Le Matin : Vous êtes arrivé au Maroc en pleine pandémie. C'est-à-dire à un moment où les activités culturelles se faisaient très rares. Comment le Centre russe pour la science et la culture (CRSC) a-t-il fonctionné avec cette période ?
Peter A.Iakhmenev Ph.D. : Tout d'abord, je voudrais remercier les éditeurs du «Matin» pour l'opportunité d'avoir un dialogue direct avec les lecteurs de cette publication respectée. En effet, ce n’est que depuis la fin du mois d’octobre de l'année dernière que je dirige le Centre russe pour la science et la culture dans la capitale marocaine. Ce Centre, ouvert en 1967, fait partie de l'une des 73 maisons russes similaires à l'étranger. Notre principale organisation, l'Agence fédérale Rossotrudnichestvo, fait partie de la structure du ministère russe des Affaires étrangères et est représentée dans 80 pays à travers le monde. Sa mission principale est de diffuser une idée objective de la Russie moderne à l'étranger. Sachant que le monde change rapidement et nous ne pouvons pas opérer dans le cadre de vieux dogmes et modèles. La pandémie nous a, largement, servi de déclencheur pour mettre à jour et introduire de nouvelles solutions. Car, malgré cette période exceptionnelle, les événements n’étaient pas aussi rares, puisque le CRSC a organisé une série d'événements en l'honneur de l'anniversaire de Fiodor Dostoïevski, conjointement avec la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc. Hélas, certains webinaires expositions et interviews ont été transférés en format digital. Mais en conséquence, le nombre de nos abonnés sur les réseaux sociaux a commencé à augmenter et la couverture annuelle des vues a aussi marqué une hausse considérable. Cependant, rien ne peut remplacer les rencontres et le dialogue direct entre les personnes.
Après avoir passé cinq mois au Maroc, vous avez eu un aperçu sur la culture et les arts au Maroc. Quelle est votre stratégie pour s'adapter et avancer dans ce domaine ?
Les cultures de nos deux pays sont très riches. Bien sûr, le but principal de la Maison russe dans ce domaine est de faire connaître aux habitants du Maroc l'art de la Russie, son originalité et sa diversité. Mais en même temps, on tient compte de l'intérêt des Marocains eux-mêmes pour certains types de création, notamment la peinture, la littérature, la musique classique et la chorégraphie. Nous essayons, également, de promouvoir activement les réalisations de la Russie dans les domaines scientifique et de la recherche. La coopération humanitaire et le tourisme peuvent être des points d'interface actifs. La stratégie de nos actions est ouverte dans le langage de la science, de l'éducation, de l'art, du sport, pour transmettre au public marocain, qu'il soit enfant, jeune, adulte, politicien ou citoyen ordinaire, la réalité sur la Russie.
Quels sont, selon vous, les besoins du Maroc en matière de culture ?
Je suis depuis peu au Maroc, invité dans ce pays ami. De plus, la culture marocaine elle-même est riche, diversifiée et en constante évolution. Je lui souhaite seulement une prospérité continue.
Quelles seront vos priorités pour terminer cette saison culturelle ?
Je voudrais souligner qu'il est extrêmement important pour nous de préserver la mémoire historique, la vérité sur les défenseurs de la Patrie, qui est particulièrement importante dans la situation actuelle. Aujourd'hui, nos activités se diversifient de plus en plus. Nous essayons d'intensifier le dialogue culturel et humanitaire, d'impliquer les régions dans une interaction active des deux pays, des organismes publics, des compatriotes, des étudiants et des jeunes. Nous nous réjouissons d'élargir les contacts avec nos partenaires marocains et les établissements d'enseignement supérieur du pays. Dans un avenir proche, avec l'aide de l'Ambassade de la Fédération de Russie au Royaume du Maroc, nous prévoyons d'ouvrir à Rabat une exposition consacrée à l'exploration du Maroc par le voyageur russe du XIXe siècle, Konstantin Vyazemsky. Elle a été préparée par le Musée de la culture islamique de Saint-Pétersbourg. Le projet ne raconte pas seulement le passé. Il se concentre sur le présent et l'avenir de nos relations. Le contenu de l'exposition invite à une profonde réflexion. Nous espérons, aussi, faire connaître au public marocain la poésie d'Alexandre Pouchkine. J'ai admiré les traductions de ses poèmes en amazigh préparées par l'Institut Royal de la culture amazighe. Le site de la Maison russe à Rabat est ouvert à l'échange d'idées et de propositions intéressantes. Car, il est important pour nous de nous écouter et de nous entendre dans ce monde en constante évolution.
