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Chauffeurs de taxis vs chauffeurs VTC : la bataille s'intensifie, une réglementation s'impose

Si d'ordinaire, ce sont les chauffeurs de taxi qui dénoncent auprès de la police les conducteurs VTC, cette fois ce sont ces derniers qui sont montés au créneau pour exprimer le ras-le-bol d'être traités comme des transporteurs clandestins. Les deux parties qui se regardent en chiens de faïence ne manquent pas d'arguments pourtant. D'où l'impérieuse nécessité d'une réglementation stricte de ce secteur de manière à ce que tout le monde y trouve compte, notamment les usagers qui ont le droit d'accéder à des moyens de transport urbain souples, propres et qui respectent leur dignité.

Chauffeurs de taxis vs chauffeurs VTC : la bataille s'intensifie, une réglementation s'impose

Le bras de fer s'intensifie entre les taximen et les conducteurs de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC). Les deux camps se sont confrontés récemment à Casablanca. Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour maîtriser la situation. Si les chauffeurs de taxi ont pris l’habitude de piéger les conducteurs VTC et les démasquer auprès de la police, cette fois ce sont les automobilistes collaborant avec les plateformes de réservation VTC au Maroc qui se sont réunis pour manifester leur ras-le-bol.

«Je n’ai pas peur de défendre mon gagne-pain et je refuse d’être traité comme un transporteur clandestin. Les VTC créent des emplois, proposent une solution de transport et permettent aux agences de location de voiture de subsister. Cette solution doit être réglementée au profit des personnes sans emploi», indique un chauffeur travaillant avec l’application VTC InDrive. Et d’ajouter que ce sont surtout les détenteurs d’agréments qui refusent les VTC. «Les courses ont diminué à cause de ces applications. On n’arrive plus à joindre les deux bouts entre loyer journalier du taxi et frais du carburant. Nous nous retrouvons à récolter leurs miettes, déplore un taximan exerçant dans la capitale économique. C’est inacceptable de trouver des cadres qui gagnent bien leurs vies et nous concurrencent durant leur temps libre. Certains chauffeurs VTC travaillent pour des entreprises, ils n’ont pas de charges de voiture ou de carburant».

Les chauffeurs de taxis appellent à une réglementation en leur faveur

«On veut que les applications VTC deviennent légales, mais qu’elles soient réservées aux détenteurs du permis de confiance. Sinon, je devrais renoncer au taxi», nous confie un autre chauffeur de petit taxi qui a choisi de jongler entre son métier de base et les 5 applications VTC existant au Maroc afin d’assurer des revenus supplémentaires. Pour lui, la légalisation des plateformes de réservation VTC permettrait de transporter les clients en toute sécurité. Selon Hassan Khalifa, un représentant syndical des chauffeurs de taxi à Casablanca, les VTC devraient respecter un cahier de charge établi par la wilaya. «Nous ne sommes pas contre l’utilisation des nouvelles technologies, mais les chauffeurs doivent être réglementés pour une concurrence loyale. Les taximen ont une tarification à respecter et ne peuvent pas dépasser les limites géographiques imposées alors que les chauffeurs VTC sont libres de se déplacer en dehors du périmètre urbain ou effectuer des déplacements inter-villes».

Même son de cloche auprès d’une source au sein de l’application Roby, l’unique plateforme réglementée et réservée aux chauffeurs de taxi au Maroc. «Le zonage ligote les taximen et ne leur permet pas de concurrencer les VTC. Ils doivent travailler toute la journée pour payer le détenteur d’agrément et le carburant alors que les conducteurs collaborant avec les applications de transport n’ont pas les mêmes charges». Autre point soulevé par le camp anti-VTC est celui de la sécurité. «Le chauffeur de taxi paie une assurance d’environ 8.000 DH pour assurer ses clients alors que les VTC ne peuvent pas proposer la même garantie. De même si un client ou une cliente est agressé par un chauffeur VTC, il ne saura pas qui poursuivre ni si les nom et numéro d’immatriculation sont véridiques. En cas de contrôle policier, les conducteurs travaillant via applications demandent aux clients de dire qu’il s’agit d’un ami ou d’un membre de la famille. Et si ce chauffeur transportait de la marchandise illégale, les usagers des VTC doivent se poser plusieurs questions avant d’utiliser ce moyen de transport», nous confie un chauffeur de taxi. Selon des représentants syndicaux des taximen, les applications VTC doivent être encadrées, réglementées tout en limitant le nombre des particuliers pouvant y travailler.

