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Morocco Today Forum : les enjeux de la participation des femmes pour un Maroc inclusif

Après deux ans d’absence, le Morocco Today Forum, organisé par le Groupe «Le Matin», est revenu pour sa cinquième édition avec une thématique forte : «La femme, actrice incontournable du développement du Maroc». Comme pour les quatre premières, cette édition a fait salle comble, tant les enjeux sont grands pour le développement économique et sociétal du Royaume.

Franc succès pour le Morocco Today Forum (MTF) 2022. La cinquième édition de cet événement, placée sous le Haut Patronage de S.M. le Roi Mohammed VI et organisée vendredi dernier à Casablanca par le Groupe «Le Matin», a encore une fois confirmé le positionnement de ce Forum en tant que plateforme de débat et de réflexion autour de sujets primordiaux pour le développement du pays. Emploi, insertion économique, scolarité et violence à l’égard des femmes figuraient parmi les sujets débattus lors de cette journée placée sous le thème «La femme, actrice incontournable du développement du Maroc». Malgré le rôle qui leur incombe dans ce développement, et «bien que des efforts louables aient été déployés durant les deux dernières décennies, femmes et filles continuent de subir des injustices et de rencontrer de nombreuses difficultés», a souligné Mohammed Haïtami, PDG du Groupe Le Matin dans son allocution d’ouverture des travaux de cette édition. 

Les messages forts de Akhannouch, Hayar, Rmili, Bouayach et Maâzouz au MTF

Dans un discours retransmis, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a souligné, pour sa part, l’évolution de la participation de la femme à la vie politique : de 2016 à aujourd’hui, le nombre de femmes ministres est passé de 1 à 6, celui des femmes au Parlement de 81 à 96. Concernant le taux d’activité de cette frange de la population, le Chef du gouvernement a révélé qu’un «ensemble de mesures seront mises en œuvre et les engagements gouvernementaux seront tenus» pour l’améliorer. 

En attendant, un autre levier du renforcement du rôle de la femme dans le développement du pays continue de s’améliorer : celui du taux de scolarisation des filles, a indiqué la ministre de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, Aawatif Hayar. En revanche, pour l’insertion de la femme dans le marché du travail, «les résultats sont loin d’être réconfortants», a-t-elle estimé, et ce en dépit des efforts déployés.  De son côté, Nabila Rmili, présidente du Conseil communal de Casablanca, a souligné que «la Commune œuvre pour parvenir à l’inclusion des femmes dans le monde du travail». Elle a par ailleurs révélé la création en cours de crèches, «pour accueillir les enfants et permettre aux femmes de maintenir leur emploi». 

Intervenant également lors de ce Forum, Abdellatif Maâzouz, président du Conseil de la région de Casablanca-Settat, a mis sous les projecteurs l’apport de la femme au monde de l’entreprise : des rendements à long terme de 36% en Bourse pour les entreprises à plus forte proportion de femmes à leur tête. Il a ensuite rappelé les projets adoptés cette année pour promouvoir l’insertion économique des femmes. «Nous avons adopté de nouveaux projets et réservé une enveloppe de 150 millions de dirhams, destinés à l’appui et l’accompagnement de 200 TPE/an, dont 30% féminines, de 300 AGR (micro-entreprises)/an  dont 60% de femmes, ainsi que de multiples coopératives féminines», a-t-il détaillé. 
Dans une intervention retransmise, Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme, a pour sa part soutenu que «le renforcement de l’accès des femmes aux postes de responsabilité est d’une importance majeure», tout en rappelant que «les avancées enregistrées sur ce volet, même si elles sont parfois invisibles, sont importantes et témoignent des changements qui continuent de marquer la société marocaine et les rapports entre ses différentes composantes». 

Pas de développement économique soutenable sans l’inclusion des femmes

«L’insertion économique des femmes, “un must” pour l’édification du Maroc inclusif» était le thème retenu pour le premier des trois panels au programme de cette édition. Younès Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, a rappelé la refonte du Code du travail, prévue pour juillet 2023. «Nous avons inventé, avec les syndicats, le gouvernement et le patronat un nouveau concept que nous avons appelé l’année sociale», a-t-il révélé. Un «Code du travail, avec le travail partiel et le travail à distance, avec tous les aménagements nécessaires qui vont au-delà de ce qu’une loi va prévoir pour libérer tout le potentiel du travail de la femme», a soutenu M. Sekkouri. 

