Pour avoir une harmonie et une belle scénographie dans l’accrochage des œuvres, Ahmed El Hayani, Aziz Benja et Cheikh Zidor ont convenu d’unifier le format de leurs tableaux. Ce qui a donné lieu à une présentation tout à fait homogène rehaussée par le talent de chacun. Car, les parcours des trois artistes sont aussi éloquents aussi bien au Maroc qu’à l’étranger. Le critique d’art Azdine Hachimi Idrissi précise à ce propos qu’en plus de cette rencontre dans une même exposition, «“RetrouvArt” est aussi la volonté de faire dialoguer des expériences artistiques… et des parcours. Sachant qu’Ahmed El Hayani est dans la semi-abstraction teintée d’expressionnisme lyrique, Aziz Benja est dans la figuration moderne et épanouie, et Cheikh Zidor dans une abstraction absolue». Pour le premier, Azdine Hachimi Idrissi indique que les œuvres semi-abstraites d’Ahmed El Hayani sont toutes dans la suggestion. «La représentation symbolique d’un bâti issu d’une architecture avec des formes verticales accentuées. Ses volumes lourds happent le regard vers le haut. C’est un imaginaire qui récuse les dérives architecturales qui ont transformé les villes en lieu saturé de béton… que l’artiste qualifie de monstre.
Raser un arbre… pour planter du béton est une formule très forte de l’artiste El Hayani». Ce dernier estime que le désir constant des citadins de fuir vers la nature n’est qu’une quête du paysage. Mais, aussi, un cri d’indignation et un message humain et social, tout en restant un esthète de grande qualité, comme le précise le critique d’art. Pour Aziz Benja, qui revisite différents styles, «celui-ci a choisi de participer à cette exposition avec des œuvres figuratives. Son langage plastique est reconnaissable par le souci du détail, la vivacité des couleurs, la force des contrastes, les captivants ciels jaunes et aussi la représentation des miroitements sur l’eau… qui l’apparente aux impressionnistes», souligne Azdine Hachimi qui a retenu ses propos concernant le débat inépuisable autour de la figuration/abstraction. Quant à Cheikh Zidor, celui-ci reste, selon la lecture critique de Hachimi, dans son abstraction «absolue» qui est fondée sur l’équation clair-obscur avec des effets de pulvérisation de lumière. «Certaines lectures du travail de Cheikh Zidor évoquent les thèmes de spiritualité, de nostalgie historique, de mémoire, les villes de Fès et Tétouan… Certes, son expérience plastique est associée à sa ville natale Fès, mais on n’y décèle pas des traces architecturales ou urbaines.
Le lien n’est pas direct, mais la corrélation existe». Son univers pictural est associé à la ville de Fès, à travers le jeu d’ombre et de lumière qui ponctue les ruelles de la Médina, puis les couleurs des remparts et les nuances du vieux bâti patiné par le temps. «C’est comme si ces murailles étaient, dans l’imaginaire de Cheikh Zidor, une sorte de palette géante de laquelle il prélèverait les couleurs qu’il dépose sur ses toiles. Ses œuvres laissent parfois percevoir un effet de loupe ou d’amplification… Une volonté d’aller vers le détail pour analyser, décomposer et fractionner toutes les nuances», conclut Azdine Hachimi Idrissi, dont la lecture nous revoie à apprécier encore plus les travaux de ces trois artistes et rentrer, puis comprendre leurs univers respectifs.