«OurCrowd va investir au Maroc, peut-être d’ici un ou quelques mois cette année». L’annonce a été faite mercredi 15 février par le CEO et fondateur de la société internationale de capital-risque, Jon Medved, à l’ouverture du Sommet des investisseurs «OurCrowd Global Investor Summit» à Jérusalem. L’idée est de faire rencontrer des acteurs de l’écosystème entrepreneurial marocain et israélien, à travers des événements pour explorer des opportunités de collaboration, à l’image de la collaboration entre H2Pro et Gaia Energy qui ont signé, en novembre dernier, un mémorandum d’entente pour le transfert, l’intégration et l’implémentation des électrolyseurs les plus performants au monde, afin de produire massivement de l’hydrogène vert au Maroc. «Nous sommes très engagés sur des secteurs clés comme la FoodTech et l’énergie, avec beaucoup d’investissements dans les énergies renouvelables, l’hydrogène vert et le stockage. Nous nous intéressons également à la santé avec plusieurs projets dans ce secteur au sein de notre portefeuille.
Nous n’avons pas encore défini les secteurs où nous allons investir au Maroc, mais ce n’est que le début de notre collaboration, nous allons développer plusieurs projets ensemble», a assuré Jon Medved. Même son de cloche auprès de Sabah Al-Binali, président exécutif de OurCrowd Arabia, qui a souligné que l’objectif est de créer une passerelle pour ouvrir des opportunités économiques pour les startups de la région afin de se développer. «Les pavillons marocain et émirati réunissent les plus grandes délégations présentes à ce sommet. Nous devons envisager ce partenariat comme une relation à nourrir et non pas comme une machine à argent pour pérenniser le développement de nos écosystèmes», a-t-il fait observer. En effet, la voie est tracée pour la coopération économique entre les acteurs de la région avec comme mots d’ordre la sécurité, la souveraineté énergétique, alimentaire, sanitaire et technologique. «Les relations entre le Maroc et Israël sont historiques.
La diplomatie technologique est sur la bonne voie
En tant qu’entité de capital risque liée à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), qui a signé plusieurs accords avec des universités israéliennes, nous pensons que la coopération académique et de recherche sont fondamentales pour favoriser une pollinisation croisée des idées et des innovations entre les différents pays et adresser les enjeux auxquels nous devons faire face», a souligné pour sa part Yasser Biaz, directeur général d’UM6P Ventures. Et d’ajouter que le rôle de la collaboration entre les différents acteurs de l’écosystème est de fructifier les échanges et les investissements dans les différents secteurs.
À ce jour, UM6P Ventures a investi 60 millions de DH dans 26 startups, dont 18 marocaines, 4 sur le reste du continent, 2 en Israël et 2 aux États-Unis. L’acteur d’investissement se positionne sur la phase d’amorçage et s’intéresse à la fois aux secteurs technologiques dits Low-Tech et Deep-Tech. «Nous avons initié les discussions pour capitaliser sur la relation avec OurCrowd afin de monter un Fonds ensemble. Les discussions vont se poursuivre avec les différentes parties prenantes pour mettre en place ce projet», a affirmé Yasser Biaz.
Yasser Biaz, DG du fonds UM6P Ventures : "A ce jour, nous avons investi 60 millions de DH dans 26 startups"
Une importante délégation de l’écosystème entrepreneurial marocain est présente au Sommet des investisseurs "OurCrowd Global Investor Summit". UM6P Ventures a été associé à la conférence d’ouverture, que signifie cette association ?
