Le Matin : Dans ce contexte d'inflation, quels sont les principes de base à appliquer pour gérer son budget efficacement ?Mohamed El Wazna : Le premier conseil que je donne est de ne pas faire un bilan des dépenses, il est préférable d’établir un budget prévisionnel bien concis, incluant les achats liés aux besoins et aux loisirs. Ensuite, afin d'avoir une visibilité optimale, il faut absolument faire la différence entre les besoins de première nécessité, les besoins de deuxième nécessité et les achats pour se faire plaisir, il ne faut pas confondre les degrés d'importance. L'équation n'est pas «recette-dépenses=zéro», mais plutôt «recette-(dépenses+épargne)=zéro», autrement dit «recette-dépenses=épargnes». L'épargne est très importante de nos jours, c'est un principe de la gestion budgétaire. Afin d'établir un équilibre, il faut procéder à un paramétrage des objectifs, aussi appelé la méthode smart, qui consiste à concevoir des objectifs et avoir une intelligence financière pour les atteindre, à court, moyen et long terme.
Peut-on épargner en temps de crise ?Il est possible d'épargner dans ce contexte. Ce qui définit l'équilibre du budget, ce sont les recettes, les dépenses et l'épargne. Certes, en période de crise, notre capacité d'épargner va diminuer, mais l'option d'économiser reste toujours possible. Une personne qui mettait de côté 4.000 DH par mois avant la crise peut tout de même épargner une somme moindre de 1.000 ou 2.000 DH. Avant de s'attarder sur la capacité d'épargne, il faut vraiment faire un bilan de sa situation et se poser les bonnes questions, telles que «quelles sont les habitudes qui m'empêchent d'épargner ?» Un autre questionnement primordial est «qu'est-ce qui peut arriver si je n'épargne pas ?»Quels réflexes doit-on adopter dès la perception du premier salaire ?Lorsqu'on reçoit son premier salaire, un sentiment de liberté et d'autonomie financière s'empare de nous. Cet état d'esprit est imaginaire, car il s'agit uniquement d'un premier salaire. Il faut adopter le réflexe de planifier le mois qui suit, en prenant en considération les dépenses importantes qui vont couvrir tout le mois. Autre mesure essentielle, la constitution d'un fonds de sécurité qui correspond à trois mois de salaire à épargner. Ce montant permet d'assurer une sécurité financière et de bénéficier d'une autonomie financière. La planification passe également par la patience et l'instauration d'objectifs, car la précipitation est le défaut de tout achat impulsif.Quels comportements devons-nous adopter pour boucler le mois sans s'endetter ?Lorsque vous envisagez d'établir un budget, il ne faut pas le rationaliser comme un budget exécutif, mais plutôt comme un budget estimatif. En effet, il faut prévoir les différentes dépenses auxquelles vous serez confronté, mais votre prévisionnel est loin d'être figé et une réévaluation des différents budgets prédestinés à nos besoins et loisirs est envisageable au cours du mois, tant que l'on garde un certain équilibre. Reporter une sortie ou un voyage, avancer un achat pour profiter d'une promotion, vous pouvez faire une entorse au budget initial. Votre bien-être demeure la priorité.Faut-il résister à toutes les tentations pour maîtriser son budget ?Nous vivons dans une société où le mode de consommation a totalement changé. Nous sommes devenus des consommateurs prédisposés à tout acheter, à tout moment. Dans ce contexte, où prédominent les tentations, il faut adopter les réflexes d'un consommateur averti et responsable de ses actes. Ce type d'acheteur sait ce qu'il veut, il peut mettre des freins quand il le souhaite, afin de devenir un consommateur maître de ses décisions. Il faut toujours se poser ces deux questions avant l'achat de tout produit : «Ai-je besoin de ce produit ?» et «Que va-t-il se passer si je n'achète pas ce produit ?»Quelles sont les erreurs courantes ?Le premier indicateur d'une mauvaise gestion financière est la sous-estimation de l'utilité du budget. Autre signe, le manque d'implication dans la gestion de son budget, en omettant de négocier par exemple, ne pas chercher les bons plans et les offres qui permettent de faire des économies. Certains font également l'erreur de vouloir suivre le mode de consommation d'un ami ou d’un membre de la famille. Nous sommes tous différents, nos budgets sont différents, nous devons nous adapter et concevoir un mode de consommation qui s'aligne sur nos revenus pour atteindre un équilibre budgétaire.Peut-on établir un budget en étant au SMIG ?La gestion ne dépend pas du montant, c'est le mode de gestion qui va dépendre du montant. La gestion est un savoir à acquérir, des compétences de vie qu'il faut transmettre et appliquer. Gérer son budget permet de favoriser la sécurité, car il ne faut pas oublier que l'on travaille pour atteindre un bien-être. Pour atteindre cette sérénité, il faut répartir son salaire et faire preuve d'organisation.Est-il judicieux d'emprunter de l'argent auprès de ses proches pour boucler le mois ?C'est une solution, certes, mais elle ne doit pas être récurrente à la fin du mois. L'emprunt auprès d'un proche est intéressant, car il n'est pas coûteux du fait de l'absence d'intérêt. Toutefois, il peut nuire au lien social et il faut honorer son engagement en remboursant ses dettes dans les délais convenus. Au lieu de considérer cette solution comme acquise, il vaut mieux chercher l'origine du problème pour finir le mois sans s'endetter.Conseillez-vous la tontine (daret) comme méthode d'épargne ?J'aime cette solution, car elle permet d'acquérir l'habitude d'épargner et de perdre le contrôle, provisoirement, sur son épargne puisque cette méthode implique d'autres personnes. «Daret» permet de responsabiliser et de travailler son auto-contrôle. Cette formule d’épargne collective favorise ainsi le lien social, ainsi que l'habitude d'épargner tout en vous apprenant à être patient. L’épargne générée par «Daret» est souvent destinée aux imprévus.********************
Cas pratiquePrenons l'exemple d'une famille composée de deux parents salariés qui ont trois enfants. Comment peuvent-ils mettre en place une gestion financière saine qui garantit leur bien-être ? Il faut opter non pas pour un budget mensuel, mais plutôt pour un budget annuel. Il y a des périodes durant lesquelles nous consommons plus, notamment durant le Ramadan ou le mois d'août. Il y a également des mois durant lesquels nous consommons moins. Le budget annuel doit être réparti sur plusieurs volets principaux, dont la scolarité, le Aïd, les vacances... Il faut faire une estimation globale de ces dépenses puis les diviser sur 12 mois afin d'envisager son épargne de manière rationnelle et d’éviter les imprévus. Ainsi, sur les douze mois de l'année, nous avons un revenu constitué des deux salaires qui viennent couvrir les dépenses fixes de la maison, les frais de scolarité des enfants et un budget personnel pour chacun des parents. Autre approche importante, il faut définir notre mode de consommation en ce qui concerne le budget pour vivre. Il faut établir une liste pour définir les produits à acheter de manière hebdomadaire, mensuelle, quotidienne… tout en établissant des listes de quantités et des estimations des prix afin de mettre en place un planning des achats. Il ne faut surtout pas oublier le budget des imprévus ou le budget des urgences.