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Labello challenge : le défi Tik Tok qui incite les jeunes à se suicider affole les parents

Les challenges sur les réseaux sociaux sont de plus en plus nombreux et certains tout simplement dangereux. Le dernier en date est le Labello challenge qui consiste à mettre du baume à lèvre tous les jours et de se suicider une fois le flacon vide. Ce défi fait fureur auprès des jeunes sur Tik Tok depuis quelques jours. Les parents s'affolent.

Labello challenge : le défi Tik Tok qui incite les jeunes à se suicider affole les parents

Les défis et les challenges sur les réseaux sociaux rencontrent un succès fou auprès des jeunes ces dernières années. Mais si certains peuvent être intéressants, d’autres se révèlent très dangereux. C’est justement le cas du Labello challenge sur Tik Tok, devenu viral depuis quelques jours. Le concept est aussi simple qu’effrayant. Cela consiste à se filmer en mettant le baume à lèvre Labello tous les jours sur les lèvres ou en couper une partie lorsqu’on a des problèmes ou des difficultés et quand le flacon est vide, il faut mettre fin à ses jours. Pour l'instant, le challenge n'aurait pas fait de victimes mais on ne sait jamais puisque c’est destiné à un public très jeune, à savoir les enfants et les ados. Beaucoup de parents ont exprimé leur inquiétude suite au grand succès de ce nouveau défi. «Les personnes qui partagent ce genre de challenge sur les réseaux sociaux doivent être punies par la loi. On touche le fond. Inciter des jeunes à se suicider, je pense qu’on ne peut pas faire pire que ça. J’espère vraiment que personne ne les prendra au sérieux», s'indigne Mohamed, père de famille. «Mais dans quel monde nous vivons ? Comment peut-on inventer un challenge aussi dangereux et partager l’idée avec de jeunes enfants sur les réseaux sociaux ? J’ai très peur pour les miens depuis que j’ai appris l’existence de ce challenge. J’essaye de les sensibiliser en discutant de ça avec eux mais je ne peux pas m’empêcher d’être inquiète», témoigne Sara, maman de deux filles.

Face à l’ampleur qu’a prise ce challenge, plusieurs enseignants, influenceurs, médecins, psychologues… se sont mobilisés pour sensibiliser les jeunes et éviter qu’ils ne passent à l’acte. En France, même le ministère de l’Intérieur a lancé un message de prévention invitant les parents à la vigilance. La marque de baume à lèvres Labello a quant à elle souligné qu’elle est citée malgré elle dans cette affaire et qu'elle n’est en aucun cas associée ou favorable à ce défi ou à toute autre forme de violence ou d’automutilation.
D’après les différents témoignages des parents, ce qui rend ce challenge particulièrement inquiétant est qu’il est diffusé sur TiK Tok, qui compte énormément de jeunes utilisateurs dans le monde entier, notamment au Maroc. «Tik Tok séduit de plus en plus de jeunes. En effet, plusieurs enfants s’amusent à visionner les vidéos sur ce réseau social chaque jour. Et il y a de fortes chances qu’ils tombent sur ce défi. Ils peuvent croire qu’il s’agit d’un simple jeu, ce qui peut se terminer par un drame», alerte Houda Hjiej, pédopsychiatre. «Ce genre de challenge peut être très dangereux pour les enfants et les adolescents, notamment certaines personnes fragiles qui vont s’identifier aux personnes qui lancent ce genre de défis. Il s’agit généralement de jeunes qui sont toujours à la recherche de sensation forte ou de personnes qui ont besoin d’un moyen pour exprimer leurs malaises ou leurs sentiments négatifs», souligne-t-elle.
Pour éviter des drames, la pédopsychiatre insiste sur l’importance de parler de ce genre de sujet avec les enfants. «Il est très essentiel que les parents en parlent avec leurs enfants. Ils ne doivent surtout pas en faire un tabou ou faire semblant de ne pas avoir vu. Il est également important de demander aux enfants et ados leur avis à ce sujet tout en essayant de les amener à être critiques par rapport à ce genre de pratiques», conseille Dr Hjiej.

