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Mardi 19 Mars 2024
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Les problèmes de santé mentale au travail prennent des proportions alarmantes

Dépression, anxiété, burnout… les problèmes de santé mentale sont devenus très fréquents dans les milieux professionnels. Afin de se protéger contre les risques menaçant la santé mentale au travail, l’OMS et l’OIT ont rendu publique une nouvelle série de conseils.

Les problèmes de santé mentale au travail prennent des proportions alarmantes

urcharge de travail, manque de considération et de motivation, conflit, harcèlement… le milieu professionnel représente une source de souffrance pour de nombreuses personnes à travers le monde. Le rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la santé mentale dans le monde, publié en juin dernier, indique que le travail amplifie les problèmes sociétaux plus larges qui ont un impact négatif sur la santé mentale, notamment la discrimination et l’inégalité. L’intimidation et la violence psychologique sont les principales plaintes liées au harcèlement au travail qui ont un impact négatif sur la santé mentale. Pourtant, discuter de la santé mentale ou la révéler reste un tabou dans les milieux professionnels du monde entier. On estime également que 12 milliards de journées de travail sont perdues chaque année pour cause de dépression ou d’anxiété, ce qui coûte près de mille milliards de dollars à l’économie mondiale.

Au Maroc, même si on ne dispose pas de statistiques officielles, on sait que plusieurs personnes sont concernées par les problèmes de santé mentale au travail. Afin d’améliorer le quotidien de la population active, l’OMS et l’Organisation internationale du travail (OIT) ont rendu publique une série de conseils visant à prévenir et à se protéger contre les risques menaçant la santé mentale au travail. «Il est temps de se concentrer sur l’effet néfaste que le travail peut avoir sur notre santé mentale», a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. «Le bien-être de l’individu est une raison suffisante pour agir, mais une mauvaise santé mentale peut aussi avoir un impact débilitant sur les performances et la productivité d’une personne. Ces nouvelles directives peuvent contribuer à prévenir les situations et les cultures de travail négatives et offrir une protection et un soutien en matière de santé mentale dont les travailleurs ont grand besoin».

De son côté, Guy Ryder, directeur général de l’OIT, a souligné que tout le monde a besoin d’un environnement de travail sûr et sain, puisqu’on y passe une grande partie de notre vie. «Nous devons investir pour construire une culture de prévention autour de la santé mentale au travail, remodeler l’environnement de travail pour mettre fin à la stigmatisation et à l’exclusion sociale, et faire en sorte que les employés souffrant de troubles mentaux se sentent protégés et soutenus», a-t-il déclaré. 
Les nouvelles directives recommandent ainsi d’organiser une formation au profit des dirigeants, afin de renforcer leur capacité à prévenir les environnements de travail stressants et à répondre aux travailleurs en détresse. Les directives recommandent également de mieux prendre en compte les besoins des travailleurs souffrant de troubles mentaux, de proposer des interventions qui favorisent leur retour au travail et, pour ceux qui souffrent de troubles mentaux graves, de prévoir des interventions qui facilitent l’accès à un emploi rémunéré. Il est important de noter que les directives préconisent des interventions visant à protéger les travailleurs de la santé, de l’humanitaire et de l’urgence. Aiysha Malik, du département de la santé mentale et de la toxicomanie de l’OMS, a expliqué qu’il était essentiel d’empêcher que les gens courent des risques tels que des charges de travail très lourdes, être victime d’intimidation, de relations difficiles avec des collègues ou des supérieurs. «Cela doit changer ou nous continuerons à éprouver des difficultés avec notre santé mentale au travail, quel que soit le nombre d’outils de gestion du stress que nous appliquons», a-t-elle dit.

En plus de ces nouvelles lignes directrices, l’OMS et l’OIT ont publié une note d’orientation conjointe, présentant des stratégies pratiques pour les gouvernements, les employeurs et les travailleurs ainsi que leurs organisations. Elle explique également comment soutenir les personnes atteintes de troubles mentaux et les aider à participer et à s’épanouir sur le lieu de travail.
 

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Déclaration de Khalid El Alj, psychiatre-psychanalyste
Khalid El Alj : «Le meilleur remède pour s’en sortir est tout d’abord dans la prévention»

«En préambule à ce sujet, j’invite les lecteurs à revoir le film “Les temps modernes” de Charlie Chaplin et à lire Hegel, dans son ouvrage “La dialectique du maître et de l’esclave”. Ces références rendent compte sur les tensions qui, au-delà d’une certaine capacité à encaisser, seraient génératrices d’une pathologie mentale. Un individu qui se présente à son travail ne se défait pas de sa subjectivité. Ses vis-à-vis ne sont pas non plus des entités théoriques neutres et détachées. Il y occupe un rang dans un organigramme où il est censé faire avec des rapports de pouvoir qui ne coïncident pas nécessairement avec les niveaux de compétence ou de rentabilité que requière le poste. Il se trouve aussi que l’entreprise a en point de mire un impératif de performance. En contrepartie, elle s’engage sur un salaire. Mais le diable est dans les détails et, là où le bât blesse, c’est que l’équité idéale vous file toujours entre les doigts, quand bien même les techniques modernes de management font tout pour amortir les tensions… les services RH, la médecine du travail, les services sociaux, les syndicats, l’inspection du travail… N'en demeure pas moins que nous voyons de plus en plus de burnout, de dépressions et de décompensations traumatiques. Nous ne parlons pas ici des cas de prédispositions qui décompensent ou qui s’aggravent par les tensions au travail.
Que pouvons-nous donner comme conseils pour en sortir ? Le meilleur remède est tout d’abord dans la prévention. En premier lieu, la réalité transcende toute intersubjectivité : un contrat suppose que les signataires sont des humains, dans le sens plein du terme, qui ont des droits, mais rien que leurs droits. Bien que l’empathie ou l’amitié ne soient pas proscrites dans une entreprise, les rapports dans cette entreprise répondent tout d’abord à l’organigramme administratif. C’est hors de l’enceinte de l’entreprise que la vie personnelle commence. Par ailleurs, le don de soi dans l’entreprise, au-delà des termes du contrat, est un choix personnel et non une obligation. Gardons présent à l’esprit que le travail est un outil et non une finalité en soi, qu’il y a toujours des référents à qui on peut s’ouvrir pour discuter d’une éventuelle difficulté, au lieu de persister dans les non-dits, dont le cumule pourrait aboutir à des décompensations. Quoiqu’elles puissent être abruptes, ces considérations valent mieux qu’une déception. Mais quand on en arrive à la souffrance et aux symptômes, l‘intéressé devrait se résoudre à en référer à un tiers, un thérapeute.»

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