La Banque mondiale s’apprête à accorder au Maroc un prêt de 350 millions de dollars pour soutenir sa transition climatique. Celui-ci est destiné à financer un programme stratégique d’«Appui à la contribution déterminée nationale (CDN) au Maroc». Une CDN est un plan d’action visant à réduire les émissions et à s’adapter aux effets des changements climatiques. Chaque partie à l’Accord de Paris est tenue d’établir une CDN et de la mettre à jour tous les cinq ans. Parallèlement à la ratification de l’Accord de Paris le 21 septembre 2016, le Maroc a soumis sa CDN au secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. Et en juin 2021, le Royaume avait soumis une nouvelle CDN révisant à la hausse son objectif d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre à 45,5% d'ici 2030, dont 18,3% sont inconditionnels.
Le nouveau programme financé par la Banque mondiale, à déployer sur la période 2023-2027, a pour objectif d’intégrer les considérations climatiques dans la gestion du secteur public au Maroc, notamment dans les marchés publics, et de mettre en œuvre un certain nombre d'engagements de la CDN liés essentiellement à la résilience rurale et à l'efficacité énergétique. Les 350 millions de dollars de la Banque mondiale devront être approuvés en juin prochain. Ce pactole sera accordé au gouvernement sous forme de Prêt-Programme axé sur les résultats : PPR (les décaissements des financements de la Banque mondiale seront conditionnés aux résultats obtenus, selon des objectifs fixés au préalable avec le gouvernement dans le cadre du programme).
Le plan d’action national pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux effets des changements climatiques.
Le programme est ainsi organisé autour de deux domaines de résultats. Le premier a pour but de soutenir une approche «holistique de l’économie» face au changement climatique. Il vise, en particulier, à résoudre les échecs de coordination dans l'action climatique en établissant un nouveau cadre institutionnel, notamment grâce à une commission interministérielle. S’ajoute la mise en place d’une nouvelle unité climatique au ministère de l'Économie et des finances pour soutenir l'intégration des considérations climatiques dans les politiques publiques et encourager le développement vert du secteur privé. En outre, le système de données climatiques sera renforcé pour éclairer la prise de décision dans ce domaine.
Dans ce premier domaine de résultats, les considérations climatiques seront intégrées dans les marchés publics. Selon le document de prêt, en 2022, le gouvernement marocain a dépensé environ 245 milliards de dirhams en marchés publics, ce qui représente environ 20% du PIB. Le nouveau décret intègre une disposition sur les marchés publics durables/verts qui doit encore être traduit en action.
Compte tenu de son importance dans l’économie nationale, l’écologisation des marchés publics représente un levier puissant pour l’État afin de transformer son pouvoir d’achat important en catalyseur de l’action climatique. Pour libérer ce potentiel, le programme soutiendra : (i) l’adoption du Pacte d’Exemplarité de l’Administration (PEA) qui fixe des objectifs ambitieux de réduction de l’empreinte carbone, (ii) l’adoption d’un guide sur les «achats écologiques », (iii) l’introduction des «critères verts» dans la plateforme d’e-Procurement et (iv) l’application de critères verts pour les appels d’offres de produits prioritaires.Par ailleurs, l'action climatique nécessitera une somme importante de financement. Ce premier domaine de résultats vise à aider le gouvernement dans l'adoption d'un cadre pour l'émission d'obligations vertes lui permettant de mobiliser des fonds dans ce sens. Actuellement, le marché des obligations vertes au Maroc est encore naissant : seulement six obligations vertes émises depuis 2016, pour une valeur totale d'environ 500 millions de dollars émis par les banques, les entreprises et les entreprises publiques, mais aucune obligation verte souveraine n’a encore été émise par le gouvernement central. Le gouvernement du Maroc a, toutefois, manifesté son intérêt de le faire, profitant d’un marché en pleine croissance.
Et ce n’est pas tout. Pour encourager la transition écologique de l'économie marocaine, le programme vise la mise en place d’une taxonomie verte nationale afin d’orienter le financement vers des actifs et des projets verts. Cela encouragera les investissements dans des activités à faible émission de carbone et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs clés de l'économie marocaine. La taxonomie verte stimulera également l’investissement dans les technologies et les pratiques durables et renouvelables, ainsi que dans la recherche et le développement de nouvelles solutions environnementales.
Une attention particulière aux femmes et aux jeunes
Concernant le second domaine de résultats, il a pour objectif de renforcer la résilience climatique des groupes vulnérables et des écosystèmes. Il se concentre sur des actions prioritaires visant à réduire la vulnérabilité des groupes ruraux, particulièrement exposés aux chocs climatiques (dont les sécheresses) et à la pénurie d'eau, notamment les agriculteurs, avec une attention particulière aux femmes et aux jeunes. À ce sujet, le programme favorisera un accès accru à l'assurance agricole et à la protection sociale de ces groupes vulnérables. Concernant la résilience des écosystèmes, les oasis et les forêts sont également affectées de manière disproportionnée par le changement climatique, ce qui entraîne leur dégradation et l'appauvrissement de leurs habitants. Le programme soutiendra ainsi les activités qui offrent un double dividende en termes d'adaptation et d'atténuation par le biais de la plantation/d'arboriculture et de la reforestation, mais aussi des solutions fondées sur la nature pour faire face aux vulnérabilités climatiques tout en séquestrant du carbone.
Le changement climatique, une menace majeure pour l'économie marocaine
Selon la Banque mondiale, le changement climatique est devenu une menace majeure pour l'économie du Maroc. Le pays est classé parmi les points chauds du climat dans le monde. Les températures moyennes ont augmenté de près de 1,36 °C entre les années 1970 et les années 2010 (0,34 °C par décennie), et neuf des dix années les plus chaudes de l'histoire du pays ont eu lieu au 21e siècle.
De plus, les schémas de précipitation ont suivi une tendance générale à la baisse avec des schémas plus erratiques (des sécheresses plus fréquentes et intenses ainsi que des événements de pluie violents). Au cours des 60 dernières années, les apports en eau ont été réduits de près de 30%, plaçant le Maroc dans une situation de stress hydrique structurel.Les inondations représentent également une menace pour le développement. Les inondations sont les catastrophes naturelles liées au temps les plus fréquentes au Maroc, causant des pertes directes moyennes estimées à 450 millions de dollars par an. En outre, étant donné que plus de 65% de la population et 90% de l'industrie sont concentrés sur le littoral du pays, la montée du niveau de la mer constitue un autre facteur de stress à long terme.À l'avenir, les changements induits par le climat (réduction de 25% de la disponibilité de l'eau et baisse des rendements des cultures due au changement climatique) pourraient réduire le PIB agricole d'environ 9,3% et mettre en péril les moyens de subsistance des ménages ruraux. Les conditions défavorables dans les zones rurales pourraient entraîner une émigration vers les zones urbaines pouvant atteindre 1,9 million de Marocains (soit environ 5,4% de la population totale) d'ici 2050.Lire aussi : Banque mondiale : Le Maroc doit investir dans la gouvernance de l’eau plutôt que dans les infrastructures
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