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Comment l'IRES voit la réforme du système de santé

«Quel système de santé au Maroc, à l’aune de la souveraineté nationale et de la généralisation de la couverture sociale ?» C’est autour de cette problématique que l’Institut Royal des études stratégiques a réuni des experts qui ont fait des propositions et établi un benchmark international. Les conclusions de ce travail ont fait l’objet d’un rapport qui vient d’être rendu public et qui prône des solutions audacieuses appelant à revoir le régime financier de la santé et à aller vers la souveraineté sanitaire tout en tablant sur les ressources humaines.

Comment l'IRES voit la réforme du système de santé

«Le système national de santé demeure marqué par certaines insuffisances structurelles, qui sont, aujourd’hui, connues de tous et qui concernent l’accès aux soins, le financement de la santé, l’encadrement médical, l’infrastructure sanitaire et sa répartition territoriale, le partenariat public-privé...», explique Mohammed Tawfik Mouline, le directeur général de l’Institut Royal des études stratégiques (IRES). Dans ce diagnostic limpide, qui a été repris dans le dernier rapport publié par ce think tank, le rôle de l’État et des politiques publiques constitue le socle fondateur des travaux d’études. Le rapport, intitulé «Quel système de santé au Maroc, à l’aune de la souveraineté nationale et de la généralisation de la couverture sociale ?» et mis en ligne mercredi sur le site institutionnel de l’IRES, est le fruit de rencontres réunissant des experts du secteur et organisées par l’Institut pour débattre de cette problématique. En effet, le rapport, en plus du diagnostic franc établi, se démarque par son pragmatisme, suggérant des propositions opérationnelles.

Le modèle proposé est assez audacieux et a pour objectif «d’enclencher une nouvelle trajectoire au système de santé national conciliant vision sociale et vision économique». Il propose de jeter les bases d’un système de santé souverain, inclusif et durable «fondé sur l’élaboration d’une vision prospective, innovante et ambitieuse du secteur de la santé». Une vision pour laquelle l’IRES plaide dans le contexte actuel marqué par la généralisation de la protection sociale qui représente à la fois un défi historique et un facteur d’évolution structurant du système de santé. Il défend ainsi un modèle qui prône un système durable de financement du système de santé avec au cœur la gratuité ou, du moins, l’allègement des coûts des services, de nouveaux mécanismes de gouvernance… Des voies qu’il encourage à explorer en s’inspirant des exemples des systèmes de santé cubain, allemand et turc. 

Mécanismes de gouvernance cohérents, exhaustifs et rigoureux

De la sorte, les réflexions développées dans ce sens par les chercheurs de l’IRES considèrent que «les problématiques de la gouvernance, des organes de régulation, du financement et du capital humain représentent autant d’opportunités de renouvellement des approches. Pour cela, il est proposé, pour s’engager sur cette nouvelle trajectoire, de tenir compte de quelques principes directeurs. Il est, tout d’abord, recommandé de faire de la santé un nouveau chantier structurant du Royaume et d’inciter à l’émergence de mécanismes de gouvernance cohérents, exhaustifs et rigoureux, de faire de la promotion du capital humain un enjeu de souveraineté nationale et faire de la formation un espace de promotion des compétences orientées vers la souveraineté sanitaire. 

Le think tank appelle également à définir un modèle durable de financement du système de santé garantissant une «justice sociale et sanitaire». Pour cela, il suggère la mise en place d’un nouveau système de financement, basé sur la responsabilisation des acteurs et sur leur contribution systématique aux dépenses de santé (généraliser l’accès aux soins selon un panier prédéfini). Il propose, à cet égard, «de renforcer le financement contributif à travers la généralisation de l’AMO et l’augmentation des cotisations selon la capacité de financement des assurés, d’accroître sensiblement la part consacrée à la santé dans le budget de l’État, à faire contribuer davantage les collectivités territoriales au financement de la santé (construction d’établissements de soins de santé primaire, promotion de la santé, prévention, hygiène de vie, nutrition…)», lit-on dans le rapport de l’IRES. Le document plaide également pour l’allègement de la charge financière qui incombe aux ménages et qui constitue un obstacle majeur à l’accès aux soins. Il faut en particulier «explorer la faisabilité de l’exemption de paiement pour les programmes de santé publique au profit des populations pauvres et vulnérables identifiées sur la base du registre social unique (RSU) et de la moralisation du recours aux soins spécialisés à travers la mise en place d’un ticket modérateur», est-il indiqué. 

De même l’IRES insiste sur l’importance d’accroître l’efficience financière du système de santé, notamment en rationalisant les procédures de gestion et de financement et en incitant au regroupement des organismes gestionnaires au sein d’une seule caisse nationale d’assurance maladie. Il défend aussi l’importance de faire de la santé un levier du développement et de la promotion économiques, notamment via «la diplomatie sanitaire» pour en faire un espace de croissance des marchés de santé au Maroc (tourisme sanitaire, hub d’exportation de médicaments et d’équipements médicaux, notamment vers l’Afrique)…

Des voies à explorer proposées pour contourner les points faibles du système de santé et les barrières au développement de l’offre de soins, ainsi que les risques du dualisme sanitaire qui participent au creusement des fractures sociales ainsi que pour alléger la pression sur les ménages en termes de dépenses de santé.  

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Quel modèle sanitaire pour le Maroc ? Les enseignements à tirer des expériences étrangères réussies

Les exemples du système de santé cubain, allemand et turc sont évoqués par l’IRES dans son rapport pour illustrer de bonnes pratiques sanitaires reconnues à l’échelle internationale. «Chacun de ces exemples offre, en effet, des spécificités utiles à rappeler pour en tirer quelques enseignements pour le Maroc», souligne l’Institut dans son rapport. L’exemple de Cuba est un modèle fondé sur la gratuité des soins et sur la médecine familiale de prévention. Un modèle intégré reliant «formation, recherche & développement et industrie du médicament». C’est aussi un modèle de diplomatie sanitaire puisque le secteur de la santé à Cuba constitue une source importante de revenus à l’export, grâce à une stratégie de coopération internationale appréciée au plan mondial. 

L’exemple allemand se distingue par la décentralisation, la contractualisation et la démocratie sanitaire. Il s’agit d’une décentralisation et une contractualisation croisées : privé-public, État fédéral et régions (Länder), assureurs et associations professionnelles. Le système de santé allemand est cité pour le succès de son modèle de décentralisation sanitaire et pour le pragmatisme des réformes consenties par les acteurs du système de santé par voie de contractualisation. 

L’exemple de la Turquie érige la santé en levier de développement industriel et touristique. Il se distingue par les résultats remarquables, dans le domaine social et économique, générés par des politiques publiques volontaristes de réforme du système de santé, enclenchées au début des années 2000. L’objectif de la Turquie est de rejoindre les nouveaux «pharmerging countries» (les pays pharmaceutiques émergents) représentés par des pays comme le Brésil, l’Inde et la Chine. Dans cette perspective, le pays a établi une feuille de route ambitieuse «Vision 2023», avec plusieurs projets dont des «Big City Hospitals».

 

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