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Le retard des pluies menace la campagne agricole

​Pas de pluies à l’horizon ! La situation risque de se compliquer pour une partie des agriculteurs, notamment dans les régions que l’on appelle Bour défavorable où il faut attendre les précipitations pour commencer à travailler le sol. Et ce au moment où dans le Bour favorable, les agriculteurs, notamment ceux bien organisés et équipés, sont moins dans la peine. La meilleure période des semis étant la première quinzaine du mois de novembre. Explications.

Le retard des pluies menace la campagne agricole
Dans les régions qu’on appelle Bour défavorable, les agriculteurs attendent l’arrivée des précipitations, car il est difficile de travailler le sol sans les pluies.

La pluie se fait encore attendre. Après les dernières précipitations qu’a connues le pays et qui ont relativement revigoré le moral des agriculteurs, ces derniers se mettent à nouveau à scruter le ciel à la recherche des signes de potentielles arrivées de pluies. Mais d’après les dernières prévisions météorologiques, pas de pluies attendues pour la fin de ce mois d’octobre et début novembre. La situation devient-elle critique pour la campagne agricole ? Face à ce retard des pluies, les agriculteurs ne sont pas tous logés à la même enseigne, semble dire Abdelmoumen Guennouni, ingénieur-agronome. En effet, nous déclare-t-il, il faut distinguer le Bour favorable (une partie de la Chaouia, de Fès-Saïss, du Gharb…) et le Bour défavorable (Settat, Abda, Doukkala…). Pour le premier, «je pense qu’il n’y a pas de problème», puisque les agriculteurs, qui sont bien organisés et bien équipés, entreprennent les travaux de préparation du sol bien à l’avance, explique-til, précisant que la meilleure période des semis qui permet de profiter au maximum de toutes les précipitations est la première quinzaine du mois de novembre. «Bien sûr, il est préférable que les pluies tombent plus tôt pour que les semis puissent se développer. Sinon, de toute façon, les travaux du sol seront réalisés à temps et dans de bonnes conditions», note-t-il. Par contre, poursuit l’expert, dans les régions que l’on appelle Bour défavorable, à l’exception des zones côtières, les agriculteurs attendent, car la culture est associée surtout à l’élevage des ovins qui ont la particularité de tasser le sol avec leurs pattes, ce qui rend difficile de travailler le sol sans les pluies. Notre interlocuteur note, au passage, que les dernières pluies ont surtout profité aux zones montagneuses et à l’Oriental et très peu aux régions connues pour leurs grandes cultures.

Bousculade sur les semences !

Par ailleurs, la pluie n’est pas la seule préoccupation des agriculteurs au début de cette saison. Ils doivent aussi faire face aux problèmes des semences, des engrais et du gasoil, d’après l’ingénieur-agronome. En effet, détaille-t-il, avec les 4 ou 5 millions d’hectares prévus pour cette campagne, les besoins en semences seront beaucoup plus importants que le million de quintaux préparés par Sonacos. D’autant qu’il y a un manque de semences communes, qui restent de la campagne précédente marquée par la nette baisse de la production, ajoute-t-il. «Il y aura une bousculade sur les semences !», prédit-il. S’agissant des engrais, les prix ont connu un net renchérissement qui obligerait une bonne partie des agriculteurs à se passer de ces fertilisants, d’autant que cette campagne agricole faite suite à une année de sécheresse et donc les agriculteurs n’ont pas la trésorerie qu’il faut, selon l’expert. Ce qui risque d’impacter négativement les rendements, même en cas de bonne campagne agricole, prévient-il. Idem pour le gasoil dont la montée des prix devra pousser ces agriculteurs à limiter les travaux du sol. Et qu’en est-il de l’impact du retard des pluies sur l’approvisionnement en eau potable ? Les dernières pluies ont, certes, alimenté les barrages dont les retenues se sont relativement renforcées (le taux de remplissage varie entre 25 et 30% selon les barrages, d’après des estimations), mais cela reste très faible, d’une part et, d’autre part, la reconstitution des retenues des barrages notamment les grands nécessite quelques années, note Abdelmoumen Guennouni. «Quel que soit le niveau des pluies de cette année, les barrages ne seront pas pleins, notamment les grands, d’autant que les gens continuent à y pomper de l’eau», conclut-il. 

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 Retard des pluies : Menaces sur les cultures d’automne

Le Maroc enregistre ces jours-ci une légère augmentation des températures. Selon les prévisions de la Direction de la météorologie nationale sur cinq jours, il n’y a aucun signe de précipitations et les températures devront même atteindre 33°C dans certaines régions. Contacté par «Le Matin» sur cette problématique, Mohamed Taher Sraïri, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV), a affirmé que l’impact du retard des précipitations sur la campagne agricole qui vient d’être lancée est important, menaçant les cultures d’automne, notamment l’olive et les agrumes. Cette situation affecte également les disponibilités en fourrages précoces, comme l’orge, l’avoine, le bersim, les pâturages naturels, etc., touchant les filières animales (élevage laitier et production de viandes rouges). Les épisodes de sécheresse successifs sont inquiétants, et la situation alarmante d’approvisionnement en eau sème la panique chez les agriculteurs. Commentant cette situation, l’expert a précisé que le moral des agriculteurs a été perturbé. «Le spectre redouté d’une succession d’années de sécheresse démontre l’extrême vulnérabilité de l’agriculture, voire de l’économie nationale, face à un manque d’eau devenu structurel. Le développement de l’irrigation privée ne peut aucunement résorber de problème», a-t-il souligné.

Et si un autre épisode de sécheresse repasse ?

Ce serait tout bonnement une catastrophe majeure, a alerté Pr Sraïri, notant que «les besoins hydriques de l’agriculture ont considérablement augmenté alors que l’offre est en baisse perpétuelle». Selon notre interlocuteur, «les subventions à l’irrigation ont amené la substitution d’une agriculture traditionnelle surtout pluviale (céréales, légumineuses alimentaires, élevage pastoral, etc.) par des cultures estivales fortement consommatrices en eau (agrumes, oléiculture, fourrages d’été comme le maïs, etc.)». Cette stratégie a entraîné, selon lui, dans de nombreuses régions du Maroc une surexploitation, voire un épuisement des nappes souterraines. Que faut-il faire ? Selon Pr Sraïri, «la crise actuelle doit être exploitée comme une opportunité pour réviser drastiquement notre modèle de développement agricole». Il a souligné, dans ce sens, la nécessité de ne plus encourager que «les spéculations qui valorisent les ressources en eau renouvelable : les précipitations et les eaux de surface (barrages, sources, etc.)». Le professeur a également signalé la dangerosité de «l’exportation de l’eau des contrées arides, face à un réchauffement climatique qui ne fait que commencer». À cet égard, il a appelé à prôner une agriculture de conservation dans les zones les plus favorables (plus de 400 mm de précipitations par an en moyenne), où le couplage des cultures et de l’élevage favorise le recyclage de la matière organique et le stockage de l’eau dans les sols. «Il faut changer de paradigme et ne plus considérer l’agriculture comme la locomotive de développement, dans un pays principalement aride à semiaride. Pour cela, la recherche a un rôle important d’ouverture de pistes de réflexion, afin d’éclairer les décideurs», a-t-il fait savoir. 

Mzaghrani Noura

>> Lire aussi : Stress hydrique : Ce que doit faire le Maroc pour passer le cap

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