Le HCP a publié, à l’occasion de la Journée nationale de la Femme, une note sur la tendance et les niveaux de l’écart d’âge entre les époux. Cette étude est basée sur les données collectées lors des Enquêtes nationales sur la population et la santé familiale de 2004, 2011 et 2018. Le HCP livre également sa lecture de ce phénomène à travers les caractéristiques des femmes dans le contexte marocain. A noter que l’écart d’âge entre les époux est calculé en soustrayant l’âge de la femme de celui de l’homme.
Niveaux et tendance de l’écart d’âge moyen entre les époux au Maroc
Dans la majorité des pays, la femme est la cadette dans le couple, et les écarts d’âge entre les époux enregistrent, parfois, des valeurs relativement élevées, particulièrement dans les pays arabo-musulmans où les traditions et les normes sociales nourrissent et accentuent cette pratique. Au Maroc, la moitié des couples avaient une différence d’âge de plus de 6 ans en 2004 et de plus de 7 ans en 2011 et 2018. Quant à l’écart d’âge moyen, il est passé de 7,2 ans en 2004 à 7,7 ans en 2011, puis à 7,9 ans en 2018. Selon les milieux de résidence, les écarts d’âge moyens ne sortent pas du lot et gardent la même tendance. Les couples vivant en milieu urbain ont un écart d’âge moyen d’environ 7,4 ans en 2004, 7,9 ans en 2011 et 8,1 ans en 2018. Les couples vivant en milieu rural ont des écarts d’âge moyens inférieurs de 0,4 an par rapport aux couples urbains et ce pour les trois années d’enquête. Cette augmentation de l’écart d’âge moyen, constatée à l’échelle nationale depuis 2004, résulte de la diminution de la part des femmes mariées avec des hommes plus jeunes ou de même âge, d’un côté, et de l’augmentation de la part des femmes mariées avec des hommes plus âgés, de l’autre. En effet, en 2018, il est constaté que 87,1% des femmes sont plus jeunes que leurs maris, 9,5% ont le même âge et 3,4% seulement sont plus âgées. Ces pourcentages étaient respectivement de l’ordre de 82,9%, 12,0% et 5,1% en 2004. En plus, le pourcentage des couples ayant des écarts d’âge allant de 2 à 9 ans est en baisse, alors que celui des couples ayant des écarts entre 10 et 20 ans est en progression dans le temps.
Préférences des hommes et des femmes en termes d’âge du partenaire
Les niveaux des écarts d’âge observés entre les époux peuvent être une réponse aux préférences des partenaires en matière d’âge qui sont fréquemment dirigées par les rôles sexués traditionnels et par un processus psychologique inconscient de reproduction et de survie (Bergstrom & Bagnoli, 1991 ; Buss, 1989). En effet, les hommes, dont l’objectif est de perpétuer la lignée et d’augmenter leurs chances de procréation, optent généralement pour des femmes plus jeunes qui ne subissent pas la pression de l’horloge biologique, et les femmes se penchent vers les hommes ayant un statut économique stable qui assurera la sécurité et le confort matériel de leurs enfants et accroîtra par conséquent leur chance de survie. De plus, les hommes valorisent, globalement, les conditions physiques et la beauté qui sont souvent associées à la jeunesse chez les femmes, alors que leurs homologues féminins mettent en avant plutôt la maturité et le sens des responsabilités. Ces divergences dans les préférences conduisent à ce que les hommes cherchent des femmes plus jeunes et les femmes des hommes plus âgés. Au Maroc, à notre connaissance, il n’y a pas de statistiques officielles sur les préférences en termes d’âge du partenaire. Cependant, les résultats de l’Enquête internationale sur les valeurs, menée au Maroc en 2021, montrent la persistance des idéologies associées aux rôles sociaux des deux sexes. Il s’avère que 56,2 % des enquêtés sont d’accord que les hommes devraient avoir davantage accès au travail que les femmes lorsque les emplois sont rares, et 61,5% approuvent qu’être une femme au foyer est tout aussi épanouissant que d’occuper une activité rémunérée. Ces idéologies influencent le choix du partenaire et le calendrier de nuptialité et, par la suite, la différence d’âge entre les époux.
Écart d’âge du couple, statut d’activité et niveau d’instruction de l’épouse
Selon les données de l’ENPSF de 2018, il ressort que le statut de l’activité des femmes influence la différence d’âge. En effet, l’écart d’âge dans les couples dont l’épouse ne travaille pas s’élève à 8,1 ans en moyenne contre 6,6 ans dans les couples où la femme occupe une activité professionnelle. Et si ces dernières ont un diplôme du niveau de l’enseignement secondaire et plus, alors cette différence d’âge baisse à 5,4 ans. Ainsi, les femmes instruites et actives occupées sont plus enclines à se marier avec des hommes d’âge proche. Ceci trouve en partie son explication dans le fait que les femmes qui ont intégré les universités ou les écoles supérieures ont de grandes chances de rencontrer des hommes d’âge similaire ou proche au cours de leurs années d’étude. De plus, elles sont plus susceptibles de décrocher des emplois rémunérés qui leurs assurent une autonomie financière et diminue par conséquent l’attractivité des hommes ayant un statut économique supérieur, fréquemment plus âgés.
Écart d’âge du couple et âge moyen au premier mariage de l’épouse
L’écart d’âge entre les époux varie aussi en fonction de l’âge d’entrée des femmes en première union. Toujours selon la même source de données, l’écart d’âge moyen enregistre une valeur de 5,7 ans pour les femmes ayant contracté leur mariage entre 25 et 34 ans, alors qu’il s’élève à 8,9 ans pour celles ayant contracté leur mariage entre 18 et 19 ans. Quant aux femmes mariées avant l’âge de 18 ans, l’écart d’âge enregistre pour ce groupe une moyenne de 10 ans. Ce résultat pourrait s’expliquer par le changement des préférences des femmes en fonction de leur âge, qui sont probablement plus centrées sur les traits de personnalité (stabilité émotionnelle, intelligence, ambition...) et moins sur le statut économique, ou les deux à la fois dans les âges avancés. De plus, le déficit des jeunes hommes sur le marché matrimonial – les femmes se trouvent nombreuses dès un jeune âge sur le marché matrimonial alors que les hommes y entrent en retard pour accumuler les ressources financières – poussent les jeunes femmes à se marier avec des hommes plus âgés.