Le monde rural est «à l’écart» pour des raisons de formation, éducationnelles et culturelles, fait remarquer, pour sa part, Ghita Lahlou, PDG Saham Outsourcing Fund. Dans le monde urbain, en revanche, «le problème n’est pas éducationnel», a-t-elle souligné. Après les études, les femmes n’accèdent pas, en général, au marché du travail, soit parce qu’elles ne le veulent pas ou ne le peuvent pas, pour des raisons familiales, d’organisation ou encore d’absence de structures comme les crèches. Pour Khalid Soudi, directeur de l’observatoire des conditions de vie de la population au HCP, un système d’information statistique performant est une exigence pour «bien comprendre la question de l’égalité homme-femme». Ce qui permettrait de comprendre, entre autres, les barrières derrière l’inactivité des femmes», a-t-il ajouté tout en précisant que cette inactivité n’est pas un choix, ni une fatalité, mais «le résultat d’un ensemble de facteurs qui se conjuguent». 

Pour Fosca D’Incau, Private and Finance Analyst Gender Focal Point (PNUD), le renforcement des opportunités économiques pour les femmes repose sur 3 éléments : l’employabilité, avec un emploi décent, l’entrepreneuriat et l’accès au financement. Sans cette inclusion, la participation des femmes à l’économie du pays ne pourrait évoluer. Et «Il n’y a presque aucun pays qui a pu avoir un développement économique et social soutenable sans une augmentation de la participation des femmes dans la vie économique», a affirmé Jesko Hentschel,  directeur Pays pour le Maghreb et Malte, Banque mondiale. 

Éducation et formation des femmes : travailler sur l’offre et faire évoluer les comportements

Les chiffres en matière de scolarisation des filles ont nettement progressé, avec actuellement un taux de 72% en préscolaire (qui devrait atteindre 100% en 2027), 100% au primaire (milieux urbain et rural) et 85% au secondaire (collégial et qualifiant). Les actions engagées par les pouvoirs publics ont ainsi permis de faire évoluer favorablement la situation, que ce soit par un élargissement de la tranche d’âge concernée par l’obligation de scolarité (4-16 ans au lieu de 6-15 ans précédemment), la construction d’écoles et le recrutement d’enseignants, ou encore le soutien à la scolarisation à travers le programme Tayssir, qui bénéficie aujourd’hui à 2,5 millions d’enfants pour un budget total de 2,7 milliards de dirhams. 

Néanmoins, et comme l’explique le directeur de la Stratégie, des statistiques, et de la planification auprès du ministère de l’Éducation nationale, du préscolaire et des sports, Adil Bajja, la scolarisation des filles demeure confrontée à des défis, à commencer par le rééquilibrage territorial entre les milieux urbain et rural, la réduction du taux d’abandon scolaire (qui touche aussi bien le primaire que le secondaire) et la lutte contre les stéréotypes qui empêchent les filles d’accéder aux filières scientifiques.

Pour remédier à ces écueils, l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) agit à deux niveaux. Le premier consiste en une action sur l’offre à travers la généralisation du préscolaire, étant donné que la petite enfance représente la principale fenêtre pour le développement de l’individu. «La IIIe phase de l’INDH vise à généraliser le préscolaire là où il n’y a pas d’école, c’est-à-dire dans 47.000 douars et localités rurales», a fait savoir le wali coordinateur national de l’INDH, Mohammed Dardouri
L’INDH est aussi très impliquée avec le ministère de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille pour appuyer la scolarisation des filles au-delà du cycle primaire à travers la construction de «Maisons de l’étudiante», la mise à disposition du transport scolaire et aussi en agissant sur le volet «santé scolaire» en procurant aux jeunes filles qui commencent à avoir leurs premières règles des kits d’hygiène. 
Quant au second niveau, l’INDH opère rigoureusement pour un changement de comportements. «Les politiques publiques et les offres, quelles qu’elles soient, seraient inefficaces si la demande ne suit pas», souligne M. Dardouri, précisant qu’«aujourd’hui, l’INDH agit sur les freins à l’émancipation des femmes, qu’ils soient d’ordre culturel ou liés aux infrastructures (routes, accès à l’eau potable...)». 

