuels pour réussir une percée dans le Ranking en matière d’innovation, est amené à faire des efforts sur le volet réglementaire lié à la création des startups et initier une batterie de mesures gouvernementales incitatives à l’entrepreneuriat.
Nous constatons que le nombre des startups marocaines spécialisées dans la santé digitale est très réduit. De plus, les startups marocaines, tous secteurs confondus, y compris celui de la Healthtech, ne créent pas de l’attractivité pour les investisseurs et ne font pas de levées de fonds assez conséquentes à l’international. Ce qui implique un faible Ranking pour le Maroc. D’où l’insuffisance notoire du développement de la santé digitale au Maroc.
Enfin, il y a un manque de formation et de sensibilisation à grande échelle en matière d’entrepreneuriat. La culture de celle-ci au Maroc n’est pas complètement ancrée dans l’esprit des jeunes diplômés marocains et même chez les salariés désireux de se reconvertir en entrepreneurs.