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Partis politiques : quel rôle pour la diplomatie parallèle

Dans la crise qui secoue les relations historiques entre Rabat et Tunis, les partis politiques marocains ont-ils un rôle à jouer ? pouvaient-ils faire quelque chose pour la prévenir ? Ces questions reviennent sur le devant de la scène après l’accueil officiel réservé en Tunisie au chef du polisario. Certes, la plupart des formations politiques disposent de structures dédiées aux relations extérieures, ce qui permet d’entretenir le contact avec leurs homologues d’autres pays, mais force est de constater que toutes n’ont pas les épaules assez solides pour assumer le rôle d’une diplomatie parallèle influente.

Partis politiques : quel rôle pour la diplomatie parallèle

La crise diplomatie entre le Maroc et la Tunisie, consécutive à l’accueil officiel réservé par le Président Kaïs Saïed au chef du polisario, a remis sur le tapis la question de la diplomatie parallèle, notamment celle assurée par les partis politiques. Certes, dès l’éclatement de cette crise, des partis politiques marocains sont entrés en contact avec des formations politiques et des personnalités tunisiennes pour s’assurer qu’elles ne cautionnaient pas la position de Kaïs Saïed qui a porté atteinte aux relations entre les deux pays. Elles ont également expliqué la position marocaine et diffusé des communiqués auprès de leurs partis amis et les organisations partisanes internationales dont elles font partie.

Mais la question de la place de la diplomatie partisane et son efficacité demeure posée. Il est de notoriété publique que les partis politiques marocains disposent de commissions chargées des relations extérieures et qu’il y a unanimité sur l’importance du rôle de la diplomatie partisane, mais sa performance diffère d’une structure politique à une autre. Et beaucoup d’observateurs estiment qu’il y a encore un effort à faire dans ce sens, aussi bien par les formations politiques elles-mêmes que par les pouvoirs publics. Les partis politiques doivent faire mieux en mettant en avant les profils adéquats et les acteurs à même de porter un discours cohérent et crédible. Et de leur côté, les pouvoirs publics sont invités à apporter un soutien aux formations politiques afin de les accompagner pour mener à bien cette mission, aussi bien en termes de moyens que de formations. Voici ce qu’en pensent certains acteurs partisans.

Reda Benkhaldoun, président de la section des relations extérieures au sein du PJD : «La diplomatie partisane permet de mieux expliquer le bien-fondé de la position marocaine»

«Le rôle de la diplomatie partisane est très important, contrairement aux idées reçues qui circulent. Au sein du PJD, la diplomatie partisane est considérée comme un appui à la diplomatie officielle. Et c’est grâce à cette diplomatie parallèle qu’on peut établir de canaux de communication avec des partis d’autres pays. Par exemple, nous avons des relations avec les partis des pays arabes, africains et aussi européens… Nous avons signé des accords de coopération et d’amitié avec eux. Je cite dans ce sens l’accord signé avec le Parti communiste chinois avec lequel nous avons de très bonnes relations. Ces accords et les relations qu’ils favorisent sont utiles et permettent de faciliter le dialogue et la communication et partant mieux expliquer le bien-fondé de la position marocaine s’agissant de l’intégrité territoriale. Qu’on soit dans la majorité ou dans l’opposition, c’est la même attitude qui est adoptée. Car la question de l’intégrité territoriale est une affaire qui fait l’unanimité de tous les partis politiques, de la société civile, des syndicats… C’est un dossier qui fait l’objet d’un consensus national. Cela est d’autant plus vrai que parfois le discours entre partis est plus convaincant que le discours officiel.

Par exemple, dans cette crise entre le Maroc et la Tunisie, le PJD a été le premier parti à publier un communiqué dénonçant la position hostile de Kaïs Saïed, quelques minutes après le communiqué de la diplomatie marocaine. C’était très rapide parce qu’on a considéré que la position du Président tunisien était aussi grave qu’inacceptable. Nous avons également eu des contacts avec des partis tunisiens – je ne veux pas les citer –, avec des intellectuels tunisiens… Nous leur avons dit que si vous avez une position, il faut le notifier par écrit. Nous leur avons dit que si vous gardez le silence, nous allons en prendre acte. Bien évidemment, le PJD jouit d’une grande crédibilité auprès de la classe partisane tunisienne et nous mettons ce capital image au service de la cause nationale.»

Khaoula Lachgar, coordinatrice du secrétariat des relations extérieures de l’USFP : «La majorité de nos interlocuteurs en Tunisie sont horrifiés par la posture de leur président»

«L’USFP dispose d’un secrétariat des relations extérieures. Cette structure actualise les données relatives au dossier de notre première cause qui est l’intégrité du territoire. La fierté au sein de l’USFP consiste dans la position adoptée sur ce sujet depuis le départ, depuis 1975 jusqu’à aujourd’hui. Cette position est défendue au niveau des instances internationales et est la même qu’on soit dans l’opposition ou dans le gouvernement. Dans ce cadre, notre parti a fait un travail de plaidoyer auprès de beaucoup de partis, notamment en Afrique et en Europe, qui ont compris que l’intégrité territoriale au Maroc n’est pas un enjeu de pouvoir ou de gouvernement, mais plutôt l’enjeu d’une nation. L’autre message qu’on essaye de faire passer, c’est la responsabilité de l’Algérie dans l’entretien de ce conflit… C’est le discours qu’essaye de porter l’USFP dans le concert international.