Yasser Biaz : UM6P Ventures opère aujourd’hui deux fonds. Le premier opère dans la transformation digitale et s’adresse à toutes les startups travaillant dans la Fintech, la logistique, les plateformes digitales, etc. L’autre classe d’investissement, qui est unique et nouvelle, se focalise sur l’innovation technologique dite Deep-Tech, adressant les défis de domaines de la souveraineté technologique. Ce genre d’investissements vient naturellement en continuité à l’innovation, la recherche scientifique et le monde académique. Autant, d’un côté l’université a ouvert des ponts avec ses homologues ici en Israël pour favoriser les échanges scientifiques et l’émergence de brevets, autant notre mission est de venir en complément en termes d’investissements et nous assurer que cette innovation se traduit dans des actifs « investissables » où on peut attirer d’autres investisseurs à créer une nouvelle économie : celle de l'innovation scientifique. Dans ce sens, nous investissons dans des startups dans différentes régions du monde, dont deux israéliennes en biotechnologie. La première a développé une solution permettant d’augmenter le rendement agricole, la deuxième permet la synthèse de produits à haute valeur ajoutée depuis les algues. Nos startups répondent principalement aux challenges liés à l'agriculture, l'eau et l'énergie, la santé, l'intelligence artificielle et la cybersécurité. Investir dans ce genre de startups n’est pas pour nous une matière financière et capitalistique seulement, mais cette collaboration capitalise sur les attributs de montée en compétences et en capacités. Chacun de nos investissements a une histoire à raconter et des choses à prouver. Dans certaines de ces startups, nous avons recruté des doctorants et post-doctorants pour les former dans divers domaines. Le fait de travailler avec de jeunes startups qui peuvent émerger d’autres universités également nous permet de travailler avec nos équipes pour le transfert technologique et de bonnes pratiques. L’enjeu est d’encourager les chercheurs à franchir le pas et quitter peut-être cet environnement de recherche et formaliser leurs travaux en projets industriels et ainsi de suite. Il s’agit également de mettre à niveau les équipements et les infrastructures dans différents domaines afin de répondre aux cahiers des charges spécifiques à ces technologies. Ces investissements nous permettent ainsi de mettre le curseur là où nous voulons arriver et d’associer l’ensemble de l’écosystème à l’atteinte de ce niveau de maturité.Quelles sont les pistes de collaboration avec OurCrowd, qui a affiché ses ambitions pour investir au Maroc ?
Nous avons initié les discussions pour capitaliser sur la relation avec OurCrowd afin de monter un Fonds ensemble. Les discussions vont se poursuivre avec les différentes parties prenantes pour mettre en place ce projet. Nous espérons accéder à un accompagnement de nos gouvernements respectifs, d’autant plus que l’investissement et l’économie étaient assez autonomes de la politique. Mais aujourd’hui, il faut nourrir et soigner les gens, il y a aussi les crises d’énergie… Ce sont des enjeux souverains.
Quelles sont les prochaines étapes pour UM6P Ventures ?
Je représente UM6P Ventures, mais j’aimerais bien aussi pouvoir associer à cette ambition tout l’écosystème marocain parce que jamais il n’a été question pour nous d’opérer de manière isolée. Le Maroc est émergent, je sais qu’on l’a entendu souvent, mais je pense que je peux faire l’argumentaire suivant. Tout le monde essaie de se caler sur le chiffre annoncé de 5 milliards de dollars d’investissements déployés en Afrique et où plus de 80% ont été accaparé par 4 pays : le Kenya, le Nigeria, l’Egypte et l’Afrique du Sud. Je pense que la maturité de ces pays est une aubaine pour le Maroc et les autres pays du continent. Il y a un moment où on assiste à une limitation des opportunités et des projets de transformation numérique dits Low-Tech et le marché est saturé. A partir de ce moment, l’opportunité sera plus importante pour le Maroc. Les chiffres dont nous disposons des analystes pour le Royaume ne sont pas représentatifs et ne reflètent pas notre potentiel. Dès cette année, il y aura de nouveaux rapports de forces d’équilibre organique, c’est-à-dire qu’à un moment les opportunités passent vers d’autres pays et le Maroc est en tête. Je suis très optimiste quant à l’avenir et je peux affirmer que notre Fonds est singulier aujourd’hui dans le domaine du Deep-Tech car c’est un domaine qui n’est pas du tout investi en Afrique. Il n’y a pas la maturité pour ce genre de projets pour les retrouver dans les incubateurs et les accélérateurs. Ils sont encore dans les coffres des instituts de recherche. De plus, ils sont inintelligibles pour les autres investisseurs. Aujourd’hui, nous sommes les seuls équipés à pouvoir développer ce genre de projets. Un investisseur ne peut pas se lancer sur des projets de Deep-Tech sans les construire et c’est ce que nous faisons. Il s’agit d’une stratégie qui coopte à la fois l’investissement et le développement. C’est pourquoi nous investissons des tickets adaptés pour la phase de développement des startups et nous capitalisons sur les écosystèmes scientifiques pour créer un deal flow important dans ce domaine. A ce jour, nous avons investi 60 millions de DH dans 26 startups, dont 18 marocaines, 4 sur le reste du continent, 2 en Israël et 2 aux Etats-Unis et ce n’est que le début.