Les chauffeurs VTC brandissent l’argument du confort et du contrôle continu

«Tous ces arguments ne sont que des prétextes pour garder la main sur ce système de transport urbain. À titre d’exemple, l’application InDrive assure le suivi des chauffeurs. Elle vérifie régulièrement tous les détails et fait des mises à jour de photos, informations personnelles et de véhicules», explique Hamza, chauffeur VTC. Pour sa part, Yassine, conducteur collaborant avec l’application Yassir, indique qu’un centre d’appel est mis au service des clients pour toute réclamation. En effet, les 5 applications VTC exerçant au Maroc sont à l’écoute de leurs clients afin de résoudre les problèmes et améliorer leurs services.

Du côté des clients VTC, cette concurrence est tout bénéfice. «Les chauffeurs de taxi refusent certaines destinations ou n’aiment pas transporter trois personnes pour une seule course alors les applications nous ont facilité la vie», indique Nezha, une jeune casablancaise fidèle à l’application InDrive. Et d’ajouter qu’«on peut même programmer son déplacement à l’avance jour comme nuit et avoir une voiture à disponibilité sans avoir à supporter les tracas des moyens de transport classiques». Même avis de Bouchra, une mère de famille qui grâce à une application VTC a désormais «un chauffeur de confiance» qui assure ses sorties le week-end avec ses enfants et sa mère sur fauteuil roulant. «Avant de découvrir cette solution, je galèrais avec les taxis. Certains refusaient de transporter une femme avec fauteuil roulant. En outre, je devais prendre deux taxis, un pour moi et un pour mes enfants. Maintenant, je n’ai plus de souci à sortir en famille».
Pour Hassan Khalifa, certains clients qui utilisent les applications VTC aiment donner des avis négatifs sur les chauffeurs de taxi. Néanmoins, il ne nie pas certains dépassements qui peuvent être contrecarrés grâce à l’intervention des autorités. «On devrait mettre en place un service de réclamation en ligne ou du moins plus adaptable aux contraintes des citoyens. Les formations des taximen doivent aussi être plus sévères. Mais ces deux points ne relèvent pas des prérogatives syndicats».
En attendant de trouver une solution à la discorde entre taximen et VTC, la vigilance ne baisse pas de part et d’autre.

Une concurrence entre VTC au profit des usagers

Les applications de transport urbain se concurrencent au Maroc. Chacune des 5 opérant sur le marché national propose des avantages spécifiques afin de fidéliser clients et chauffeurs. Parmi elles, il y a Roby qui brandit l’avantage de la légalité. Dédiée aux chauffeurs de taxi, cette application pratique des tarifs plus élevés que les autres. Malgré ceci, une source bien informée indique qu’elle n’arrive pas à réaliser des bénéfices à cause de la concurrence déloyale des VTC.Pour sa part, Yassir, une entreprise marocaine, se distingue en proposant des réductions aux usagers allant parfois à 50% sur la première course. «Cette stratégie ne se répercute pas sur nous puisque Yassir nous compense la différence», nous explique un chauffeur travaillant avec l’application VTC. Afin de se démarquer, Heetch a aussi proposé des réductions aux clients, mais sans équilibrer pour les chauffeurs.L’application a dû s’aligner afin de reconquérir ses collaborateurs. «Si l’application veut faire des réductions, elle doit le faire de sa propre marge de gain», affirme un chauffeur VTC en indiquant que Heetch prend un pourcentage de 15%. Et d’ajouter qu'InDrive donne parfois des bonus aux chauffeurs. La commission de cette application (10%) est la plus basse sur le marché. S’agissant de Careem, les chauffeurs VTC affirment que c’est l’application qui permet le plus de gain. «Careem n’est pas vraiment concernée par la concurrence, car elle a une autre catégorie de clientèle qui privilégie le confort aux prix. En travaillant avec cette application, je peux faire un gain quotidien de 400 DH ou plus alors que les autres applications laissent un bénéfice d’environ 150 DH/jour», nous confie un chauffeur VTC. Il est à noter que les tarifs de ces applications sont partis à la hausse depuis l’augmentation du prix du carburant.

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Déclaration de Abdessadek Boujaar, secrétaire général du Syndicat national des taxis marocains (affilié à l’UMT)

«Nous n’avons pas de problème avec les chauffeurs VTC, mais avec les entreprises qui enfreignent la loi. Les chauffeurs de taxi se posent surtout la question sur la persistance de ces entités malgré leur illégalité. Selon la réglementation en vigueur, toute voiture qui exerce sans permis de taxi doit être retirée et placée en fourrière pour une durée d’un à six mois. Le permis du conducteur est également retiré. Nous essayons de dénoncer aux autorités compétentes les personnes qui commettent ces infractions, mais le fléau persiste. On s’interroge pourquoi cette situation est imposée à notre secteur. Nous avons un cahier de charges à respecter alors que les chauffeurs VTC ne sont régis par aucune loi. C’est de la concurrence déloyale. Il ne suffit pas de se grouper en bandes pour légitimer une pratique illégale. Nous avons fait plusieurs écrits aux autorités compétentes et on continuera à faire les démarches nécessaires pour défendre les chauffeurs de taxi. Nous ne sommes pas près de baisser les bras.»