Violence à l’égard des femmes, une pandémie difficile à éradiquer

«La violence à l’égard des femmes est une véritable pandémie. C’est la discrimination la plus répandue et la plus partagée par les femmes dans le monde entier. Elle traverse toutes les sociétés, toutes les cultures et tous les espaces de vie», a déclaré Leïla Rhiwi, représentante de l’ONU Femmes au Maroc lors de son intervention au troisième panel du MTF qui a porté sur le thème «La lutte contre les violences, un défi majeur pour le Maroc de la dignité et de la modernité». Les intervenantes à ce panel ont commencé par rappeler qu’au Maroc ce fléau a touché plus de 7,6 millions de femmes en 2019, soit 57,1%. Mariama Laraki, commissaire divisionnaire, chef du Service des affaires portant atteinte à la famille à la Direction générale de la Sûreté nationale, a souligné que la tranche d’âge qui subit le plus de violence est la tranche d’âge active. «D’après les statistiques de la DGSN, 38% des femmes âgées entre 31 et 45 ans sont touchées par la violence. Ces actes ont évidemment des conséquences sur leur vie personnelle, mais aussi professionnelle – interruption du travail, invalidité, etc. –, cela les prive de leur droit au travail et de participer ainsi au développement du pays. Mais l’édification d’un Maroc de dignité et de développement ne peut pas se faire sans la participation effective de la femme dans tous les domaines». 

Au cours de ce panel, il a également été rappelé que le coût global de la violence faite aux femmes est estimé à 2,85 milliards de DH, soit une moyenne de 957 DH par victime. Amina Lotfi, présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), estime que la révision de certaines lois est indispensable pour vaincre ce fléau. «Il faut mettre en place une approche globale, intersectorielle et concertée pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence et de discrimination. Cela suppose d’harmoniser toutes les lois et politiques publiques avec les engagements nationaux et internationaux du Maroc», a-t-elle affirmé. 
De son côté, Aawatif Hayar a passé en revue les principales réalisations de son département en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Elle a ainsi déclaré que le ministère a consacré cette année un budget de 200 millions de dirhams pour la réhabilitation et la mise en place de plus 80 centres de lutte contre la violence à l’égard des femmes à travers le pays. Les intervenantes à ce panel étaient unanimes à penser qu’il faut fournir plus d’efforts pour faire évoluer les mentalités, car le Maroc dispose de tous les moyens pour vaincre ce fléau, mais n’a pas encore réussi à trouver la bonne méthode. «C’est comme si on avait tous les ingrédients et qu’il nous manquait la recette», comme l’a si bien illustré Ihssane Benbel, journaliste et membre du Comité parité et diversité de 2M.

Cette grand-messe, qui a fait salle comble, s’est achevée sur une déclaration, la Déclaration du MTF, et la cérémonie de clôture a été marquée par la lecture d’un message de fidélité et de loyalisme à S.M. le Roi Mohammed VI

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Voici quelques points de la déclaration du MTF

Le «changement de la culture et des mentalités» s’est imposé comme recommandation de base et commune aux 3 panels, a précisé Bouchra Rahmouni, directrice scientifique du MTF. Dans cet esprit, il a été recommandé notamment : 

  • D’enclencher une démarche sociétale pour comprendre les contraintes et les obstacles et travailler sur le changement des cultures et des perceptions.
  • De lutter contre les stéréotypes sexistes qui empêchent les filles de continuer leurs études. Les pratiques de la société montrent que les stéréotypes sont toujours un phénomène réel.
  • D’agir sur les mentalités pour privilégier l’approche «couple» plutôt que l’approche «femme» comme unique source d’éducation et de soins pour l’enfant et la famille.
  • Dépasser des stéréotypes qui perdurent à l’encontre de l’entrepreneuriat féminin, ce qui nécessite l’identification des stéréotypes pour entamer une transformation des mentalités et engendrer une transformation structurelle et systémique.
  • D’entreprendre une véritable révolution culturelle en faveur de l’égalité entre les sexes. Il faut éduquer à l’égalité pour promouvoir une masculinité positive.

Vingt recommandations relatives au panel «L’insertion économique des femmes, “un must” pour l’édification du Maroc inclusif» ont ensuite été annoncées, 11 pour le panel «L’éducation et la formation des femmes, la clé pour un Maroc prospère» et 4 pour le panel «La lutte contre les violences, un défi majeur pour le Maroc de la dignité et la modernité». La cérémonie de clôture a été marquée par la lecture d’un message de fidélité et de loyalisme à S.M. le Roi Mohammed VI.


Hajjar El Haiti, Hicham Oukerzaz et Abdelhafid Marzak

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