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Ce que pensent les promoteurs immobiliers de la nouvelle aide au logement

Que pensent les promoteurs immobiliers du nouveau dispositif d'aide au logement ? Anice Benjelloun, vice-président de la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (FNPI), invité de l’émission L’info en Face de «Groupe Le Matin», estime que le volet consacré aux logements sociaux à 300.000 DH TTC est voué à l’échec alors que celui destiné aux logements à 700.000 DH TTC a toutes les chances de réussir, mais sous certaines conditions. Les détails.

Ce que pensent les promoteurs immobiliers de la nouvelle aide au logement
Anice Benjelloun, vice-président de la FNPI

En quoi consiste le dispositif de soutien direct pour l’accès à la propriété inclus dans la loi de Finances 2023 ? Il comporte deux volets qui couvrent deux types de logement : «Ces aides directes ciblent deux types de biens : les logements économiques et sociaux dont le prix ne dépasse pas 300.000 DH TTC et les logements de standing moyen dont le prix ne dépasse pas 700.000 DH TTC», indique d’emblée Anice Benjelloun, vice-président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), invité de l’émission «L’Info en Face» du «Groupe Le Matin». Le vice-président de la FNPI révèle également que le dispositif prévoit une aide directe de 60.000 dirhams pour les primo-acquéreurs de la première catégorie de logements (et même 70.000 dirhams dans certains cas), ainsi qu'une aide de 50.000 dirhams pour les logements de la deuxième catégorie.

Logements à 300.000 TTC : un programme voué à l’échec ?

Pour Benjelloun, il sera très difficile, voire quasiment impossible de réaliser des logements à 300.000 DH TTC. Certes pour ces logements, il n’est pas prévu de cahier de charges et le promoteur immobilier est donc libre de proposer le bien immobilier qu’il veut. Mais il y a plusieurs contraintes que signale le vice-président de la FNPI. D’abord, le promoteur doit se confirmer aux règles urbanistiques fixées par les plans d’aménagement des zones où ses bâtiments sont construits. Dans certaines d’entre elles, il y a une contrainte de surface minimale de 70 m², fait remarquer l’invité de l’émission. Or, les prix du foncier sont élevés : 70.000 à 80.000 DH par logement, révèle Benjelloun.

Autre contrainte soulevée par l’invité de «L’Info en Face» : le promoteur est tenu de s’acquitter de l’ensemble des taxes dont il était exonéré, dans l’ancien programme de logements à 250.000 DH, au profit des acquéreurs. Et en matière de fiscalité, souligne-t-il, le secteur est surtaxé. «Le promoteur doit payer des droits d’enregistrement lors de l’achat du terrain, ceux de la Conservation foncière (7 taxes), des droits à la Commune (4 taxes). Il doit, par ailleurs, s’acquitter d’une taxe à l’Agence urbaine, à la protection civile et aux régies. Tous ces droits et taxes sont payés pour des services publics. Les droits d’enregistrement sont payés deux fois (par le promoteur et l’acquéreur). À eux seuls, les droits d’enregistrement et de Conservation foncière pèsent pour 12% dans le prix de vente d’un bien», souligne Benjelloun qui n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude face à l’érosion du pouvoir d’achat des Marocains : «leur pouvoir d’achat a été laminé par l’inflation des prix», a-t-il rappelé en soulignant que le prix du foncier a doublé depuis 2010 et que ceux des matériaux de construction ont connu une flambée considérable. C’est pourquoi, propose-t-il, il serait judicieux d’accompagner le dispositif d’aides directes par deux actions importantes : «Il faut d’abord revoir le système de financement pour les acquéreurs et mettre en place un système semblable à Fogarim qui permettrait aux acquéreurs un accès plus facile au crédit immobilier. Il faut ensuite revoir la fiscalité du secteur d'autant que le Maroc veut s’aligner les normes fiscales internationales».

En attendant, produire des logements à 300.000 DH TTC est mission impossible, insiste Benjelloun. Et pour cause, l’ensemble des droits et taxes dont le promoteur doit s’acquitter va de 50.000 à 70.000 DH par logement. À cela s’ajoute le coût de réalisation obligatoire d’une place de parking par logement : 50.000 DH, révèle le vice-président de la FNPI. Donc, «sur le prix de vente de 300.000 DH, 120.000 DH couvriront tout juste le coût de la place de parking et les taxes payées. On va se retrouver avec des logements à 180.000, ce qui correspond au programme de logements sociaux d’avant 2010 qui n’a pas marché», explique Benjelloun. Sur ce montant, le foncier pèse pour 80.000 DH par logement. Le coût de réalisation d’un bien immobilier tourne autour de 150.000 DH, sans parler des frais d’équipement : voiries, assainissement, eau potable, électrification… C’est impossible pour des promoteurs immobiliers qui respectent la loi, qui s’acquittent de toutes leurs taxes et qui ne font pas de noir», affirme l’invité de l’émission.

Succès attendu pour les logements plafonnés à 700.000 DH TTC

Le programme d’aide de 50.000 DH aux primo-acquéreurs de logements dont le prix est plafonné à 700.000 DH TTC devrait, pour sa part, connaître un succès, prévoit Anice Benjelloun. Seule condition : disposer d’un foncier adapté et à un coût relativement réduit. Ce foncier n’existe que dans les périphéries, nuance le vice-président de la FNPI. Dans les villes, en revanche, il sera impossible de réaliser de tels projets. «Le foncier représente plus de 50% du coût de revient dans l’immobilier», rappelle Benjelloun.

Les marges des promoteurs immobiliers, réduites et incompressibles

Pour Benjelloun, sans des actions ciblées pour réduire la pression fiscale du secteur, baisser le coût du foncier, renforcer le pouvoir d’achat des Marocains et agir sur l’inflation des produits et matériaux de construction, le secteur ne peut accélérer son rythme de croissance. Le vice-président de la FNPI cite l’exemple du ciment dont les prix ont augmenté : «Nous avons une capacité de production de 20 à 22 millions de tonnes par an, nous en sommes à 10. C’est incohérent. Il faudrait que les cimentiers comprennent que s’ils baissent un peu leurs marges, ils permettront de relancer le secteur et de produire plus». Pour leur part, les promoteurs semblent incapables de réduire davantage leurs marges : «Même si vous faites une marge de 20% sur 3 ou 4 ans, en réalité cela fait 3 à 4% par an. Il y a un tas de promoteurs immobiliers qui sont en difficultés financières et qui ont abandonné le secteur. Nous travaillons à livre ouvert avec le ministère de tutelle et lui avons proposé un accès total à nos livres financiers», partage Benjelloun.

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