Avez-vous pensé à des échanges entre artistes russes et marocains pour renforcer davantage les liens entre le Maroc et la Russie ?
Pour que le dialogue soit productif, il doit être basé sur l'intérêt mutuel des uns et des autres. Et la pierre angulaire de la construction d'un tel dialogue, à mon avis, est la culture. Nos événements visent à populariser la créativité des peuples de Russie, en libérant le potentiel de ses régions. Ainsi, les échanges sont un moyen efficace pour raffermir les liens entre la Russie et le Maroc. Pour cela, nous prévoyant un échange plus large à travers des expositions d'œuvres d'artistes de nos pays, des concerts de musique et de danse. Nous comptons, également, sur les activités du côté marocain. Pour le bureau de représentation de Rossotrudnichestvo au Maroc, la diplomatie culturelle est la base du développement des liens humanitaires avec nos partenaires marocains.
En dehors des activités musicales et plastiques que le CRSC mène d'une manière continue, quelles sont les autres disciplines qui vous tiennent tant à cœur ?
L'activité de la Maison russe à Rabat s'adresse à tous ceux qui s'intéressent à la Russie et souhaitent la paix et l'amitié. Nous nous efforçons de représenter activement la Russie sur les sites des instituts, universités, associations, et pas seulement dans la capitale, mais aussi dans d'autres villes du Maroc. De plus, nous essayons d'élargir le dialogue avec les collègues marocains dans le domaine des sciences humaines et sociales. Pour nous, un domaine d'activité important pour la préservation de l'identité culturelle russe est le travail avec les compatriotes. À ce jour, environ 30 millions de compatriotes russes se sont retrouvés hors de Russie pour une raison ou une autre. C'est l'une des plus grandes diasporas au monde. Nous soutenons les compatriotes dans leur désir de préserver la langue russe et de transmettre des connaissances sur la culture et les traditions russes. Ainsi, à travers Rossotrudnichestvo, nous envoyons chaque année des jeunes dans notre pays, y compris du Maroc, dans le cadre des programmes de familiarisation «Hello, Russia !» et «EurasiaGlobal». Les programmes offrent aux jeunes citoyens étrangers non seulement l'occasion de visiter et de découvrir la Russie, mais aussi d'établir des contacts professionnels, de nouer des partenariats à long terme avec des structures étatiques et non étatiques russes, des organisations de jeunesse et publiques.
Est-ce que l'enseignement de la langue constitue un rôle primordial que doit assumer un Centre culturel dans un pays étranger ?
Le russe est l'une des six langues de travail officielles de l'ONU. Rossotrudnichestvo soutient l'étude de la langue russe à l'étranger. La Maison russe à Rabat donne, depuis de nombreuses années, des cours de langue russe pour enfants et adultes. La langue russe est enseignée dans les Facultés des lettres et des sciences humaines de Casablanca, Fès, Rabat, Mohammedia. En général, nous travaillons activement à promouvoir l'éducation russe. Chaque année, Rossotrudnichestvo envoie 15.000 citoyens étrangers dans notre pays pour étudier dans le cadre des quotas du gouvernement russe. Selon le quota gouvernemental, des centaines de candidats marocains sont, chaque année, envoyés en Russie par le biais de contacts directs avec des universités et des instituts russes. Nous participons activement aux Journées de l'Éducation russe, des expositions pédagogiques dans de nombreuses villes du Maroc. Ainsi, j'invite tous ceux qui souhaitent faire des études en Russie, étudier la culture, l'Histoire de mon pays et ses réalisations scientifiques de joindre la Maison russe à Rabat.