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Gabriel Banon : Le Maroc est en passe de devenir une puissance continentale

Invité de «L'Info en Face», l'expert en géopolitique Gabriel Banon analyse les basculements géopolitiques qui s'opèrent actuellement dans le monde. L'Occident et les États-Unis, à son avis, perdent du terrain, tandis que d'autres puissances, comme la Chine et l'Inde, prennent les devants. L'Afrique aussi est en train d'évoluer et le Maroc, puissance régionale, ayant su tirer parti de sa stratégie d'ouverture sur le Sud, est en phase de devenir une puissance sur ce continent, constate M. Banon.

Gabriel Banon : Le Maroc est en passe de devenir une puissance continentale
Gabriel Banon

La physionomie des rapports de force dans le monde est sur le point de changer : l'Occident est en train de vaciller, alors que d'autres puissances s'affirment et se font entendre. C'est ce que soutient le géopoliticien Gabriel Banon, pour qui la guerre en Ukraine marque une inflexion historique, particulièrement au regard de l'hégémonie américaine. Et au rang des puissances en émergence, M. Banon cite l'Afrique, un continent qui se prend en main et où le Maroc est en voie de devenir une puissance continentale. «Le Maroc se porte beaucoup mieux dans ses relations internationales. Il est devenu une puissance régionale et il est en phase de devenir une puissance continentale», affirme l’expert en géopolitique, qui souligne que le Royaume «a réussi sa politique consistant à se tourner vers l’Afrique et ne pas rester hypnotisé par le Nord».

Le monde est au bord de plusieurs crises à gérer et défis à relever

Abordant le contexte géopolitique mondial, M. Banon estime que le monde est au bord de plusieurs crises à gérer et de défis à relever. «La première des crises a trait à la perte d’influence des États-Unis qui ont été pendant longtemps les meneurs de la politique mondiale. Aujourd’hui, les États-Unis sont en train de se transformer profondément et d'être de moins en moins un acteur international. L’hégémonie américaine est contestée ouvertement dans beaucoup de pays, alors qu’avant personne n’osait se lever contre l’influence décisionnaire de Washington», dit M. Banon.
Quant aux ambitions de la Chine, «si nous écoutons attentivement les discours de son président Xi Jinping, elles sont bien connues», affirme le géopoliticien. «Il a déclaré que la Chine ne voulait pas être la première puissance mondiale, mais qu'elle voulait retrouver sa place de première puissance mondiale, ce qui signifie que pour lui, il est tout à fait naturel que la Chine soit à la tête du monde».

Autre signe marquant des changements géopolitiques, il y a la réconciliation entre l'Arabie saoudite et l'Iran, obtenue grâce à Pékin. À ce propos, M. Banon affirme que «les seuls qui ne devraient pas être surpris, ce sont bien les Américains. L’Arabie saoudite a toujours été sous la protection des États-Unis. Mais la politique américaine à l’étranger est devenue erratique ces derniers temps et on ne la comprend pas très bien». «Vous êtes l'allié historique de l'Arabie saoudite, un pays en guerre contre le Yémen, et vous armez le Yémen. Il y a quelque chose qui ne colle pas», commente le géopoliticien, ajoutant que «c’est de là que l’Arabie saoudite s’est tournée vers la Chine et nous avons beaucoup d’erreur comme ça».

Aussi, et en ce qui concerne la guerre d’Ukraine, M. Banon est d’avis que celle-ci «est un échec de la stratégie américaine». «L’Amérique est spécialisée dans les guerres par procuration et la guerre d’Ukraine en est une. C’est une guerre qui a été voulue par les Américains et la stratégie c’était : nous allons pousser les Russes à la faute, c’est-à-dire, nous allons armer très ouvertement les Ukrainiens et les entraîner, pour amener les Russes à prendre l’initiative de la guerre et, de ce fait, nous pouvons déclencher un train de sanctions qui mettront la Russie par terre. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu», indique-t-il. «Les sanctions contre les Russes n'ont pas fonctionné parce que ces derniers étaient préparés et cela a eu pour effet de les pousser dans les bras des Chinois. Ces sanctions ne peuvent pas fonctionner quand vous êtes adossés à la plus grande puissance économique du monde», affirme M. Banon pour qui «cette guerre en Ukraine est une étape importante qui va souligner la perte d’influence des États-Unis».

Pour Banon, la civilisation occidentale a fait son temps

Et derrière les États-Unis, c'est tout l'Occident qui décline. «Le testament politique de Brzezinski, qu'il a laissé à tous les présidents américains qui ont jusqu'à présent continué à l'appliquer, indique que “pour maintenir l'hégémonie américaine, il faut tout utiliser, même les prétextes de la démocratie et de la défense des libertés”». Et aujourd’hui, fait observer M. Banon, «le Fait nouveau, ce sont les peuples qui ont pris conscience de cette stratégie et voient bien ce qui se passe».
En Afrique par exemple, «tous les États et leurs opinions publiques ont rejeté l’Occident, notamment la France, et tiennent des discours anti-français qu’on n'aurait jamais pensé entendre un jour de telle sorte qu’on peut dire aujourd’hui que la Françafrique n’existe plus. C’est fini !» souligne le géopoliticien, ajoutant que «l'Occident est en décadence et en perte de vitesse, son influence est devenue minime en Afrique, et dans d'autres pays, l'Occident a cessé depuis longtemps d'être un acteur majeur».

France : la grande désillusion

Sur le cas de la France (auquel M. Banon a consacré son dernier livre, «France : la grande désillusion», qu'il devait présenter mardi au public dans le cadre des escales littéraires du «Book club» du Groupe Le Matin, association regroupant des membres du SIEL), l’expert en géopolitique qui se présente comme «un pur produit de l’éducation nationale française», dit qu’il a consacré pas mal d’années de sa vie à l’intérêt général français, aussi bien économique que politique. «J’ai été le conseiller pour la politique industrielle de la France et je vois ce qu’il en est aujourd’hui. À la mort de Georges Pompidou, nous avons laissé une France où l’industrie était en tête de l’Europe. Aujourd’hui, la France est désindustrialisée. Pourquoi ?» s’interroge M. Banon, qui pense que «la grande désillusion est que la France n’a pas produit depuis des Hommes de valeur pour la conserver et la développer tel qu’elle aurait dû être, aussi bien sur le plan économique que sur les plans politique et social».

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