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Les Technologies de l'Information : Levier pour la durabilité dans l'enseignement supérieur (Tribune)

La durabilité devient aujourd'hui le pilier de toutes les stratégies de développement. Elle vient répondre à des défis colossaux imposés par la conjoncture actuelle. Elle fait référence à une configuration de la société humaine qui assure sa pérennité. Elle repose sur une équité sociale et sur le maintien d'un environnement vivable qui permet le développement économique et social à l'échelle planétaire. L'enseignement supérieur ne fait pas exception dans cet écosystème. Il fait de la durabilité un levier de développement grâce notamment aux technologies de l'Information.

Les Technologies de l'Information : Levier pour la durabilité dans l'enseignement supérieur (Tribune)

"C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas" (Victor Hugo, 1870). Ce constat est plus que jamais alarmant vu les récents changements socioéconomiques qui appellent à écouter la planète et à œuvrer immédiatement pour sa survie. La crise sanitaire de Covid-19, le réchauffement climatique grandissant, et les inégalités persistantes en raison des conflits politiques remettent en cause les fondements socioéconomiques de notre société. La façon dont les particuliers et les entreprises répondent à ces défis définira profondément notre future. Plusieurs organisations entreprennent des stratégies axées sur la durabilité pour aider à relever ces challenges. La durabilité fait référence à une configuration de la société humaine qui assure sa pérennité. Elle repose sur une équité sociale et sur le maintien d'un environnement vivable qui permet le développement économique et social à l'échelle planétaire.

L'enseignement supérieur : Acteur frontière pour la durabilité

L'enseignement supérieur ne fait pas exception dans cet écosystème et possède même un rôle central dans ce combat ultime pour la survie de la planète. Du fait de leur position de créateurs de savoir, les institutions contribuent à la sensibilisation des professionnels formés et des futurs diplômés aux risques du présent schéma socioéconomique, en intégrant les préceptes de la durabilité dans tous les cursus. Ils pourront développer les compétences nécessaires pour participer à la vie active, en agissant en faveur d'une société qui respecte les ressources limitées et valorise les personnes. De plus, nos campus constituent des consommateurs gourmands d'énergie qui accélèrent la pollution et le changement climatique dans leurs territoires. Il incombe aux institutions d'éco-responsabiliser leurs structures en rationnalisant l'usage des ressources et en instaurant un changement efficace de leurs pratiques stratégiques et opérationnelles. Aussi, les écoles et universités possèdent un impact exogène dans les communautés, en dialoguant et collaborant avec la société civile et les autorités locales pour rendre les territoires plus économes, socialement inclusifs, et écologiquement ergonomiques. Par ailleurs, l'enseignement supérieur est un acteur majeur dans la R&D, l'engageant à développer et à rendre compte de réflexions et solutions qui amélioreront la compréhension scientifique des défis de la durabilité et diffuseront les bonnes pratiques.

Les Technologies de l'Information : Rôles durables pluriels dans l'écosystème éducatif

Les Technologies de l'Information (TI) contribuent à 4% aux émissions de gaz à effet de serre et consomment 10% de l'électricité dans le monde. L'extraction des minéraux pour la fabrication des composants informatiques favorise l'épuisement des ressources non renouvelables, et la dispersion de produits toxiques. La pollution s’accentue avec l'usage croissant des TI et le traitement des déchets électroniques en fin de vie. Mais l'informatique exploitée intelligemment peut aider à s'émanciper des défis de la durabilité. C'est le cas des industries des télécommunications ou encore de la logistique qui ont mis en place des pratiques et cadres réglementaires pour piloter l'empreinte carbone informatique. De telles initiatives manquent dans le secteur éducatif, malgré son rôle primordial pour la durabilité et son usage intense des TI.

