Le Matin : La coalition «We-Men Engaged for Change» a vu le jour, en juillet 2022, dans le cadre de la campagne «8 milliards de personnes = 8 milliards d’opportunités». Quels sont les objectifs de cette coalition ?
L’objectif principal de la coalition est de renforcer la participation des femmes dans le processus et les structures de prise de décision et dans les actions liées à la lutte contre les changements climatiques, ainsi que de promouvoir leurs droits à l’environnement et l’égalité de genre. La coalition se veut une plateforme de référence sur les questions de justice climatique et du genre, deux enjeux interconnectés pouvant favoriser la justice sociale d’une manière générale. De plus, les femmes sont souvent les plus touchées par les effets négatifs du changement climatique, mais elles ont également un rôle clé à jouer dans la gestion des ressources naturelles et la conservation de l'environnement.
Le Maroc, comme tout pays du monde, connaît aujourd’hui un changement climatique, entraînant des problématiques différées liées à la sécheresse, à la sécurité hydrique et à la désertification en raison de la hausse des températures et du caractère plus aléatoire des précipitations. Ces défis provoquent ainsi des flux migratoires et impactent directement le bien-être de l’ensemble de la population et de la société. Leurs effets seront plus lourds sur les populations vulnérables, y compris les femmes et les filles qui n’ont pas les moyens de faire face à leurs répercussions, surtout au niveau de l'accès à des services tels que la santé. Notre coalition est donc pluridisciplinaire, elle œuvre sur des sujets transversaux interconnectés et entend développer principalement le leadership des femmes et des filles en tant qu’actrices de changement et porteuses de solutions novatrices au niveau international, national et local pour une réponse efficace et durable aux changements climatiques et pour un plaidoyer pour la refonte des normes de genre discriminantes.Comment les changements climatiques peuvent-ils avoir des conséquences plus importantes sur les populations vulnérables telles que les femmes ?
Selon le bureau des Nations unies de coordination des affaires humanitaires, le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire à cause des conséquences des changement climatiques pourrait doubler d’ici 2030. Actuellement, nous parlons de plus de 235 millions de personne. Je citerais aussi le rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié en version synthétique en mars 2023, qui annoncé des événements météorologiques extrêmes plus fréquents et plus graves, dont on peut attribuer la responsabilité aux comportements humains. Le rapport a fait référence aux souffrances auxquelles les groupes marginalisés et vulnérables font face, notamment les femmes et les jeunes filles, qui constituent la majorité des populations pauvres et dont la subsistance dépend notamment des ressources naturelles. Selon le PNUD, les femmes et les enfants ont 14 fois plus de chance que les hommes de mourir en cas de catastrophe naturelle.
Comme vous le savez, les femmes et les filles sont majoritairement responsables de la collecte de l’eau et du ramassage du bois pour le feu dans plusieurs pays, et doivent parcourir de grandes distances dans leur recherche. Elles sont plus susceptibles de subir des violences basées sur le genre, notamment des violences sexuelles, physiques et émotionnelles. Ces événements peuvent causer l'instabilité économique et l'insécurité alimentaire, impactant ainsi la cohésion et la sécurité sociale et augmentant le risque de leurs vulnérabilités. Les problématiques liées aux changement climatiques peuvent aussi contribuer à la hausse des mariages des enfants et des filles mineures, causer la mortinatalité pendant la saison chaude, provoquer les maladies à transmission vectorielle, perturber la santé sexuelle et procréative et limiter l’accès à la contraception.Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et comme le changement climatique influe sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé (air pur, eau potable, nourriture en quantité suffisante, sécurité du logement), il est estimé qu’entre 2030 et 2050, le changement climatique entraînera près de 250.000 décès supplémentaires par an. Ces données nous interpellent, car le monde est aujourd’hui un petit village. Nous sommes directement impactés par les changements climatiques et nous avons le devoir en tant que coalition d’agir pour renforcer notre résilience.
Parlez-nous des réalisations et des activités de la coalition durant cette première année ?
Nos actions durant l’année étaient diversifiées. Notre but au départ était d’appuyer et de fédérer le travail des dynamiques de femmes qui travaillent sur les questions des droits des femmes et des changements climatiques afin d’assurer une synergie d’actions et de lancer une campagne de sensibilisation et de vulgarisation plus large sur l’interconnexion entre le genre et le climat. Avec l’appui du bureau de UNFPA au Maroc, nous avons pu fédérer le travail des associations œuvrant dans le secteur de l'arganier au sein de la Fédération nationale des femmes de la filière de l’arganier.
Ensuite, nous avons lancé plusieurs débats nationaux et multi-acteurs, notamment sur de nombreux sujets d’actualité tels que l’impact différencié des changements climatiques sur les droits des femmes et des jeunes filles à travers un ensemble d’actions portées par les membres de la coalition, les changements climatiques et les questions de migration, principalement sur les droits des femmes migrantes, la résilience des femmes rurales et la constitution de la relève et en renforçant le débat intergénérationnel et la justice climatique, la justice de genre et la justice sociale. Nous avons aussi rendu hommage le 10 mai 2023 aux femmes pionnières de la première génération de l’arganier qui ont édifié le secteur, en célébration de la Journée internationale de l'arganier pour la première fois depuis sa proclamation par l'Assemblée générale des Nations unies en mars 2021.Conscients de l’importance des arts et de la culture ainsi que de la digitalisation dans la sensibilisation, nous avons animé des ateliers de sensibilisation à l’environnement en utilisant l’art comme moyen d’expression et de divertissement éducatif. Nous avons aussi mené une campagne de sensibilisation digitale sur les droits des femmes et les changements climatiques en se focalisant sur l’expérience d’Agadir et de Taounate. Au niveau de notre engagement dans les plateformes et institutions et instances internationales, nous avons participé au débat international sur les droits des femmes dans les négociations climat au niveau de la COP 27 (2022) et la MEDCop de Tanger (2023). Nous étions aussi partenaire de la septième édition de l’Exposition interculturelle sur la migration.
Quelles sont les prochaines actions prévues ?
Pour les actions à venir, nous comptons travailler sur une feuille de route et unifier les actions de la coalition afin de contribuer à la mise en œuvre des politiques nationales concernant le climat et le genre ainsi que participer au plaidoyer international en la matière. Nous comptons aussi vulgariser plus les «8P» de la déclaration de Rabat pour l’égalité, la parité et la prospérité que nous avons lancée. Le principe de notre action se résume en un développement égalitaire qui ne peut être conçu qu’avec des femmes leaders, porteuses de solutions, détenant des savoirs et des savoir-faire transmissibles aux générations futures, et des hommes responsables, engagés pour le changement, pour l’effectivité des droits des femmes et la dignité, notamment les droits socio-économiques, les droits à la non-violence, à la santé procréative et à la protection sociale. Nous comptons aussi préparer une déclaration d’engagement pour la préparation de la Conférence international de la population ICDP+30, participer à la huitième édition de l’Exposition migration et changement climatique, et organiser une conférence sur le stress hydrique et le genre.
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