Centres d’oncologie publics : plus de 107.000 patients pris en charge en 2021

Le Matin : Où en est le Maroc en matière de prise en charge des patients atteints de cancer ?

Dr Loubna Abousselham : L’offre de soins en matière de prise en charge du cancer a connu une nette amélioration ces dernières années. En 2021, plus de 107.000 patients ont été pris en charge au niveau des 12 Centres d’oncologie publics du Royaume. Ces derniers disposent des ressources humaines spécialisées, des compétences et des équipements adaptés à la prise en charge des cancers selon les standards internationaux. En plus des pôles d’excellence dont deux en oncologie gynéco-mammaire à Casablanca et à Rabat et des services d’hémato-oncologie pédiatrique au niveau des CHU. L’offre de soins en radiothérapie a été améliorée que ce soit dans le secteur public ou privé, ce qui place le Maroc parmi les pays répondant aux normes internationales recommandées par l’OMS. Les référentiels de bonne pratique en radiothérapie ont été élaborés et sont d’usage dans tous les services de radiothérapie. La curiethérapie est disponible au niveau de tous les centres régionaux d’oncologie. Le secteur libéral a également connu une nette amélioration de l’offre de soins en cancérologie. Environ, une trentaine de cliniques privées prodiguent des soins spécialisés en oncologie. L’accès aux médicaments a fait l’objet d’une attention particulière pour assurer l’accès de tous les patients aux molécules de base et aussi aux molécules innovantes. Les protocoles thérapeutiques ont été élaborés et adaptés au contexte national et le budget alloué à l’acquisition de ces médicaments à considérablement été augmenté. En plus de la mise en place d’un programme de soins palliatifs en vue d’améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles face aux conséquences de la maladie, par la prévention et le soulagement de la souffrance et le traitement de la douleur et d’autres problèmes. Ce programme est en cours d’extension progressive au niveau national.

La pandémie Covid-19 a eu un impact important sur la prise en charge des personnes atteintes de cancer. Est-ce que nous pouvons dire aujourd’hui que les choses sont rentrées dans l’ordre ?

La riposte du système national de soins par rapport à la pandémie Covid-19 a été exemplaire. De très nombreuses mesures ont été entreprises pour garantir la continuité des soins durant cette période surtout durant le confinement pour accompagner les patients. Par exemple, la révision de certains protocoles, l’instauration de lignes téléphoniques pour accompagner les patients, le transport des patients vers les centres. Le retard noté a été plus tôt dans le diagnostic des nouveaux cas vu que les patients ont reporté leur recours aux prestations de diagnostic durant cette période essentiellement durant le confinement. Depuis, les structures de soins ont repris leur rythme d’avant la pandémie.

Quel bilan faites-vous du Plan national de prévention et de contrôle du cancer ?
La lutte contre le cancer au Maroc a connu une restructuration profonde depuis 2010 avec le lancement du premier Plan national de prévention et de contrôle du cancer. Ledit Plan a permis d’aborder la lutte contre le cancer avec une approche inclusive, intégrée, globale et centrée sur le patient, s'appliquant à tout le continuum de la lutte contre le cancer et parfaitement adaptée à l’organisation et aux particularités du Système national de santé. Et ce dans le but de diminuer la morbidité et la mortalité dues au cancer et d’assurer un accès équitable aux soins et services en oncologie, centrés sur la personne, à travers l’ensemble du Royaume.
La mise en œuvre du Plan a permis l’extension de l’offre de soins avec des équipements de dernière génération, de mettre en place un programme d’accès aux médicaments, y compris les plus innovants, de structurer la filière de soins en oncologie et de mettre place des programmes de santé publique, notamment la détection précoce des cancers du sein et du col de l’utérus et le renforcement du programme de lutte contre le tabagisme.
Le Plan national comporte des mesures relevant d’autres secteurs, autres que celui de la santé. Le renforcement de la collaboration et la coordination multisectorielle particulièrement pour l’axe prévention permettraient d’améliorer l’efficacité des mesures et actions entreprises.

Quel impact aura la généralisation de la protection sociale sur la prise en charge des personnes atteintes de cancer ?

La généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) à tous les citoyens y compris les économiquement démunis permettrait de renforcer l’accès à tous aux soins de santé que ce soit dans les établissements de soins du secteur public ou privé. Ceci permettrait aux patients atteints de cancer, notamment ceux qui étaient suivis dans le cadre du Ramed, de bénéficier de tous les traitements et toutes les techniques – diagnostiques ou thérapeutiques – disponibles au niveau national dans les deux secteurs, ce qui n’était pas possible avant avec le Ramed, avec qui les malades avaient uniquement accès aux soins et prestations disponibles au niveau des structures relevant du ministère de la Santé et de la protection sociale. Ceci aura également un impact indirect sur la réduction des délais de la prise en charge.

Quels sont, selon vous, les points sur lesquels il faut se pencher pour améliorer la prise en charge des patients atteints de cancer au Maroc ?

Parmi les axes stratégiques du Plan national de prévention et du contrôle du cancer 2020-2029, un axe est dédié à l’amélioration de la qualité à tous les niveaux, parmi les actions inscrites, il y a la mise en place d’une démarche d’assurance qualité pour toutes les activités et dans les différentes structures de prise en charge. Ceci contribuerait nettement à l’amélioration des différents aspects de la prise en charge. Un intérêt particulier est également accordé à la gouvernance, la recherche et la formation ainsi qu'à la prévention des cancers notamment la maîtrise des facteurs de risque du cancer dont ceux liés au tabac, aux agents pathogènes et à l’environnement.