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Programmes ramadanesques : ce qu’en pensent les téléspectateurs

Sitcoms, caméras cachées, drames, fictions, télé-réalité... La grille ramadanesque sur les télés marocaines ne laisse jamais indifférent. Les avis partagés sur les réseaux sociaux en disent long sur les attentes et les déceptions des Marocains. Mais tout, n'est pas noir. Des téléspectateurs apprécient.

Programmes ramadanesques : ce qu’en pensent les téléspectateurs
Durant les premiers jours du Ramadan, 2m s’est accaparé 54% des parts d’audience en prime time

Le mois du Ramadan a toujours été une période de forte consommation de télévision. Les familles marocaines ont pris l’habitude de prendre le ftour devant leur écran depuis plusieurs années, ce qui pousse les professionnels de l’industrie audiovisuelle à s’activer comme jamais pour se préparer à cette occasion. Les chaînes nationales se lancent dans une course à l’audience proposant une multitude de programmes : sitcoms, caméras cachées, drames, fictions, télé-réalité… l’offre est aussi abondante que diversifiée. Mais qu’en pensent les téléspectateurs marocains ?

D’après les chiffres d’audience TV des trois premiers jours du Ramadan dévoilés par le Centre interprofessionnel d’audiences et de médias (CIAM), 2M arrive en tête des chaînes nationales et accapare, à elle seule, 54% de l'audience en prime time, contre 13% pour Al Aoula. De même, sur YouTube, les vidéos des programmes des deux chaînes nationales sont vues des centaines de milliers de fois en moins de 24 h Parmi les programmes phares de la deuxième chaîne qui attirent des millions de téléspectateurs tous les soirs, la fameuse émission de caméra cachée «Mchiti fiha» qui revient cette année pour une septième saison.

Mais même si cette émission attire chaque soir pas moins de 11 millions de Marocains, selon les statistiques du CIAM, elle fait partie des programmes qui accumulent le plus grand nombre de critiques négatives sur les réseaux sociaux. «Ça fait longtemps que je ne crois plus à cette caméra cachée. Tout est fake. Ça crève les yeux», écrit Brahim en commentaire sur la page Facebook de la chaîne. «Je n’aime pas du tout le genre de blagues faites aux célébrités. C’est très violent à mon goût. Je trouve que c’est vraiment dommage qu’on dépense beaucoup d’argent et qu’on déploie autant de moyens pour des bêtises pareilles», déplore Leila, une autre internaute.

La capsule «Ti Rah Ti» de Hassan El Fad, où il incarne une nouvelle fois le personnage culte de «Kabbour», est également de retour cette année. Toujours très appréciée par un grand nombre de Marocains, elle attire chaque jour plus de 7 millions de téléspectateurs après le ftour. Cependant, certains trouvent que cette nouvelle saison est de trop. «Hassan El Fad devrait arrêter d’incarner le personnage de Kabbour. Je pense qu’il a atteint ses limites. Personnellement, il ne me fait plus rire», tranche Amine, 27 ans.

Mais s’il est une production qui a déçu les Marocains durant ces premiers jours du Ramadan, c’est bien le sitcom «Zankat Assada» diffusé sur 2M. Ce dernier est loin de répondre aux attentes des Marocains qui n’y vont pas de main morte sur les réseaux sociaux. «On en a assez qu’on nous prenne pour des imbéciles. Ce sitcom est tellement superficiel et tout est surjoué. En plus, c’est la cinquième ou sixième année que le sitcom du prime time de 2M est tourné au même endroit avec les mêmes têtes. C’est vraiment aberrant, aucun respect pour le téléspectateur», s’indigne Rania sur Facebook.
Si le sitcom de la deuxième chaîne nationale est considéré comme un flop, la série dramatique «El mektoub» de Dounia Boutazout, Meriem Zaimi et Amine Naji cartonne dès le premier épisode. Elle raconte l’histoire d’une «Cheikha» et sa fille qui souffrent à cause du regard négatif que porte la société marocaine sur cette profession. Malgré quelques critiques, la plupart des commentaires sont très positifs. «La série est plutôt bonne sur un plan artistique. Le scénario a été soigneusement écrit et les événements sont bien enchaînés. Les acteurs jouent bien leurs rôles aussi sans exagération», indique Abdelkarim Ouakrim, journaliste et critique de cinéma sur sa page Facebook.

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Avis de Mariam El Ajraoui, chercheuse en cinéma à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

«Les chaînes de télévision ont la responsabilité de proposer au public des programmes de qualité»



«Je pense qu’il est encore un peu tôt pour parler des programmes du Ramadan de cette année. Mais on peut parler de la responsabilité de la télévision face au public et du problème de médiocrité de la majorité des programmes.
Les chaînes TV ont une double responsabilité face au public marocain concernant les programmes qu’elles produisent et diffusent. Premièrement, elles sont financées par des moyens qui dépendent totalement du public. Les taxes et subventions de l’État viennent de nos poches et les publicités qui viennent du secteur privé nous sont adressées et existent parce que nous les regardons et parce que nous consommons les produits marketés.
Deuxièmement, la télévision arrive dans les foyers des Marocains, contrairement au cinéma, par exemple, où le public choisit de voir tel ou tel film. Or la responsabilité de la TV ne s’arrête pas à ne pas “choquer” le public, ce qu’elle s’évertue à faire, mais aussi à lui proposer des programmes de qualité, ce qu’elle fait moins !
La médiocrité des produits télévisuels peut avoir pour cause plusieurs défaillances du système, mais il me semble que la plus importante est le manque de moyens. Les artistes, quels que soient leur bonne volonté et leur talent, ne peuvent travailler correctement s’ils n’ont pas suffisamment de temps pour écrire, répéter et tourner. Il suffit de regarder le jeu des acteurs pour le comprendre : les mêmes acteurs dont le talent éclot dans un film de cinéma deviennent facilement médiocres à la télé.
Il faut aussi que les chaînes de télévision ouvrent les portes à de nouveaux auteurs et à de nouveaux réalisateurs, au lieu de rester dans ce système fermé où les mêmes personnes produisent les mêmes sortes de contenus tous les ans !
Nous, le public, nous avons aussi une responsabilité face à ces programmes TV que nous ne cessons de critiquer. Nous pouvons manifester notre mécontentement en changeant de chaîne, ou mieux, en éteignant nos téléviseurs ! Peut-être est-ce le seul moyen d’obliger la TV à prendre son public plus au sérieux…»

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