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Global Forum de l’Alliance des civilisations : les réflexions de Faouzi Skali

Dans le cadre de la neuvième édition du neuvième Global Forum de l’Alliance des civilisations, nous avons demandé à l’anthropologue Faouzi Skali, qui intervient en tant que conférencier dans le cadre de ce Forum, de nous faire part de quelques réflexions de fond concernant cette thématique.

Global Forum de l’Alliance des civilisations : les réflexions de Faouzi Skali
Faouzi Skali.

Par Faouzi Skali

Deux textes de l’Unesco ont fait date en ce début du XXIe siècle: la déclaration universelle sur la diversité des cultures de 2001 et, en 2005, la convention internationale sur la protection et la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques. On connaît les débats sous-jacents à ces textes qui visent à combattre l’émergence d’une hégémonie culturelle et une tendance à l’uniformisation et à la standardisation des cultures. C’est la fameuse exception culturelle, la culture ne pouvant être une marchandise comme une autre. 

Cette tendance grandissante vers l’uniformisation s’exprime,  à titre illustratif,  par le fait qu’il ne reste plus aujourd’hui que 6.000 langues sur les 20.000 parlées par l’humanité à l’époque néolithique  et que nous perdons environ une langue par semaine. Cent langues sont parlées par 95% de la population mondiale et seules 12 d’entre elles dominent l’ensemble de la communication numérique à l’échelle de la planète. 

La notion de culture peut être comprise dans un sens extensif, anthropologique, comme cela a été défini par la déclaration de Fribourg sur les droits culturels. Selon celle-ci elle «recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement». 

La diversité, un concept à généraliser à la culture, la langue... 

C’est en tenant compte de ces définitions que le concept de «diversité» peut être entendu comme recouvrant la «diversité culturelle, linguistique, sociale, territoriale et religieuse». La promotion de la diversité et du dialogue des cultures a pour but de rendre compte de la façon la plus large possible de cette diversité au sein de la société, d’enrichir donc le processus démocratique, la liberté d’expression, l’égalité des chances et la cohésion sociale, de lutter contre les différentes formes de discrimination et le développement de discours extrémistes et d’incitation à la haine. 

Dans son préambule, la Constitution marocaine de 2011 souligne la nécessité de «bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que cela soit». Un autre passage de ce préambule consacre l’importance du principe de la diversité en soulignant que l’unité nationale est forgée «par la convergence de ses composantes arabo-andalouse, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen». Nous nous trouvons, comme le soulignait le Président Abdou Diouf, devant la nécessité de mettre  en œuvre une «gouvernance» des cultures et des identités sans laquelle celles-ci, livrées à elles-mêmes, entreraient dans des  processus de conflit, de repli et d’exclusion. Là où il n’y pas de débats, dit-on à juste titre, il y a des combats. 

C’est en raison de cette nécessaire régulation ou gouvernance des cultures que le prix Nobel de l’économie Amartya Sen avait appelé à l’enrichissement du processus démocratique en élargissant celui-ci par la notion de démocratie multiculturelle. Cette dernière notion implique que la «régulation» de la diversité et du dialogue des cultures est aussi un facteur puissant de lutte contre la discrimination et de promotion de l’équité politique et socio-économique des différentes identités collectives présentes au sein de la société. 

Identité collective et identité des individus 

Signalons cependant au passage que les identités collectives, comme celles des individus, ne sont pas figées mais évolutives. Les individus par ailleurs peuvent continuer de disposer, au sein de ces identités qui peuvent être pour chaque personne multiples et complémentaires, d’une pleine liberté de penser et d’opinion. Selon l’article 3 de la déclaration de Fribourg sur les droits culturels : «Toute personne, aussi bien seule qu’en commun», a le droit «de choisir et de voir son identité culturelle respectée dans la diversité de ses modes d’expression, ce droit s’exerce dans la connexion notamment des libertés de pensée, de conscience, de religion, d’opinion et d’expression.»

Nous sommes cependant nécessairement tenus de faire des arbitrages de par l’application concomitante des deux articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans quelle mesure et dans quel cas la pleine liberté d’expression, soulignée par l’article 19 peut-elle être limitée légalement par l’article 20 qui demande aux États d’interdire «tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence» ? C’est la mise en œuvre d’une dialectique positive et fructueuse de ces deux articles qui a conduit à l’élaboration des principes de Camden sur «la liberté d’expression et l’égalité». 

Pour le suivi et l’appréciation des discours de discrimination et d’incitation à la haine, il nous appartient d’évoquer «le Plan d’action de Rabat» qui est l’aboutissement de toute une série d’ateliers d’experts coordonnés par le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme. Le Plan de Rabat fournit des directives pratiques pour la mise en œuvre de l’article 20 du PIDCP (Plan international des droits civils et politiques) interdisant tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse. 

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