Les pays à revenu élevé ont implémenté des politiques budgétaires plus importantes que les pays émergents et en développement et à faible revenu. De plus, des disparités significatives sont à relever au sein du même groupe de pays. Le constat est de Bank Al-Maghrib (BAM) dans une analyse sur les déterminants de l’effort de relance en réponse à la crise de la Covid-19. Ce travail, signé Saïda Hajjaji et Kamal Lahlou, analyse les différents déterminants macro-financier, social et sanitaire de l’effort de relance chez les pays émergents et en développement, dont le Maroc, pour faire face à la crise sanitaire de la Covid-19 qui a provoqué une forte récession économique jugée comme la pire depuis la Seconde Guerre mondiale. Les résultats des modèles estimés à partir d’un échantillon de 86 pays émergents et en développement montrent qu’au niveau de l'environnement macroéconomique d'avant crise sanitaire, la dette et les déficits du compte courant sont des contraintes majeures et représentent des déterminants qui ont contribué à la réduction de l’effort de relance.
En revanche, la récession économique observée durant l’année 2020 a contribué à l’augmentation de l’effort de relance. Les pays disposant de capacités financières ont dû soutenir les ménages et les entreprises pour faire face à l’arrêt de leurs activités. De même, la taille de l’économie informelle a davantage accentué les besoins d’aides dans la mesure où les travailleurs qui opèrent dans ces activités ne bénéficient pas de protection sociale. De plus, le niveau de développement du secteur financier, approximé par l’indice du FMI ou plus spécifiquement par le ratio des crédits sur le PIB, est une composante qui a positivement agi sur l’effort de relance ressortant significative dans presque tous les modèles estimés. Comme attendu, le volet sanitaire de la crise, représenté dans les modèles notamment par le nombre de cas de contaminations et dans une large mesure par l’indice de développement humain, a également contribué à la hausse de l’effort de relance.
L'économie mondiale continue de souffrir de plusieurs chocs déstabilisants
Après plus de deux ans de pandémie, les tensions géopolitiques issues de la guerre de l'Ukraine et leurs effets sur les marchés des matières premières, les chaînes d'approvisionnement et les conditions financières ont accentué le ralentissement de la croissance mondiale. Cette situation exacerbe également l'insécurité alimentaire et l'extrême pauvreté dans plusieurs pays. Des risques menacent toujours de faire dérailler une reprise économique très fragile. Parmi eux figurent notamment la persistance de la hausse de l’inflation et l’atonie de l’activité. Cette situation pourrait entraîner un resserrement encore plus important de la politique monétaire dans tous les pays afin de juguler le renchérissement des prix, modérer les risques de dés-ancrage des anticipations et éventuellement tempérer les tensions financières.
In fine, les pays émergents et en développement font face à des arbitrages difficiles dans un environnement hautement incertain.
D’une part, une réponse vigoureuse et de grande envergure est nécessaire pour stimuler la croissance et la création d’emploi, apporter un soutien aux groupes de population vulnérables et atténuer les impacts de long terme des chocs mondiaux de ces deux dernières années. En effet, les répercussions sociales de cette crise ont réaffirmé l’importance de la consolidation des filets sociaux à l’instar de la couverture médicale et des allocations chômage pour perte d’emploi. Plusieurs familles se sont retrouvées dans une situation de grande précarité, ce qui a nécessité de la part des gouvernements une mobilisation rapide pour soutenir les populations dont les sources de revenus proviennent généralement des activités informelles.
D’autre part, les conséquences de la guerre en Ukraine ont entraîné une nouvelle réduction des marges de manœuvre politiques, qui sont désormais beaucoup plus limitées par rapport au début de la pandémie. Ce contexte international très incertain incite particulièrement les pays émergents et en développement à accompagner la reprise de l’activité économique avec une certaine mesure afin de reconstituer les réserves budgétaire et monétaire et se prémunir contre d’éventuels chocs causés par l’escalade des tensions géopolitiques et l’intensification du stress hydrique. Avec la remontée des taux d’intérêt au niveau international, de nombreux pays émergents et en développement sont de plus en plus confrontés à des conditions de financement restrictives et au risque de surendettement. Cette tendance les contraint à hiérarchiser les dépenses et à accélérer les réformes fiscales pour réduire à moyen terme les fragilités budgétaires.
De même, avec la flambée des cours internationaux des produits de base, les gouvernements devraient en priorité cibler les populations pauvres et vulnérables pour préserver un accès équitable aux denrées alimentaires et maintenir la cohésion sociale. Néanmoins, cette politique ne pourrait être déployée de manière efficace que grâce à des dispositifs développés d’identification des différentes catégories socio-économiques de la population et surtout des groupes qui nécessiteraient des transferts monétaires directs. Une meilleure orientation des dépenses est à même de limiter la pression sur les finances publiques, fortement impactées par la crise sanitaire, et dégager ainsi des marges budgétaires suffisantes pour l’investissement dans les défis futurs dont particulièrement la rationalisation de la gestion de l’eau, la reconversion vers les énergies renouvelables et l’accélération de la digitalisation de l’économie.
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