De même, Dr Bernard Corbel, psychologue, souligne qu’un pourcentage élevé de la population des adolescents est sensible à la morbidité et à la pathologie. Une absence de sens profond à transmettre à la génération montante ne peut qu'accroître cette sensibilité. «Plus un adolescent est une personnalité sensible, plus ce genre de jeu à défis peut aboutir à des problèmes et engendrer un accroissement du stress, une augmentation de l'anxiété et un isolement par rapport à l'entourage des adultes et de la famille. Le monde que nous proposons aux enfants et aux adolescents est un monde essentiellement matérialiste, basé sur la consommation et l'étalage des possessions, tout y est consommable, y compris les individus. La tentation est grande de s'en échapper. Pour éviter à des adolescents de figurer dans la catégorie “à risque”, il faut leur donner de l'attention et de l'écoute», explique le psychologue. Ce dernier précise, par ailleurs, que l'écoute n'est pas simplement donner des conseils ou juger ou encore dire ce que l'on pense, mais plutôt exposer ce que l'on comprend et ce que l'on ressent de ce que l'adolescent vit et partage, ce qui va développer le sentiment d'amour.

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Questions à Bernard Corbel, psychologue



«Pour les jeunes, les réseaux sociaux présentent un espace où il est possible de se confronter publiquement à la peur»

Le Matin : À quel point ce genre de challenge peut-il être dangereux, sachant que ce n'est pas le premier du genre ?

Bernard Corbel
: Je crois qu'il s'agit d'une psychose sociale sans trop de conséquences si l'on veut parler du risque de suicide ou de scarification. Par contre, il correspond à un rituel choquant mais qui permet aux adolescents de vivre une forme d'intégration sociale, d'où son attractivité. Il s'agit de défis sur fond d'un goût particulier pour le morbide et d'instrumentalisation de la peur. Un tel jeu avec ses défis pourrait toutefois s'avérer dangereux pour des adolescents hypersensibles et suggestionnables. Selon moi, il existe un risque de blessure narcissique très important pour les jeunes qui se sont affirmés dans les défis, filmés en vidéo et qui pourtant n'iraient pas au bout de leurs défis. Tout le problème, en somme, serait de sortir de cette spirale attractive et de valorisation par l'importance du défi.

Comment justement peut-on expliquer l'attraction des jeunes pour les challenges sur les réseaux sociaux ?

Les challenges sur les réseaux sociaux ont, à mon avis, un rôle de rituel d'intégration dans le groupe de jeunes devenant progressivement adultes, comme une initiation. Globalement, à part l'école et le foot pour certains jeunes passionnés de ce sport, il n'y a rien qui serait avec une haute valeur émotionnelle comme processus d'intégration. Les jeunes ont besoin de combattre, de s'affronter. Ils ont besoin de s'identifier à des héros et cherchent donc à le devenir. Ils ont besoin d'action qui aurait une retombée sociale. Les réseaux sociaux, finalement, présentent un espace où il est possible de rêver, de se confronter publiquement à la peur, à l'abject, à l'horreur et de montrer sa force. Pourtant, la dimension ridicule de ce challenge serait l'accomplissement final.

Quels conseils pouvez-vous donner aux parents d'ados qui sont de plus en plus tentés par la réalisation de challenges sur les réseaux sociaux ?

On peut comprendre cette attraction et la respecter mais jusqu'à un certain point. Il faut permettre aux jeunes hypersensibles de sortir de l'état de fascination dans lequel ils se trouvent. La première urgence est le processus d'écoute, que l'on peut déléguer, éventuellement, à un psychologue, si l'on s'est aperçu que l'enfant est prisonnier d'un jeu comprenant des challenges ou des défis. Il se croit manifestement obligé de faire certaines choses, car il s'y est engagé. D'une manière plus profonde et plus large, il faut chercher des activités génératrices de sens. Deux directions peuvent être privilégiées, celle des sports et celle du théâtre. Dans les deux cas, il faut imaginer à la fois l'insertion dans un groupe, une équipe et la confrontation au public.

 

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