En ce qui concerne la crise actuelle avec la Tunisie, la majorité de nos interlocuteurs dans ce pays, partis politiques, syndicats ou autres, sont horrifiés par la posture du Président tunisien. En réaction, nous avons publié un communiqué et nous l’avons envoyé à tous nos partenaires, que ce soit les Tunisiens ou à nos partenaires à l’Internationale socialiste, les partis arabes, les partis africains… ainsi que des partis influents (Parti communiste chinois, PSOE) et les partis amis avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées.

La diplomatie est là pour rapprocher les points de vue et c’est encore plus le rôle de la diplomatie parallèle, parce qu’elle dispose de plus de latitude et de plus de marge de manœuvre que la diplomatie officielle. À l’USFP, nous communiquons régulièrement avec nos amis quand il y a des nouveautés, notamment qui touchent au dossier du Sahara ou de grands projets nationaux (élections, Discours Royal sur les droits des femmes…) ou des sujets cruciaux.»

Rahal Mekkaoui, chargé des relations internationales au Parti de l’Istiqlal : «L’Istiqlal table sur ses relations extérieures pour défendre les intérêts du Royaume»

«Au niveau du comité exécutif du Parti de l’Istiqlal, il y a un chargé des relations internationales, qui préside une commission des relations internationales. Cette commission est composée d’anciens ambassadeurs, de parlementaires, de jeunes, de femmes…, qui appartiennent aux différentes instances du parti et qui sont destinés à représenter le parti dans des rencontres ou des événements où il est question de défendre les intérêts du Maroc. Il est à souligner que le Parti de l’Istiqlal est membre d’un certain nombre d’organisations comme l’Internationale démocrate centriste et l’Union démocrate internationale, des organisations réunissant des formations politiques de droite et du centre.

Dans les deux instances, nous assurons la vice-présidence et nous sommes membres de leurs comités exécutifs. Nous sommes également représentés au niveau des antennes régionales, notamment en Afrique. Les réunions de ces instances sont une occasion pour faire des rapports sur le Maroc, son rôle, ses chantiers, ses réformes et surtout pour défendre le dossier de l’intégrité territoriale. Nous avons l’avantage de pouvoir parler à tout le monde, un travail qui complète le travail fait par la diplomatie officielle. Il faut rappeler, par exemple, que nous sommes un partenaire stratégique du Parti populaire européen qui est le premier parti politique sur le plan européen. Ce qui nous permet d’accéder facilement aux instances de cette formation et de participer à leurs assemblées. C’est une occasion de rencontrer un certain nombre de très hauts responsables au niveau européen pour, à chaque fois, expliquer et défendre les positions marocaines. En plus de cela, il y a les organisations parallèles du parti (femmes, jeunes, syndicats) ainsi que les parlementaires qui jouent aussi un rôle au niveau des relations internationales. De même, on est en contact avec les ambassades au Maroc pour, à chaque fois, expliquer notre point de vue sur l’évolution et l’avancement du pays.

Il faut rappeler que le Parti de l’Istiqlal était en contact avec des parlementaires et des partis politiques tunisiens avant la crise actuelle. Ces contacts se sont intensifiés depuis que le Président tunisien a gelé les institutions et le travail des parlementaires. Ces derniers avaient même des difficultés à se déplacer à l’étranger.»

Mohamed Rherass, membre du bureau politique du Mouvement populaire : «La diplomatie est un travail de longue haleine, d’où la nécessité d’avoir des structures dédiées au sein des partis politiques»

«Depuis longtemps, le principal acteur en matière de diplomatie, sur le plan mondial et non pas uniquement au Maroc, était l’État, à travers le département des affaires étrangères. Mais avec le temps, on a vite compris l’importance de la diplomatie parallèle, dont les acteurs sont les ONG, les acteurs économiques, culturels et bien entendu les formations politiques.

Il faut rappeler que lors du Discours Royal du 6 novembre 2009, à l’occasion de la commémoration de la Marche verte, S.M. le Roi était clair en demandant aux partis politiques de jouer leur rôle en contrant les attaques des adversaires de l’intégrité territoriale. Depuis, on a constaté que les formations politiques ont commencé à bouger selon les moyens dont elles disposent. Il y a des partis qui ont des antennes sur le plan international, comme le Mouvement populaire (MP), qui préside l’Internationale libérale qui rassemble des centaines de partis du monde entier. Le MP préside également le Réseau des partis de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, le Réseau libéral Al Hurriya (RLAH).

Cela dit, j’estime que la diplomatie est un travail de longue haleine dont les résultats ne sont visibles qu’à long terme. D’où la nécessité au sein des partis d’avoir des structures dédiées. En effet, il y a des formations politiques qui ont procédé à une organisation en interne et ont mis sur pied des commissions des relations extérieures, des commissions des relations publiques, nommé des représentants aux relations extérieures… Mais malheureusement, on n’arrive pas encore au niveau souhaité par S.M. le Roi dans son discours de novembre 2009, à quelques exceptions près. Le MP se distingue par le fait qu’il dispose d’un pôle dédié à la diplomatie, à travers une entité restreinte composée de quatre profils spécialisés, en contact avec le ministère des Affaires étrangères et d’autres institutions, ambassades et organisations internationales des partis.

La diplomatie partisane est indispensable. Mais pour bien jouer son rôle, elle a besoin de moyens matériels et logistiques. À ce niveau, le soutien de l’État est très important. Au même titre qu’il y a un soutien octroyé par le ministère de l’Intérieur sous forme de formations et autres, il doit y avoir un soutien aux formations politiques pour les aider à jouer leur rôle au niveau de la diplomatie parallèle.» 

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