Fitch Solutions vient de publier une étude sur le positionnement des fintechs dans l’inclusion financière et bancaire au Maroc. Bien qu'il n'en soit qu'à ses débuts, l'écosystème fintech marocain se transforme rapidement en un marché dynamique, souligne le spécialiste international du risque de crédit et de macro intelligence. «Les efforts du gouvernement pour réglementer le secteur et créer un environnement propice à l'adoption des technologies financières s'avèrent fructueux en termes d'inclusion financière», estiment les experts Fitch Solutions, qui est le principal distributeur de contenu de notation Fitch Ratings. En 2017, seulement 29% des adultes avaient un compte bancaire. Ce chiffre est passé à 44% selon le rapport Global Findex de la Banque mondiale, la numérisation jouant un rôle important dans l'accès aux services financiers.
De plus, le pays dispose d'un marché mobile mature et une population sous-bancarisée, créant un environnement idéal pour le développement accéléré des services financiers mobiles. Dans ce cadre, Bank Al-Maghrib (BAM) se positionne comme un promoteur de l'adoption des technologies financières et encourage le système financier bien structuré du pays à investir dans le numérique. Le renforcement de l'inclusion financière est l'un des piliers de la stratégie nationale de BAM et ses prévisions prévoient que les utilisateurs de mobile wallet passeront de 0,4 million en 2019 à 6 millions d'ici 2024, avec un nombre total de 1,3 milliard de transactions. La Banque centrale vise également l'objectif de faire passer la valeur des transactions à 50 milliards de DH (environ 5,3 milliards de dollars) en 2023.
L'adoption des services financiers mobiles, une tendance à plus long termeFitch estime, toutefois, que malgré la promotion par le gouvernement de l'écosystème des paiements numériques et les efforts des opérateurs de télécommunications, l'adoption de l'argent mobile (Mobile money) au Maroc est restée faible. Seulement 6% des Marocains de plus de 15 ans avaient un compte Mobile money en 2021, après avoir atteint 1% en 2017. L'adoption des paiements numériques est également restée faible, seulement 30%ayant effectué ou reçu un paiement numérique en 2021 (contre 17% en 2017).Pour Fitch, la raison en est double. Premièrement, bien que le gouvernement et BAM aient travaillé à la création de réglementations encourageantes, la législation en vigueur reste restrictive pour les entités non bancaires, compte tenu des règles strictes de KYC (Know Your Customer : la connaissance de la clientèle) dans le pays.«Alors que les mesures KYC strictes du régulateur sont compréhensibles en termes de prévention du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme, leurs directives imposent de lourdes limitations à la possession d'un compte mobile», indique Fitch Solutions. Par exemple, le niveau de portefeuille mobile le plus détendu, qui ne nécessite pas de compte bancaire ni de pièce d'identité, plafonne l'argent détenu dans le portefeuille à seulement 200 DH, soit environ 20 dollars.Deuxièmement, les Marocains se méfient des moyens de paiement sans numéraire et des nouvelles technologies. En outre, le nombre élevé d'agences bancaires disponibles dans le pays favorise le flux physique d'argent. Pour Fitch, le régulateur travaille dur pour renverser ces sentiments parmi la population en intégrant la technologie à grande échelle dans ses propres processus. De plus, le passage au sans numéraire rendu nécessaire par la pandémie a accéléré l'adoption des services financiers numériques. Fitch Solutions s’attend ainsi à ce que l'adoption des services financiers mobiles (MFS) émerge comme une tendance à plus long terme. Elle sera notamment soutenue par la population croissante de jeunes du pays, car les jeunes ont tendance à se méfier moins de la technologie.
En raison de ces sentiments d'appréhension, il est probable que les startups émergentes auront plus de mal à gagner en envergure que les plateformes fintech gérées par des entités établies comme les opérateurs de télécommunications et les banques traditionnelles qui bénéficient déjà d’une clientèle et d'une marque reconnue. Par conséquent, les banques et les opérateurs télécoms devraient tirer parti de leur position supérieure sur les fintechs indépendantes. Ceci, soit en investissant dans le développement de leurs propres offres financières numériques, soit en recherchant activement des opportunités de fusion et d'acquisition avec des startups qui ont du mal à surmonter la barrière de la confiance des consommateurs.