Hamza Madrani, directeur  business développement de InDrive au Maroc : InDrive ne concurrence pas les taxis traditionnels, mais les complète

 

Le Matin : Pouvez-vous nous donner un aperçu sur l’historique d’InDrive au Maroc ?
Hamza Madrani : Le Maroc a toujours été l'un des pays qui attirent les investisseurs et les entreprises multinationales, et la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et du gouvernement a rendu ceci possible après de nombreuses réalisations dans le domaine des infrastructures et de l'industrie. La direction d'InDrive a décidé d'entrer dans le marché marocain après avoir obtenu des résultats positifs en Égypte et dans les pays du Moyen-Orient. Le Maroc est devenu l'un des pays prioritaires dans la région en raison de la disponibilité de nombreux facteurs de succès, notamment la présence de jeunes, la numérisation, le manque de taxis de bonne qualité et la forte densité de population dans les villes.
Nos services permettent au conducteur et au passager de s'entendre entre eux sur le prix du voyage. Les Marocains ont beaucoup aimé cette approche, et c'est ce qui nous a aidés à atteindre le plus grand nombre de personnes. Cela nous a aussi donné plus d'espoir d'être une des entreprises leaders au Maroc. Nous sommes actuellement présents à Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir, El Jadida, Fès et Tétouan. Nous lancerons nos services dans d'autres villes prochainement.

Quels sont les avantages qui distinguent InDrive ?
Nous leur fournissons un environnement de travail transparent et équitable et nos frais de service sont les plus bas au monde. Nous ne facturons pas de frais cachés et n'imposons pas de services supplémentaires aux chauffeurs. L'application a été créée pour faciliter la vie des conducteurs tout en la rendant rentable pour eux.

Comment déterminez-vous les tarifs des courses ?
Si vous comparez avec nos concurrents, vous trouverez que ce sont les algorithmes qui déterminent le prix du trajet sans que le conducteur ou le passager connaisse la raison de cette tarification. Parallèlement, le prix du trajet peut changer tout au long de la journée sans donner de raisons, ce qui signifie que le prix d'un voyage peut varier entre le jour et la nuit. Notre tâche principale est de lutter contre l'injustice et l'exploitation, et nous essayons autant que possible d’offrir à nos utilisateurs les conditions les plus équitables. Pour ce, nous avons les frais les plus bas du marché et nous n'obtenons pas plus de 10% hors taxes, alors que nos concurrents touchent entre 20 et 25%.
Et il y a une autre caractéristique importante : avant que le conducteur n'accepte le trajet, il peut voir le point B (arrivée). Cela signifie qu’il peut prendre des passagers selon ses plans. Étant une entreprise basée aux États-Unis, nous opérons avec succès dans 47 pays à travers le monde. Notre application est la deuxième application de transport intelligent la plus téléchargée au monde. Les téléchargements au Maroc ont grandement contribué à ce score

Quels sont vos projets au Maroc ?
Nous prévoyons de nous étendre dans d’autres villes marocaines avec plus de services, car InDrive n'est pas seulement une application de transport intelligent, mais une plate-forme de services urbains, qui comprend les services de voyage interurbain, l'expédition, les services locaux, la recherche d'emploi, la livraison et autres. Nous prévoyons également de lancer cette année un projet social dédié à la sécurité des piétons.

Comment gérez-vous le conflit avec les chauffeurs de taxi au Maroc ?
Premièrement, de nombreux chauffeurs de taxi utilisent déjà notre application. En général, InDrive ne concurrence pas les taxis traditionnels, mais les complète, donc je n'appellerais pas cette situation une crise, et pour notre part nous invitons tout chauffeur de taxi à rejoindre l'application.
Nous avons commencé à communiquer avec les autorités et nous voyons que l'État comprend que la numérisation du marché des taxis apportera plus de valeur au secteur, et cela rendra le marché plus transparent et l'industrie plus rentable. Les bénéfices financiers peuvent être consacrés au développement des infrastructures de transport, par exemple.
Les services de transport intelligents doivent être réglementés pour que les Marocains et les touristes bénéficient de services protégés par la loi.

>> Lire aussi : Covoiturage au Maroc : un marché florissant en attente d’une réglementation

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