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Loi de Finances rectificative : le gouvernement et BAM contre, les experts préconisent d’y songer

Le gouvernement ne compte pas recourir à une loi de Finances rectificative, du moins pour le moment. La décision du gouvernement est appuyée par le wali de Bank Al-Maghrib qui a, à son tour, assuré que la situation actuelle ne nécessitait pas une telle mesure. Contactés par «Le Matin», deux économistes ont également préconisé d’attendre encore avant de passer à l’acte. Ils ont toutefois appelé à engager la réflexion.

Loi de Finances rectificative : le gouvernement et BAM contre, les experts préconisent d’y songer

Le Maroc n’a pas besoin d’une loi de Finances rectificative ! Cette position affichée par le gouvernement a été appuyée, mardi dernier, par le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri (lire aussi en page 9). Une position ferme en dépit d’une situation économique inédite marquée par les répercussions de la pandémie de Covid-19, d'une sécheresse des plus dures depuis ces 40 dernières années et de la flambée des prix consécutive notamment à l'envolée du pétrole et d'autres commodities. Dans sa réponse aux questions des journalistes à l’issue de la réunion du Conseil de la Banque centrale, M. Jouahri a affirmé que les paramètres de la loi de Finances 2022 permettent toujours au gouvernement de faire face aux conditions économiques actuelles aussi bien au niveau des dépenses publiques que des recettes. L’artisan de la politique monétaire du pays vient donc soutenir la position de l’Exécutif.

Interpellés sur la question, le porte-parole du gouvernement ainsi que le ministre du Budget avaient affirmé que la situation actuelle, malgré ses complications, ne nécessitait pas le recours à une LF rectificative. En effet, Fouzi Lekjaâ avait annoncé lors d’une sortie médiatique que la loi de Finances adoptée en décembre 2021 est largement en mesure d’offrir à l’Exécutif les moyens de gérer la situation actuelle. Mustapha Baïtas avait, de son côté, affirmé il y a un mois, lors d’un point de presse, que le gouvernement n’avait pas l’intention d’élaborer une telle LF. «Nous disposons encore de marges de manœuvre budgétaires pour faire face aux conditions difficiles imposées par la conjoncture internationale», avait-il expliqué. Pour l’Exécutif, une loi de Finances rectificative s’impose uniquement lorsque les recettes budgétaires sont exposées à un risque. Mustapha Baïtas a ainsi donné l’exemple de l’année 2020, marquée par des confinements stricts dus à la propagation de la Covid-19 et l’arrêt de l’activité économique pendant plusieurs semaines.

Devant la hausse des prix sur le marché international et les complications économiques que cela représente pour le marché national, plusieurs partis de l’opposition avaient lancé un appel pour l’élaboration d’une loi de Finances rectificative. C’est le cas notamment du Mouvement populaire (MP) qui ne voit pas d’autre solution à cette crise. Dans un communiqué, le parti dirigé par Mohand Laenser avait appelé le gouvernement à adopter une politique de plafonnement des prix et à apporter un soutien aux petits agriculteurs. Le parti, très implanté dans le monde rural, avait également appelé l’Exécutif, les différentes institutions publiques ainsi que les collectivités locales à élaborer un programme national urgent et des programmes régionaux et locaux pour limiter les répercussions de la sécheresse. Qu’en disent les spécialistes ?

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Zakaria Firano, enseignant-chercheur à l’Université Mohammed V Rabat Agdal 
«Les germes d'une LF rectificative sont déjà là !»



Dans une déclaration accordée au «Matin», l’enseignant-chercheur à l’Université Mohammed V Rabat Agdal, Zakaria Firano, n’exclut pas le recours dans les prochaines semaines à une loi de Finances rectificative. Il faudra attendre le mois de mai pour voir l’évolution de la conjoncture internationale, notamment les répercussions de la guerre en Ukraine. Pour le chercheur, les germes d’une LF rectificative sont déjà là. En effet, les hypothèses sur lesquelles a été basé l'actuel Budget sont déjà obsolètes, estime-t-il. Il s’agit notamment d'un taux de croissance de 3% et qui a été revu à la baisse à 0,7% par la Banque centrale. La sécheresse a également détruit l’espoir d’une bonne année agricole. Le gouvernement tablait sur une récolte de 80 millions de quintaux. Or elle ne dépassera pas les 30 millions, souligne l’économiste (25 millions annoncés mardi par M. Jouahri).
S’agissant du pétrole et du gaz, la flambée des cours n’est plus un secret pour personne. On est déjà très loin des 80 dollars estimés pour le baril de pétrole et des 450 dollars la tonne pour le gaz. En effet, les cours du pétrole ont déjà franchi la barre des 100 dollars depuis plusieurs semaines et le FMI évoque une moyenne de 101 dollars pour le reste de l’année. Les prix du gaz culminent, quant à eux, à plus de 1.000 dollars la tonne.
Pour M. Firano, le recours à une loi de Finances rectificative reste donc une option très plausible dans les prochaines semaines. La réflexion doit être déjà lancée autour de la question, nous a-t-il déclaré en soulignant l’importance du volet social dans l'éventuel nouveau texte. «Le wali de BAM a évoqué l’idée d’un Fonds de crise. Si la tendance actuelle se poursuit, il faudra sérieusement y penser et l'implémenter dans cette loi de Finances rectificative», a souligné M. Firano.

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Abdennabi Aboulaarab, enseignant-chercheur
«Le gouvernement a encore une marge de manœuvre»



Trois mois seulement après le début de l’année, il est encore tôt pour parler de la nécessité d’une loi de Finances rectificative, estime l’enseignant-chercheur Abdennabi Aboulaarab. Il est vrai que la situation n’est pas claire, mais les choses semblent encore sous contrôle, dans la mesure où le gouvernement a toujours une marge de manœuvre pour prendre en charge les effets croisés de la sécheresse, de la pandémie et de la situation internationale, et notamment l’impact de la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale, souligne l’économiste.
Toutefois, si la conjoncture vient à s’aggraver, avec une détérioration de l'agriculture et de la situation internationale, le gouvernement sera obligé d’agir. En effet, si l’impact de la crise en Ukraine sur les prix devient plus important et que les cours des matières premières, notamment du pétrole, atteignent des records, le gouvernement va être dans l’obligation de prendre cette mesure. Avec de telles données, le recours à une loi de Finances rectificative sera justifié, car toutes les bases sur lesquelles le Budget 2022 a été élaboré seront remises en question. Dans ce cas, le nouveau texte sera à caractère social dans l’objectif de limiter l’impact de la crise croisée sur le pouvoir d’achat des Marocains.

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