En couronnement d’une dynamique amorcée il y a plusieurs années, que ce soit avec l'ASEAN en tant que groupement ou avec chacun de ses États membres, le Maroc devient le premier pays africain à recevoir l’accord pour l'obtention du statut de partenaire du Dialogue sectoriel avec cette association d’États. Cette annonce a été faite lors de la 56e réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’ASEAN, qui s'est tenue à Jakarta, en Indonésie, les 11 et 12 juillet 2023.
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«Le Royaume, premier pays africain à bénéficier de ce statut, vise à travers ce partenariat à hisser sa coopération avec l’ASEAN à un niveau supérieur, contribuant ainsi à la paix régionale, à la stabilité, à la sécurité, au développement et à la prospérité dans les deux régions. Ce statut traduit aussi la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, visant la diversification des partenariats du Royaume, notamment dans le continent asiatique», lit-on dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Le partenariat de Dialogue sectoriel définit les bases et les perspectives d’une coopération multiforme entre l'ASEAN et le Maroc dans des secteurs identifiés par les deux parties. À cet effet, le Maroc avait proposé en février 2018 un plan d’action de coopération, ciblant des domaines de coopération d’intérêt commun de nature à contribuer à la vision de l'ASEAN à l’horizon 2025.Ce plan d’action a été actualisé, en février 2023, prenant en compte les développements survenus depuis, notamment les répercussions liées à la pandémie de Covid-19.
«Ce Partenariat représente une opportunité de coopération substantielle basée sur une démarche gagnant-gagnant qui est au cœur de la politique de coopération Sud-Sud que prône le Maroc, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste», poursuit le communiqué. De même, le Maroc a fait part de sa disposition à partager son expérience et son expertise avec les pays membres de l’ASEAN dans des domaines où la réputation du Royaume est connue et reconnue à l’échelle internationale, tels que l’agriculture, la sécurité alimentaire, la pêche, la lutte contre la pollution marine, le commerce, la promotion des investissements, le tourisme et l’éducation.Le Maroc renforce sa présence dans les organismes régionaux de l’Asie du Sud-Est
Cet accord de principe pour accorder un statut plus avancé au Maroc vient consacrer une excellente évolution des relations avec l'ASEAN qui se maintient depuis des années. En septembre 2016, le Maroc avait adhéré au Traité d’amitié et de coopération (TAC) de l’ASEAN. Depuis cette date, le Royaume a renforcé sa présence dans d’autres organismes régionaux de l’Asie du Sud-Est, notamment ceux liés institutionnellement ou géographiquement à l’ASEAN. Rabat avait signé, en 2017 et 2022, deux mémorandums d’entente avec la Mekong River Commission (MRC) comprenant le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam. Ceci lui a permis en effet d’opérer un positionnement stratégique sur l’échiquier de la diversification de ses partenaires économiques, ouvrant ainsi une perspective des plus prometteuses sur ce marché de la sous-région asiatique à fort potentiel de croissance et d’opportunités.
À travers ces deux accords, le Royaume, fort de sa position stratégique et de son développement ouvert sur son environnement continental et international, a fait le pari de s’offrir un accès sur un marché de 650 millions de consommateurs (8,8% de la population mondiale), avec un PIB de 2.600 milliards de dollars. La zone de l'ASEAN, une puissance économique majeure en devenir, affiche les taux de croissance les plus élevés au monde avec une moyenne annuelle autour de 6%.
Partenariat Maroc-ASEAN : le Royaume a des atouts déterminants
Le phénomène de «maritimisation des économies», caractérisé par la rapidité de la croissance du trafic porte-conteneurs, n’a fait que renforcer la prévalence géostratégique séculaire des ports et des détroits pour les pays de l’ASEAN. Sur ce créneau d’importance majeure dans une économie globalisée, le Maroc est fortement interpellé pour déployer ses atouts stratégiques dans cette croissance rapide du commerce maritime et bien se positionner dans la nouvelle configuration géopolitique des océans. Le Royaume, au carrefour de deux mers et à la croisée de l’Europe, de l’Amérique, de l’Afrique et du monde arabe, est amené à jouer sa carte de plateforme de compétitivité et de hub majeur pour les flux commerciaux à travers ses plateformes portuaires Tanger Med (et bientôt Nador West Med et Dakhla Atlantique), desservant la rive sud de la Méditerranée et la côte atlantique dans sa profondeur stratégique ouest-africaine.
Les points de convergence et de complémentarité entre le Maroc et les pays de l’ASEAN sont nombreux
Commentant cette nouvelle relative aux relations entre le Maroc et l’ASEAN, le professeur de droit public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l'Université Ibn Tofaïl, Azzeddine Hanoune, indique que «cette politique de rapprochement du Maroc de différents regroupements régionaux devient une constante de la diplomatie marocaine. «Ce nouveau statut vient dans le sillage de la politique de diversification des partenariats du Maroc au niveau mondial. Le Royaume essaie ainsi de renforcer sa position dans un monde où la mondialisation ne cesse de s’accentuer, malgré certaines crises récentes. Ainsi, la région du Sud-Est asiatique est considérée comme l’une des zones les plus dynamiques au monde du point de vue du développement économique. Se trouvant à proximité de deux géants économiques, à savoir l’Inde et la Chine, les pays de cette région ont pu dépasser les séquelles du passé, liées notamment à la guerre froide, en lançant une dynamique d’intégration vertueuse rassemblant des économies en plein essor. Ainsi, des pays comme Singapour et la Malaisie font partie des économies les plus dynamiques depuis des décennies».
En 2022, poursuit M. Hanoune, «les économies de l’ASEAN, considérée comme la cinquième économie dans le monde, ont réalisé des performances surprenantes si on prend en considération la conjoncture économique mondiale difficile. Le taux de croissance de la zone a enregistré 5,3%, ce qui dépasse de loin la moyenne de la croissance de l’économie mondiale».
Et le professeur de droit public de souligner que «du point de vue bilatéral, les relations du Maroc avec ces pays sont excellentes à tous les niveaux. Aucun de ces pays n’est réputé faire partie des appuis du séparatisme au Sahara. Ce qui d’ailleurs ouvre la voie au renforcement de l’appui à la marocanité du Sahara. Certains pays comme Brunei ou l’Indonésie ont expressément appuyé le Maroc».Du point de vue économique, note M. Hanoune, «ce nouveau statut constitue une belle opportunité de renforcer la dynamique des échanges commerciaux et de stimuler les investissements. En effet, les points de convergence et de complémentarité sont nombreux. L’éloignement géographique ne devrait nullement constituer un frein à l'intensification de la coopération».