Une recherche menée en collaboration entre Rabat Business School de l'UIR (RBS) et le géant informatique Hewlett Packard (HP) a permis d’apporter des éclairages scientifiques et pratiques à cette question contemporaine. En outre, elle a conforté la pédagogie innovante de RBS en permettant aux étudiants de mener un apprentissage par la pratique conjointement avec des experts. Cette étude a également résulté en la définition d'une stratégie durable au sein de l'école, supportée par l'expertise de HP en services et outils technologiques, et axée sur la résilience du climat, l’équité digitale, et le respect des droits humains. Nous présentons ci-après les trois groupes d’actions à mettre en place autour des TI pour assurer l’efficacité opérationnelle dans l’enseignement supérieur tout en répondant aux enjeux de durabilité dans ce secteur :

Parc technologique durable : Les machines informatiques doivent utiliser du papier, encre, et autres matériaux recyclables, et être rechargeables par énergie renouvelable pour réduire l’empreinte carbone de l'institution. Les objets connectés peuvent également promouvoir la durabilité en dotant l’infrastructure d’intelligence pour l’accessibilité des personnes handicapées, par exemple en intégrant dans les ordinateurs des dispositifs pour les malvoyants/malentendants. Ces IoT permettent aussi de rationnaliser l’usage de l’électricité dans les salles en détectant la présence et le mouvement. Enfin, la partie logicielle peut réduire les émissions de CO2, notamment grâce à des outils internes de covoiturage, ainsi que le cloud et la signature électronique pour la dématérialisation. Les applications informatiques servent même au pilotage de ces émissions en mesurant la perception et mise en œuvre des actions durables par les étudiants et les employés. Enfin, ces softwares jouent un rôle majeur d’inclusion en rendant possible les cours à distance destinés aux populations excentrées, et le recrutement égalitaire des genres et minorités.

Processus revisités : Le développement durable dans l’enseignement supérieur dépasse la dimension technologique et fait appel à une transformation des routines intra et interorganisationnelles. Au niveau opérationnel, l’institution doit désinfecter le matériel au quotidien, s’approvisionner auprès de fournisseurs informatiques certifiés responsables, et mutualiser les machines entre étudiants et entre employés, résultant ainsi en l’optimisation des ressources et la prolongation de leurs durées de vies. Les processus réglementaires participent également à la pérennisation des efforts pour la durabilité. L’institution peut ainsi faire appel régulièrement à des experts pour auditer ses outils et pratiques informatiques au regard des droits de l’Homme et de l’impact environnemental. Aussi, il est fort bénéfique de mettre en place une charte précisant les gestes durables à adopter autour des TI et une cellule spécialisée pour la veille externe et l’accompagnement des acteurs internes. Ces efforts réglementaires peuvent être davantage structurés si l’institution s’inscrit dans une démarche d’acquisition d’un label international certifiant de sa durabilité. Enfin, pour les processus d’enseignement, l’usage des TI pour l’hybridation des parcours et la mutualisation des cours sans en altérer la qualité favoriserait à la fois l’atteinte d’une audience plus large et la réduction de l’empreinte carbone.

Acteurs habilités : L’Homme se trouve au cœur de toute conduite du changement. Les institutions d’enseignement supérieur agissent particulièrement sur cette dimension humaine compte tenu de leur rôle pour la production et le transfert des connaissances et compétences. Dans ce sens, des MOOC/SPOC peuvent être proposés aux employés et professionnels externes afin de sensibiliser à la question de la durabilité autour des TI au regard de l’environnement, de l’équité, et des droits humains, et de généraliser les bonnes pratiques parmi les différents segments de la société. La durabilité doit également être abordée dans chaque cours dispensé en interne pour familiariser les étudiants avec ses enjeux multidisciplinaires. L’institution peut d’ailleurs s’associer à des experts pour organiser des webinars et ateliers qui renforcent le pragmatisme des apprentissages. Par ailleurs, l’innovation pédagogique sous forme de Hackathons et de concours d’entrepreneuriat peut accélérer les réflexions et actions systémiques en faveur de la durabilité. Enfin, en collaborant avec des entreprises en technologies et autres secteurs, il est pertinent de proposer aux démunis des ordinateurs recyclés et des bourses scolaires permettant l’inclusion sociale et assurant une équité numérique.

Par :  Dr. Lamiae Benhayoun – Professeur chercheur en Management des Systèmes d’Information à Rabat Business School

 

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